25.

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- Noyau Omeg’, déclare simplement Sanchez.

- Quoi ?

- Pas de quoi. Est-ce que ce nom vous évoque quelque chose dans les profondeurs de votre crâne de piaf ?

Emryx se tord nerveusement les mains, détournant les yeux vers les bottes de Sanchez, ce qui le fait un bref instant tiquer avant de subir un nouveau rappel à l’ordre :

- Alors ?

- Ben heu… heu…

Sujet tabou donc, il n’en demeure pas moins sacrément manche pour dissimuler ses connaissances sur la question. Sanchez a presqu’envie de le secouer par les épaules, mais il préfère se retenir. Inutile de braquer d’abord cet imbécile et hors de question de poser les mains sur son infâme blouse vésicale.

- Nous sommes seuls, parlez !

L’assistant déglutit, jette encore d’énièmes regards alentours, avant d’enfin vider sa besace.

- Je sais que c’est lié au projet Ouroboros, chuchote-t-il plaçant une main en porte-voix. Un truc qui pourrait changer l’équilibre mondial si ça venait à sortir des centres de test, mais…

- Sauf que ça a déjà fuité et vous le savez, n’est-ce pas ? poursuit Sanchez claquant la main du jeune homme. Les Pandas ont mis les pattes dessus et tout le monde craint les conséquences depuis des semaines. Maintenant qu’ils attaquent le bâtiment, vous pensez bien que ça s’agite…

- Quoi ?! Ils attaquent le bâtiment ?!

- C’est ce que je viens de dire. Vous avez pas entendu l’alarme ? C’est surtout pour ça que tout le monde vient se calfeutrer en bas. Pas pour l’avènement d’une nouvelle ère ou je ne sais quelle autre bêtise.

- On est en train de se faire attaquer ? répète Emeryx.

Cette phrase, cette si petite phrase, une ultime répétition penaude, manque à Sanchez de commettre l’irréparable. Une tarte, voire un pain bien plus complet et généreux que ceux distribués par le bon Jésus. Pour calmer ses nerfs, il enchaine :

- Vous savez ce qu’il y a dans le réacteur ?

- Hein ?

- Nom de…

Nouveau juron laborieusement contenu. Devant lui, l’assistant béat ne sait pas où se mettre, y compris ses lunettes qu’il n’a de cesse de renfoncer sur son nez poisseux. Ce type tend la tête pour se prendre une décharge. Sanchez rêve plus que jamais de l’envoyer s’écraser sur les portes de l’ascenseur (10bis).

Il se retient néanmoins, découvrant un sourire carnassier sur son visage pour inviter son interlocuteur à satisfaire sa dangereuse curiosité.

- Officiellement, il n’y a que le réacteur à neutrons thermiques, après…

- Et ce que vous savez, mais que vous n’êtes pas censés savoir, que pourtant tout le monde sait ou se doute, grâce à la discrétion légendaire d’AstraCorp ?

- Ben… Le projet Ouroboros. Sans aller jusqu’à penser qu’il occupe toute la salle du réacteur, il est au moins à cet étage.

- Et quelle est la nature de ce projet ?

- Euh… C’est quoi toutes ces questions, exactement ?

- Une manière de vérifier l’étanchéité des informations circulant dans cette foutue boite, improvise Sanchez sans se départir de son autoritarisme radical. Répondez maintenant… ou je ferai savoir au Professeur Joust que vous êtes la fichue mouche à beurre à l’origine de toutes les fuites constatées par le lieutenant Ni… Nicholls, sans le T évidemment. Si j’étais vous donc, je répondrai.

- J’en ai aucune idée ! pleurniche presqu’Emeryx. J’ai entendu des trucs c’est tout, comme quoi ce serait le successeur du Constituant Zeta ou un nouveau cobaye pour créer un agent mutagène, mais…

- Que des conneries, quoi.

- Vous voulez dire que ce n’est pas vrai ?

- Non, j’ai dit que c’était des conneries, des foutaises, de la poudre de perlinpinpin si vous préférez, tranche Sanchez le regard incendiaire. De toute façon, vous allez bientôt le savoir.

- Que… pourquoi ?

Sanchez ne répond pas tout de suite. Il pèse le pour et le contre de cette soudaine décision. Deux individus en blouses délavées valent mieux qu’un seul cherchant les directions. Certes, la compagnie d’un imbécile aussi racé ne l’enchante guère, mais d’un autre côté en réquisitionnant pareil corniaud, ce ne sera pas lui qui se risquera à poser les questions les plus ridicules.

- Parce que j’estime que les mouches à merde dans votre genre se doivent de recevoir un minimum de réponse avant qu’AstraCorp ne pète au petit matin, reprend Sanchez. Donc vous venez avec moi à l’étage Garcia.

- Garcia ?

- Je me comprends.

- C’est à dire que je devais descendre au niveau F. Le professeur Joult attend son latte et…

- Je vois… Vous préférez donc jouer les larbins toute votre vie que d’avoir enfin les réponses que vous fantasmez depuis votre arrivée ici, Aymeric.

- Emeryx, corrige-t-il. C’est Emeryx, mais vous pouvez m’appeler comme vous le souhaiter…

- Parfait Aymeric. Donc vous venez oui ou merde ?

Sans laisser le temps au concerné de répondre, Sanchez va remettre l’ascenseur en branle, histoire d’ajouter quelques litres de pression supplémentaires à l’esprit étriqué du jeune épigénéticien. Par commodités cornéliennes, il enfonce la lettre F en plus de la G, si bien que lorsque les portes coulissent quelques minutes après sur l’étage d’Èf, Emeryx n’a d’autre choix que d’en faire un justement.

La morne convivialité sécuritaire de son quotidien semble davantage lui astiquer l’artichaut qu’enfin poser les yeux sur une réalité que son imaginaire préfère fantasmer (33). Une forme d’allégorie de la caverne qui ne manquerait pas de facepalmer ce très cher Platon. Reste qu’au fond de lui, il a envie de savoir. Sanchez en met sa main au massicot. Il ne manque plus qu’un tout petit rien pour achever de le décider (11).

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