Chapitre 3

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Le lendemain était un beau matin d’hiver. Il n’y avait pas un seul nuage dans le ciel mais le soleil ne pouvait réussir à réchauffer la terre gelée. Une légère brume s’élevait de la bouche de chaque personne qui se trouvait là. En plus, de la famille royale, de quelques amis et des employés se trouvaient trois voitures recouvertes par un tissu blanc. Il n’était ainsi pas possible de deviner quelles étaient ces voitures. Les conversations s’arrêtèrent petit à petit, les gens attendaient un signe de la part du souverain. Ce dernier fut très sobre. Il leva la main vers l’ainé et fit :

– Vas-y, commence.

Il s’avança vers la première bâche blanche, l’attrapa et tira dessus d’un coup sec. Il dévoila ainsi une magnifique voiture de sport italienne. Elle avait des traits fins et racés, taillée pour la vitesse, pour que les autres conducteurs de la route ne la voient passer que comme un éclair rouge. Le roi siffla :

– En voilà une jolie Ferrari !

– Oui. J’ai voulu vous offrir la voiture la plus rapide et la plus célèbre du monde, et je me permets de vous en donner les clés.

– Pose-les sur le capot, s’il te plait, Godefroy, fit la reine en se penchant pour voir l’intérieur de la voiture.

Le roi se trouvait déjà assis à l’intérieur et admirait la ligne. Son fils vint lui donner les clés. Il mit la machine en route et appuya sur l’accélérateur. Le moteur se mit à vrombir sauvagement. Le roi ressortit avec un grand sourire aux lèvres. Il se dirigea sans un mot vers la deuxième voiture et fit un simple geste pour lui dire de commencer. Le second prince semblait un peu dépité : il avait bien vu la joie de son père. Aussi regardait-il avec insistance sa mère qui pouvait lui donner sa voix. Celle-ci l’encouragea d’un signe de tête. Il enleva le tissu pour faire découvrir une luxueuse berline anglaise. Ses lignes étaient posées avec la simplicité de l’élégance sans outrageux tape à l’œil. Elle restait d’un gris souris métallisé discret mais inimitable. Cette fois ci, ce fut la reine qui s’exclama :

– Une Rolls Royce !

– Et une belle, fit le père sincèrement mais sans trop de conviction.

– En effet. J’ai choisi cette voiture parce qu’elle est la plus luxueuse et surtout la plus belle de ce monde. C’est le minimum que vous méritiez et en voici les clés.

Cette fois-ci, la reine la lui attrapa directement des mains pour l’ouvrir et s’installa à l’arrière. Cette voiture était un palace roulant, un temple du bon goût. Elle s’enfonçait avec délectation dans le moelleux du cuir des sièges, elle s’amusa à essayer quelques gadgets et, pendant que le père remarquait avec plaisir que le mini bar intérieur était garni d’un excellent scotch de douze ans d’âge, Juan se penchait par la portière et précisa :

– Et surtout, c’est l’une des voitures les plus sures au monde.

De son côté, Kevin était mortifié. Il ne savait pas ce que les livreurs avait caché sous le tissu blanc, il ne savait pas ce qu’elle avait acheté mais il était certain qu’elle n’avait rien pu trouver d’aussi bien. Il se tourna pour essayer de l’apercevoir du regard. Peut-être était-elle dans le jardin ? Il ne la vit pas. Alors il relut pour la vingtième fois le petit mot qu’elle lui avait fait parvenir. Elle y avait écrit ce qu’il devait dire, son premier vrai discours. Il commençait à se ronger les ongles lorsque le couple royal s’éloigna de la deuxième voiture pour se diriger vers la dernière. Là encore, ce fut un seul geste qui lui demanda de commencer. Il était pourtant bien visible pour tout le monde que ni le roi ni la reine n’était très attentif, ils avaient l’esprit l’un dans la Ferrari, l’autre dans la Rolls Royce. Kevin s’avança et enleva le tissu d’un geste si vif qu’un claquement surgit dans les airs. Un certain murmure d’étonnement s’éleva. C’était une voiture aux lignes simples voire même banales. Ce n’était ni une voiture de luxe, ni une voiture de sport, elle avait l’air d’être la voiture de tout le monde, d’un blanc encore plus commun. Mais la curiosité des souverains était piquée :

– Quelle est cette marque ? Je ne la connais pas, commença le roi.

– Pourquoi as-tu choisi cette voiture, mon fils ? Crois-tu vraiment qu’elle soit digne de notre rang ?

– Non seulement elle est digne de votre rang mais elle est bien plus, répondit Kevin avec une assurance et une conviction qu’il n’avait pas. Elle sera un message envoyé au peuple et à la planète. C’est une petite marque de notre pays qui la fabrique. C’est une voiture unique qui démontre notre savoir-faire au monde entier : elle fonctionne à l’électricité et ses performances surclassent celles des autres véhicules électriques. Cette voiture permet non seulement de montrer que vous faites attention à la planète mais également de soutenir nos industries nationales.

Les deux époux se regardèrent de manière perplexe puis la voiture et s’éloignèrent pour discuter sans même avoir voulu monter dedans ou regarder à l’intérieur. Le prince baissa la tête sous le poids de son désespoir face à la défaite. Les deux ainés ne se regardaient plus avec animosité. Ils s’étaient naturellement réunis pour rire de la voiture proposée par leur frère. Pendant que le roi et la reine délibéraient, le ministre de l’intérieur et le ministre des affaires étrangères s’approchèrent du couple royal. De toute évidence, ils étaient gênés de devoir interrompre leur délibération mais les informations qu’ils avaient étaient suffisamment importantes pour mériter le dérangement. Chacun put voir que, tour à tour, les monarques se montrèrent surpris puis déçus. Dès lors, la décision fut quasiment immédiate. Les ministres s’éloignèrent et le couple se retourna vers leurs enfants. Ce fut la reine qui commença :

– Bien. Notre décision est prise.

– Godefroy, ta voiture est très bien, très jolie et j’aimerai beaucoup la conduire. Seulement, voilà, nous vous avions demandé une voiture pour nous deux. Ta mère aurait beaucoup trop mal au dos si elle rentrait dedans. Nous ne pouvons te choisir pour cette épreuve ; cela dit j’accepte ton cadeau avec plaisir.

Le ministre de l’intérieur se mit à protester. Le roi le rassura :

– Je ne pourrais bien évidemment la conduire que sur circuit, sinon les agents de la sécurité en feront une crise cardiaque. Je ne peux risquer ma vie avec un tel bolide.

– Juan, fit la reine. Je trouve la voiture que tu as choisie absolument parfaite. J’aurai grand plaisir à me faire conduire dedans. Seulement, comme la fait remarquer notre ministre des affaires étrangères, notre voisin a également la même en voiture officielle. Je ne peux donc décemment te choisir.

Les regards se tournèrent alors vers le plus jeune des princes. Celui-ci semblait le premier étonné. Ce fut cependant Kevin qui rompit le silence :

– Mère, m'avez-vous choisi par défaut ?

– Pas vraiment, répondit le roi.

– En effet, confirma la reine. Il est vrai que nous avons eu chacun un coup de cœur pour les voitures proposés par tes frères. Mais le devoir d’un monarque est de guider son peuple sur le droit chemin et de montrer l’exemple. Le fait que cette voiture soit issue de notre pays avec nos technologies, comme tu l’as très justement dit, a primé sur tout le reste.

Il y eut un grand silence suivi d’un vilain murmure dans l’assistance. Les deux frères regardaient le gagnant d’un regard méchant. En voyant cela, le souverain s’empressa de changer de sujet pour détendre l’atmosphère. Ils avaient choisi les épreuves dès le début, ce n’était pas la peine de les faire attendre.

– Nous allons immédiatement vous donner la deuxième épreuve, reprit le roi. Vous avez trois mois pour trouver et la mettre en place. Comme nous vous l’avons bien dit, nous devenons très vieux, nous aimerions que vous nous fassiez vivre une dernière grande expérience. À vous de la préparer et de choisir laquelle.

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