Partie 6

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Le lendemain de mes dix-sept ans fut un tournant irréversible dans mon existence. Comme d’habitude, j’étais enfermé dans l’appartement, travaillant pour avoir mon bac avec la meilleure mention possible. Plus qu’une volonté, c’était une nécessité. Ma mère aurait redoublé son acharnement pour un centième de moins dans ma moyenne. Elle voulait que je rentre dans une école d’infirmiers. Etant aide-soignante, c’était un grade suprême pour elle. J’avais osé lui demander pourquoi elle ne voulait pas que je fasse médecine, cela m’aurait plus intéressé. Elle m’avait alors répondu que je n’en étais pas capable. Elle ne voulait pas payer mes études, pendant tant d’années, pour un gosse comme moi. Je n’en valais pas la peine.

J’étais donc assis à cette table, que je maudissais tant, apprenant une leçon de SVT par cœur, lorsqu’on tapa à la porte. Ne pouvant l’ouvrir, j’attendis comme à mon habitude, que la personne se lasse, et parte. A mon grand étonnement, j’entendis les voix s’intensifier derrière la porte, dans le couloir de mon étage. Je levai les yeux, intrigué. Quelques minutes plus tard, une voix s’éleva au-dessus des autres.

— Hé, il y a quelqu’un ?

Je ne répondis pas, mon palpitant commença à battre plus vite.

— Tom ? Tu es là ?

Comment cet homme connaissait-il mon prénom ? Je me levai lentement de la chaise, ne quittant pas une seule seconde la porte des yeux, puis avançai vers l’entrée.

— J’entends quelqu’un, dit une voix.

— Tom, si tu es là, ouvre-nous la porte, ordonna l’homme.

Je réfléchis à toute allure quant à la marche à suivre. De toute façon, ils savaient que j’étais là.

— Qui êtes-vous ? osai-je alors.

— Nous sommes de la police, répondit l’homme. Est-ce que tu peux ouvrir la porte, s’il te plait ? Nous avons à te parler.

— Je n’ai pas la clé, l’informai-je alors. Je ne peux pas vous ouvrir…

Un silence suivit ma déclaration. Je sentis qu’ils réfléchissaient, se regardant à tour de rôle pour discuter.

— Bien, ce n’est pas grave on va se débrouiller, déclara le policier. Ecarte-toi de la porte.

— D’accord, répondis-je en reculant.

Je les entendis s’organiser pour enfoncer la porte. Cette dernière subit plusieurs assauts avant de finalement céder. Je vis alors trois policiers avancer dans le hall.

— Tu es Tom ? me demanda l’homme avec qui je parlais depuis le début.

Il semblait être le capitaine. Les deux autres ne parlaient pas, se contentant de m’observer avec un regard grave.

— Oui, répondis-je.

L’homme s’avança alors doucement vers moi. Il me dépassait de deux têtes, et je dus lever les yeux pour soutenir son regard.

— C’est à propos de ta maman. Est-ce que l’on peut en discuter ?

J’acquiesçai, me demandant pour quelles raisons ils voulaient me parler de ma mère. Je m’attendais au pire ; peut-être avaient-ils découvert qu’elle m’enfermait. Mais ce n’est pas de ma faute, s’ils sont au courant, je ne les ai pas prévenus, pensai-je. J’espère qu’elle me croira… Je m’imaginais déjà le ton glacial et le visage crispé de colère de ma mère. En m’asseyant sur le fauteuil en face du capitaine, je retins mon souffle, priant pour ne plus avoir d’ennuis. L’homme me regardait à présent d’un air compatissant, cherchant ses mots. Je n’aimerais pas être à sa place.

— Ta mère a eu un accident de voiture, dit-il finalement.

Je me redressai, surpris, mais soulagé, par son annonce. Il sembla étonné de ne voir aucune once d’inquiétude dans mon regard.

— Et alors ? dis-je.

Il me regarda longuement avant de me répondre :

— Je suis désolé, sa voiture a pris feu. Elle n’a pas pu en ressortir.

Au fond de moi, un poids se détacha. Je me sentais libre, et léger, pour la première fois de ma vie. Je me mis alors à sourire, une douce chaleur prenant possession de mon cœur. Le feu avait finalement fait justice.

Le policier fut troublé par mon attitude, mais il la mit sur le coup du choc émotionnel. Il s’attacha ensuite à m’expliquer ce qui allait suivre. Je l’écoutais d’une oreille distraite, ne réalisant toujours pas. Ma prière avait été entendue.

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