Mon frère, le philosophe

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Mon frère, Gaston était maître de conférences à l’université de Pyongyang, au département « torture et manipulation ».

  • Il est revenu pour le mariage de notre sœur. Puis il est resté, évoquant le climat de là-bas qui ne lui réussissait pas et son allergie au pollen de magnolia argenté qui lui causait de terribles démangeaisons.

Il s’est installé à la maison, à glander sur le canapé et descendre mes bières. Un jour qu’il n’y avait rien à la télé, il a feuilleté « La Philosophie pour les Nuls ». Il a trouvé ça génial.

Dès le lendemain, il s’est mis à écrire. Des trucs bizarres. Faut dire qu’il a toujours été un peu fêlé. Il n’avait pas quatre ans le jour où il a peint le chat en vert. Le chat n’a pas apprécié. Papa et maman non plus.

Toujours est-il qu'il s'est mis à pondre des pages et des pages. Quelque temps plus tard, il a même trouvé un éditeur qui a accepté de le publier. J’ai trouvé ça louche. Cela dit, c’était une excellente nouvelle : il a pu louer un appartement et, enfin, débarrasser le plancher.

Sa première œuvre, « Métaphysique de la translucidité des mœurs » est sortie cette même année. Par solidarité fraternelle, j’ai tenté de la lire. Mille quatre cents pages de réflexions futiles et inintelligibles. J’ai déchiffré avec peine les trois premières avant de ranger le bouquin dans la bibliothèque, entre Nietzsche et Kant, au cas où il viendrait y jeter un œil. À la sortie de son second ouvrage, « Critique de l’ontologie phénoménologique et de la métaphysique des mœurs", j’ai balancé le livre direct à la poubelle.

Depuis, je l’évite. Il parait qu’il s’est trouvé une copine, une néo-Trotskiste végan qui pratique l'art du massage ayurvédique . Je n’ose même pas imaginer les discussions qu’ils peuvent avoir dans l’intimité. Bah, au fond, je m’en fous. S’ils sont heureux, tant mieux pour eux.

Mais quand ma fille m’a annoncé : "papa, je veux être philosophe, comme tonton !", je lui ai allongé une grande paire de baffes. Ça lui apprendra.

Du coup, elle est devenue call girl. Ça m’apprendra. 

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