Là où vont les météores - épisode 1

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Là où vont les météores 1



Une puissante tempête de sable balayait le sol de Mars. Une de ces tempêtes que la planète connaissait tant, d’une taille gigantesque, soufflant sur des étendues à perte de vue. Des quantités de poussière et de sable charriés et même à des milliers de kilomètres en avant, le souffle du vent commence à se faire ressentir.

Ses jumelles collées sur ses lunettes de protection, Glenn Artfire observait la tempête de très loin, du haut d’un promontoire rocheux. D’ici, il avait un panorama global sur toute la région. Il remarqua qu’un ensemble de trois bâtiments se trouvait à une certaine distance de lui, pas encore recouvert par la tempête. Et c’est là-bas qu’il devait aller. Ses vêtements claquaient dans le vent, sa tenue complète de sortie pour survivre dans l’atmosphère martienne. Il voyait les masses nuageuses engloutir les plaines, les montagnes et les ravins, comme si ces obstacles ne pouvaient pas l’arrêter.

Glenn rangea ses jumelles dans un sac puis il grimpa dans son véhicule tout terrain. Il descendit la côte du promontoire et se dirigea vers les bâtiments qu’il avait aperçus tout à l’heure. Le vent soufflait tellement fort que l’engin ne roulait pas droit et plus la tempête approchait, plus la tenue de route était difficile.

Le pilote savait aussi que s’il tardait trop, le souffle du vent aurait raison de lui.

Il roula pendant un petit moment, les masses nuageuses au loin sur sa gauche, progressant inexorablement sur leur lancée. Glenn était minuscule comparé à tout cela.

Il parvint à destination, ce qui semblait être une petite exploitation minière, les hangars de déchargements et les annexes. Il descendit et se rendit compte que le vent soufflait maintenant tellement fort qu’il avait du mal à avancer. Marchant lentement, Glenn entra dans un des bâtiments et retrouva enfin une certaine liberté de mouvement.

Il traversa la structure pour rejoindre un monte-charge et descendre avec.

Quelques instants plus tard, il arriva dans le début d’une galerie de tunnels. A cette profondeur, impossible d’entendre la tempête. Des lanternes jalonnaient les tunnels, indiquant le chemin à suivre.

Glenn marcha sans jamais croiser personne jusqu’à tomber sur une porte vitrée faisant le diamètre du tunnel. Elle s’ouvrit devant lui et se referma après, ensuite de quoi, des gaz de décontamination emplirent le sas. Une fois aspiré par la ventilation, Glenn retira son masque de protection. Le bon vieil oxygène indispensable aux humains en place, Glenn inspira à pleins poumons.

La trentaine, les yeux verts (dont le droit plus clair), les cheveux noirs très courts, des pattes et une barbe fine recouvrant quelques cicatrices.

La porte face à lui s’ouvrit et il put continuer d’avancer.

Au bout du chemin, il arriva dans une salle taillé dans la pierre. D’une taille très vaste, elle contenait des écrans diffusant des images de la surface et de la tempête, mais aussi des ordinateurs, des établis et au milieu de toutes ces installations, un homme assis devant une console et des écrans les uns à côté des autres. Sans même se retourner et entendant Glenn se rapprocher, il lui dit :

—­ Monsieur Artfire, quel plaisir de vous revoir. Mais que faites-vous ici ?

— Salut Redan, répondit Glenn. Ça fait un moment qu’on ne s’est vus, je sais.

Redan se retourna, dévoilant alors son aspect. Un peu plus gros et plus vieux que Glenn, des cheveux gris et une prothèse oculaire sur la tête. Il se leva et fit une étreinte à son camarade.

— La dernière fois, ça remonte aux guerres d’indépendances de cette planète si je ne me trompe pas, continua Redan. Il y a quoi, sept ou huit ans ?

— À peu de choses près, confirma Glenn. Au début, je n’étais pas sûr de te retrouver là, mais finalement, je savais que tu ne quitterais pas tes grottes.

— Et surtout parce que j’ai presque fini de le retaper ! Allez, avoue-le, c’est surtout pour ça que tu es revenu.

— Tu as deviné, c’est vrai. Je vais sûrement te paraître égoïste, mais...

— Mais tu as plus important à faire que de rester tailler le bout de gras avec moi. conclus Redan.

Il s’éloigna de lui en soupirant et retourna à sa console. Il pianota sur quelques touches et ses écrans affichèrent un vaisseau dans un hangar.

— Le voilà, fit-il en désignant l’image. Ton cher appareil tant désiré sur lequel j’ai passé les cinq dernières années de ma vie. Presque réparé.

— Qu’est-ce qu’il te manque ? Les matériaux, les fonds ?

— Aucun des deux, j’ai tout ce qu’il me faut en stock. Mais puisque tu le demandes, je trouve que certaines de tes exigences sont complètement absurdes.

— Quoi donc ? Les moteurs qui viennent de chasseurs stellaires ? Les boucliers ioniques ? Les nanomachines ? Ou bien...

— L’intelligence artificielle modifiée, c’est de ça que je veux parler !

Glenn comprit où son ami voulait en venir.

— Je sais que tu n’aimes pas les I.A, mais je tiens à celle-là, vois-tu ? Qu’est-ce qu’il te manque pour la programmer ?

— J’en reviens pas que tu reviennes me voir juste pour me torturer avec cette histoire ! En fait, le vaisseau est prêt à décoller, mais il ne lui manque que les tests.

— Et avec cette tempête à la surface...

— Oui, tu ne risques pas de quitter Mars avant un moment. Qu’est-ce que tu prévois après ça ?

— À vrai dire, je compte renouer avec d’anciennes connaissances pour commencer. Si tout se passe bien avec elles, je devrais pouvoir monter un plan d’action et...

— Si je te comprends bien, tu as toujours en tête ton plan de vendetta personnelle ? Je t’ai déjà dit à quel point je trouvais ton idée ridicule et pathétique ?

— C’est possible, oui. Mais il faut que l’humanité sache. Et s’il faut en passer par des moyens extrêmes et brutaux, voire immoraux, alors tant pis. Seul compte le résultat.

— Tu seras mort avant la fin, fit Redan, fatidique.

— Pas avant d’avoir lancé les opérations. Je me fous qu’on se souvienne de moi ou que je devienne un symbole, ce n’est pas ce que je veux.

— Si tu veux mourir pour ton idéal, c’est ta vie. Tu sais aussi que dès que tu auras quitté ce hangar, je disparaîtrai moi aussi ? J’emporterai tout ce qu’il y a là pour aller m’installer ailleurs. Où ça je ne sais pas, mais il n’y aura plus de retrouvailles possibles pour nous deux après.

— J’en ai conscience, oui. Et c’est pourquoi je te le redemande, est-ce que tu as préparé l’I.A modifiée ?

Redan soupira à nouveau et leva les yeux. Il appuya sur quelques touches de son clavier et un petit cube gris, pas plus gros qu’un ongle, sortit de son ordinateur principal. Il le prit très délicatement avec une pince adaptée pour ce genre de matière et le posa sur un écrin qui se recouvrit d’une cloche transparente.

— La voilà ton I.A, dit-il résigné.

— Merci Redan. Je t’en suis reconnaissant, à un point que tu ne peux imaginer.

— C’est ça, c’est ça... Je ne comprends vraiment pas en quoi elle te sera utile.

— Je te l’ai déjà expliqué autrefois, mais tu as failli me tuer à ce moment.

— Ah oui c’est vrai ! C’était après la dernière bataille de Néo-Babylone, juste avant l’indépendance martienne.

— Un beau merdier cette bataille, fit Glenn dans un souffle. De toutes celles qu’on a faites à cette période, je pense que c’était la pire.

— C’est pas pour jouer mon vétéran traumatisé ou mon grand sage, mais rien n’est pire ou meilleur qu’une guerre dans son ensemble. Nous avons du sang sur les mains.

— Et je compte bien m’en laver. Tu ne veux vraiment pas venir avec moi alors ?

— Je ne te serais d’aucune aide, tu le sais bien. On se reverra peut-être par hasard dans un astroport ?

— Sait-on jamais. Très bien, ce n’est pas une petite tempête comme celle-là qui va m’empêcher de faire voler mon zinc.

Redan manqua de tomber en l’entendant parler.

— Tu veux sortir par ce temps ? Mais je n’ai pas retapé ce vaisseau pour qu’il s’écrase de suite après !

— Ce sera l’occasion de le tester et s’il résiste à ça, alors il le fera à tout.

Glenn se dirigea vers une porte située à l’autre bout de la salle. Elle s’ouvrit sur un couloir qui, il le savait, débouchait sur le hangar où son vaisseau l’attendait. Il le traversa rapidement pour revoir enfin l’appareil que lui et Redan avaient commencé à réparer il y a maintenant plusieurs années, après avoir quitté l’armée humaine spatiale.

L’Antarès était flambant neuf. Autrefois un simple vaisseau commercial léger, Glenn et Redan s’étaient lancé le défi de le modifier pour en faire un modèle unique en son genre. Au moment de quitter l’armée, ils ont pu ramener en douce quelques pièces détachées des vaisseaux de guerres pour les refondre dans leur engin.

Le nouveau vaisseau était maintenant équipé des meilleurs moteurs à propulsion qu’ont les chasseurs d’élite ainsi que des plus puissants ordinateurs de bord. C’était sans compter sur l’armement, les mods de survies, le générateur de gravité et tous les autres programmes indispensables.

Glenn était fier de cet appareil. Et sans le génie incontestable de son ami Redan, rien de tout cela n’aurait été possible.

— Il est beau, n’est-ce pas ? dit Redan, plein d’orgueil, arrivant derrière Glenn.

— Superbe. J’en prendrai soin, tu peux me faire confiance sur ce point.

— Je n’en doute pas une seconde. Puisque tu tiens tant que ça à repartir, grimpe à bord et sois prêt à décoller, je vais t’ouvrir le hangar depuis mon siège.

Glenn alla au pied de son vaisseau et ouvrit la rampe grâce à une commande à distance que lui avait donné Redan avant de repartir pour sa console. Il monta dans le vaisseau et à peine eut-il mis les pieds dedans qu’il se sentait déjà comme dans un autre monde, parallèle à celui dont il venait il y a encore quelques secondes.

Il sentit l’odeur ambiante du métal, de la peinture, de l’électricité, du cuir du fauteuil de commande...

Il s’y installa et lança les premières procédures d’allumage des circuits. Tout était positif et Redan lui apparut dans un écran.

— On est paré ? demanda-t-il. Dans ce cas je dépressurise le hangar et je t’ouvre la porte.

Les lourds panneaux de fermeture se dégagèrent pour laisser voir les paysages rouges de Mars. Ce hangar était taillé dans une falaise très haute et Glenn se rendit compte que la tempête était quasiment sur eux. Piloter dans ce cas serait trop périlleux, même un croiseur de guerre ne s’y risquerait pas.

Mais Glenn ne doutait pas des capacités de l’Antarès, il savait que son vaisseau tiendrait le coup. Les moteurs chauffaient parfaitement bien, les trains d’atterrissages rentrés, il fit sortir le vaisseau dans l’air martien.

L’engin faillit faire une embardée et partir en vrille sous la puissance du vent. Glenn lutta de toutes ses forces avec les commandes et celles des moteurs pour faire tenir un cap et se stabiliser à peu près.

Il était face au vent, ce qui signifiait qu’en cas d’erreur, ce serait la collision contre la falaise. Il fit remonter le vaisseau pour prendre de la hauteur jusqu’à se retrouver au-dessus de la tempête. De là-haut, il vit distinctement l’immense masse nuageuse et son sillon de poussière laissé derrière elle.

— Eh bien mon brave Redan, je t’annonce officiellement que l’Antarès a parfaitement réussi son vol inaugural. déclara Glenn.

— Heureux de l’apprendre, répondit-il. Prends-en soin et fais gaffe à toi pour la suite. Et... Et passe le... non, rien, oublie.

— Je le ferais, vieux frère, sois tranquille.

Redan disparut de l’écran et Glenn fit sortir le vaisseau de l’atmosphère de Mars. D’un monde rouge, il passa à l’obscurité parsemée d’étoiles. Il vit les quelques stations et les gros vaisseaux en orbite puis il continua son ascension et une fois assez éloigné, il enclencha les systèmes de passage en vitesse-lumière.

L’Antarès se recouvrit d’un bouclier quand une distorsion spatiale s’ouvrit devant lui. Il s’y engouffra et la faille se résorba d’elle-même ensuite. Dans cette distorsion, le vaisseau était entre deux univers parallèles, filant à une vitesse incalculable dans un tunnel quantique, reliant deux points de l’espace entre eux.

D’ici son arrivée, Glenn prit l’écrin contenant le cube métallique, le sortit et l’inséra dans un lecteur adapté. Quelques secondes d’installation puis une voix féminine se fit entendre.

— Glenn ? C’est bien toi ?

— Tout à fait, Anta, c’est moi. Comment vas-tu ?

— Je ne sais pas trop comment le définir... Je suis dans un état de conscience qui m’est nouveau.

— Prends ton temps pour trouver tes marques. Avant que j’oublie, ton frère te passe le bonjour.

— Redan ? Où est-il ?

— Sur Mars, mais plus pour longtemps. Il compte repartir se cacher quelque part.

— Et toi, qu’est-ce que tu comptes faire ? En quoi vais-je t’être utile ?

— Je vais changer la galaxie et tu vas m’assister. Tu te souviens qu’on en parlait autrefois ? Comme quoi l’humanité tout entière devait savoir la vérité ?

— Oui, je m’en souviens. Tu voudrais concrétiser de vieux plans qu’on a montés quand on était jeune ? Juste parce qu’on était contre la guerre ?

— Non, pas pour ça, mais j’ai d’autres raisons de monter un plan d’action. Et pour y arriver, je dois frapper haut et fort.

— Je vois... et en quoi je te servirais ?

— Je n’ai jamais connu personne d’autre que toi aussi douée dans les opérations clandestines. Tes connaissances en piratage et en collecte d’information me seront indispensables.

— Glenn, je suis... je suis devenue une intelligence artificielle ! Comment veux-tu que je t’aide ?

— Sois tranquille, tout viendra en temps voulu.

Et l’Antarès traversait la galaxie vers l’aboutissement des plans de Glenn Artfire... 

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