Instant de vie à la ferme

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Un bandeau sur les yeux, J457 se laissait manipuler avec la force de l’habitude quittant enfin la salle collective. On le fit monter dans l’un des cocons pendus le long de la chaîne. Ses genoux furent attachés bien haut, ses pieds écartés et ses mains nouées derrière sa nuque. Ainsi, il était totalement offert. Il sursauta au contact frais du lubrifiant.

L’employé vérifia d’un geste habituel que la quantité était suffisante avant de l’envoyer sur la chaîne. Le circuit était simple. Il devait se présenter à l’accueil, se dénuder dans la première salle, enfiler son bandeau dans la seconde et puis on venait le chercher. Une fois inséré le long de la chaîne, il fallait simplement rester immobile et attendre. Se détendre était également conseillé.

Il sentit son corps partir légèrement sur le côté alors qu’il suivait le mouvement. Très vite, les premiers doigts commencèrent à le travailler. Ce n’étaient jamais les mêmes personnes, il était simplement transporté d’employé en employé. Avant la fin de la chaîne ce seraient des dizaines de personnes qui l’auraient pénétré. Les doigts se firent beaucoup plus invasifs.

Il couina lorsque quatre doigts entrèrent en lui profondément l’étirant sans hésiter. La chaîne ne s’arrêta pas, mais peu à peu, il put distinguer les halètements et autres gémissements autour de lui. Lorsqu’enfin, le tampon fut appliqué sur sa fesse droite, il en éprouva un vif soulagement et il sentit, quelques temps après, la démarcation entre les deux chaînes. La première faisait une boucle qui passait et repassait devant les employés jusqu’à recevoir trois tampons rouges et être envoyé vers la sortie ou un tampon vert et d’être envoyé vers la suite du programme.

Il n’aimait pas du tout cette ferme, mais c’était la sienne. Celle où il avait été sélectionné en tout cas et il n’y pouvait rien. Alors il souffla pour chasser l’angoisse et subir la suite du protocole aussi dignement que possible. Déjà son anneau de chair lui semblait distendu, prêt à accueillir n’importe quoi mais ce n’était pas vrai. Pas tout à fait.

La chaine ne s’arrêta pas vraiment mais ralenti alors qu’il passait devant les bifurcations, là, il fut tiré vers l’avant et mit à l’arrêt. Le protocole voulait qu’ils ne sachent jamais ce qui était fait pour éviter les tentatives de rebellions. Chaque semaine ou presque, les procédures recommençaient. Il ne s’était jamais révolté, vraiment jamais et le rythme n’avait pas baissé. Pour ceux qui essayait de le faire, le rythme pouvait augmenter jusqu’à subir le programme chaque jour. Il n’imaginait pas à quel point cela devait pouvoir briser les plus fortes volontés.

L’embout du pénis s’installa contre lui. Il ne savait pas si c’était un robot ou l’un des monstres qui avait rapidement réduit la planète entière en esclavage ou encore autre chose. Il n’avait jamais pu regarder. Il frémit. Le rythme des poussées était aléatoire. Cette fois-ci, ce fut brusque et rapide. Il couina et remua faiblement dans ses liens, incapable de s’adapter à l’amplitude des mouvements. Le début de la chaîne servait certes à la préparation, mais ils n’allaient jamais assez loin par rapport à ce moment précis. Le pénis était long, assez pour forcer son corps à s’aligner, peu à peu jusqu’à ce qu’il en ait mal au ventre. Il était également très épais et coulissait péniblement sur son anneau de chair. J457 faisait de son mieux pour souffler et se détendre, il avait même commencé à y arriver lorsque la verge enfla en lui, le faisant hoqueter, au bord des larmes. Aïe. La brulure était nette et elle s’amplifia. Quelques gestes de réconforts vinrent caresser ses épaules, lui faisant du bien. Ce n’était pas eux qui se voulaient brutaux, c’était son corps qui était toujours à la limite de l’acceptable. Il était simplement un peu trop menu pour les exigences de la situation.

La brulure remonta lentement jusqu’à son ventre où elle s’installa de manière constante. L’œuf était en place. Trop bas, comprit-il immédiatement en grimaçant. On le laissa au repos une dizaine de minutes pendant lesquelles les caresses continuèrent. On massa ses bras remontant jusqu’à ses doigts qu’il n’avait pas eu conscience de contracter autant et ses jambes engourdies. Il fit de son mieux pour se décontracter mais ce n’était pas facile à connaissant la suite du programme. Une partie de lui tenta de deviner si ce qui le touchait était humain comme lui et alors l’œuf ne serait qu’une simulation, un œuf lourd mais creux, qu’il expulserait douloureusement en fin de session. Ou si c’était autre chose… Il n’avait enfanté qu’une seule et unique fois, au milieu de dizaines et de dizaines d’autres sessions. Il n’avait rien remarqué avant la dernière étape et c’était tout le but : les empêcher de détruire volontairement des œufs sains. Si maintenant il décidait de se contracter totalement et activement, il pourrait peut-être l’expulser, mais il pourrait surtout l’endommager. L’œuf était fait pour être accueilli.

Il avait entendu d’autres en parler en secret mais surtout ça lui était arrivé les premières fois. Il avait brisé l’œuf, sans même le vouloir. Il se souvenait de l’évacuation des débris, affreusement douloureuse et du retour en début de chaîne pour recommencer immédiatement. Il frémit et fit de son mieux pour se détendre. Vivre deux implantations à la suite, c’était toujours terriblement pénible. Il était assez expérimenté maintenant pour gérer.

Malheureusement en se détendant il pouvait sentir l’œuf glisser tranquillement vers l’avant. Pour le moment, il n’était pas muni de la moindre attache et c’était donc tout à fait normal, mais il était néanmoins plus bas que d’habitude. Trop. A mi-voix, il demanda :

- Remontez le maintenant, s’il-vous-plait.

Personne ne répondit, les massages tendres continuèrent et l’œuf descendait toujours. Lorsque le technicien arriva enfin, J457 pleurait franchement. L’œuf avait fait le chemin inverse et commençait à appuyer sur son anus depuis l’intérieur, lui donnant la sensation qu’il allait se déchirer comme ça. Un œuf de perdu, c’était le retour en début de chaîne et il se sentait bien trop épuisé pour ça. Il entendit une personne pester et le cocon dans lequel il était installé bougea, toutes ses attaches suivirent et il cria un peu sous la surprise. Pourtant son corps était tenu et on le fit bouger lentement. Son visage était maintenant vers le sol et ses jambes toujours grandement écartées étaient tirées vers le plafond. La gravité jouait maintenant pour l’œuf, mais ça ne suffirait pas. Outre que le sang lui montait déjà à la tête et qu’il ne pourrait pas tenir indéfiniment, son corps allait devoir être au moins un peu brusqué.

Il soupira de soulagement en sentant les doigts toujours son anus tendu et l’œuf, que l’on pouvait voir apparaître en son centre.

- Tu connais la technique d’ouverture de voie ?

J457 sursauta un peu. Était-ce à lui que l’on s’adressait ? Il attendit. Personne ne répondait donc oui, ça devait être pour lui. Il hésita puis chuchota.

- Non, monsieur.
- Bien. Donnez-lui-en.

Une pression fut appliquée sur son menton le forçant à ouvrir la mâchoire et un sexe fut posé sur sa bouche. Pointant vers le haut, il venait frotter sa langue. Il n’avait pas l’habitude de ce contact, mais la fois où il avait réellement enfanté, ça ne s’était pas non plus passé comme ça. Il fallut assez peu de temps pour que l’individu éjacule et sa semence lui fit immédiatement tourner la tête. Une main se plaqua sur sa bouche lui conseillant d’en avaler au moins un peu et il fut libéré juste après. Il se sentait plus détendu que jamais.

Des doigts s’insinuèrent en lui, son corps obéit et suivi le mouvement mais lorsque ce fut une main entière qui se glissa le long de l’œuf, il remua et cria un peu, plus du choc que de la douleur réelle. Il ne parvenait pas à réfléchir, il n’était qu’une boule de sensations. Le poids de son corps tirant sur les liens de ses jambes, son sang qui pulsait à ses tempes, ces caresses douces et réconfortantes sur sa cuisse et cette main qui s’enfonçait au fin fond de lui. Tout se mélangeait un peu. La main avait l’air d’être dans son ventre. Il se remit à pleurer et les gestes s’arrêtèrent, remplacés par des caresses d’encouragement.

- J’y suis presque. Encore un instant. Détends-toi.

Ce n’était pas la première fois que l’on enfonçait une main entière dans son fondement, mais habituellement, c’était pour replacer l’œuf sur quelques centimètres seulement. Là, c’était différent. La main avait dépassé l’œuf et vers son entrée il accueillait l’œuf et l’avant-bras du technicien côte à côte. L’idée même le fit pleurer un peu plus fort encore.

- Voilà, tu as été parfait. Parfait.

Les larmes coulaient le long de ses tempes, remontant humidifier ses cheveux. Il entendit vaguement un « tu vas voir, ça va passer tout seul maintenant », puis la main fut retirée, lui arrachant un petit cri. L’instant d’après, une pression douce se faisait sur la base de l’œuf et effectivement, il remonta sans difficulté dans son corps. Lorsque le technicien poussa encore plus loin, cherchant à l’enfouir plus profondément que jamais il cria, le suppliant.

- C’est assez ! C’est assez !

Il ne reçut pas de réponse mais la poussée l’emmena un peu plus loin dans son ventre, le laissant pantelant et choqué. La drogue présente dans la semence avait fini de faire effet. Il était maintenant assez conscient pour comprendre qu’on ne pourrait pas le redresser avant la partie qu’il détestait le plus. Alors il souffla, cherchant à se calmer, pour affronter la suite. Ce n’était pas si différent que ça de la fois dernière ou que celle d’avant. L’œuf avait juste été implanté un peu trop près, mais les variations arrivaient régulièrement. Une fois, il avait été implanté très loin dans son ventre et il avait dû subir des techniques vraiment très pénibles pour l’extraire. Il avait toujours peur en sentant l’œuf s’enfoncer dans son corps que ça recommence. De ce qu’il pouvait sentir de son corps engourdi, ça devrait aller cette fois-ci.

Assez rapidement, le cocon fut manipulé pour que ses hanches se placent correctement et à peine cela fut-il fait, un sexe entra de nouveau en lui. Parmi les secrets murmurés, il avait entendu parler de naissances gémellaires. Deux œufs. Alors il avait toujours un peu peur de sentir venir à nouveau un œuf même si ça n’était jamais arrivé et que c’était sans doute juste un mythe. Le soulagement l’envahie lorsqu’il sentit le liquide -de la semence- le toucher. Il ne savait pas trop comment ça marchait car on ne le leur expliquait pas, mais l’œuf restait mieux en place une fois que cela était fait. Ça tirait un peu mais ce n’était pas grand-chose et à partir de ce moment-là, il pouvait se contracter autant qu’il le voulait, l’œuf ne se brisait plus. Malheureusement, les techniciens allaient l’amener à se refermer entièrement pour être sûr qu’il ne s’échappe pas.

Une baguette s’inséra assez profondément en lui et électrifia une petite zone avant l’œuf, l’amenant à se contracter fermement en criant. Heureusement seule cette partie-là de son corps se raidit ainsi et la baguette fut aussitôt retirée. La première fessée qu’il reçut le fit couiner. La seconde lui prit un cri alors qu’elle touchait une zone encore rougie par la session précédente. Durant quelques minutes, les coups se poursuivirent avant qu’une morsure sur la base de la fesse ne finisse de le crisper. C’était fait.

Presque aussitôt, il repartit sur la chaine, reculant. Il tressaillit à peine lorsque des mains revinrent le toucher, on le nettoya puis les caresses se firent plus intimes jusqu’à faire monter une envie nouvelle en lui. Ce fut assez long, il dut faire deux fois le tour de la chaîne avant de réussir à éjaculer et aussitôt, il fut balloté dans un autre sens. Autour de lui, il entendait les autres jouir, d’abord juste à côté de lui puis lentement de plus en plus loin.

Le cocon fut transporté jusqu’à l’extérieur, il sentit l’air frais sur ses cuisses et frissonna un peu. C’était encore sa partie préférée. Il fallait presque une dizaine de minute avant qu’il n’arrive à l’échangeur qui desservait son lieu de résidence temporaire. Un nouvel arrêt se fit sentir avant qu’on ne le fasse monter au sixième étage. Là et seulement là, une fois enfermé, un employé s’approcha pour le déséquiper. Il libéra ses jambes, ses bras puis retira son bandeau. Tant qu’il aurait l’œuf en lui, il resterait dans ce quartier d’isolement. Très rapidement, l’employé le fit s’asseoir sur l’unique futon et passa la porte du sas refermant derrière lui.

J457 s’affala contre le matelas doux et posa une main sur son ventre douloureux. L’œuf était gros et il ne se faisait pas oublier. Le box était tout petit et similaire à tous ceux qu’il avait pu occuper. Il préférait encore ça aux salles collectives où ils étaient entassés par trente, quarante ou cinquante.

Au bout d’un certain temps, il s’approcha de la grille interne pour observer le ciel. Il était d’un bleu pâle des plus agréable. Il ne pouvait pas voir le soleil d’où il était mais il pouvait observer les rangées de containers en face, très similaire à celui où il se tenait. Dans chacun d’entre eux, sans exception, il y avait un humain. Certains étaient jeunes et visiblement en bonne santé, comme lui, d’autres étaient bien plus âgés. Il y avait absolument de tout. Il ne reconnut personne mais ce n’était pas vraiment surprenant alors il retourna se coucher, une main sur le ventre, attendant simplement la prochaine collation. C’était toujours étrange de manger avec les intestins bouchés, mais ce qu’ils leur donnaient n’avaient pas besoin d’être évacué. Tout était absorbé par le corps sans produire la moindre forme de déchet.

Allait-il avoir un petit ? C’était déjà arrivé, ça pouvait arriver. Il caressa encore son ventre, curieux et inquiet à la fois. Il préférait encore quand il y avait un petit, au moins, tout ceci servait à quelque chose, mais il ne pouvait jamais le savoir. Enfin, pas de suite en tout cas.

Durant les jours qui suivirent, l’œuf gonfla légèrement, le tiraillant de l’intérieur. Cette sensation étrange n’était pas spécialement agréable ou désagréable d’ailleurs, elle lui donnait simplement un léger tournis. Tous les œufs faisaient ça. Non, son repère était assez différent. Il aimait regarder le ciel et surtout les étoiles la nuit. En temps normal il pouvait observer cinq ciels nocturnes avant d’être ramené. Lorsqu’il avait eu le petit, il avait attendu beaucoup plus longtemps. Alors lorsqu’il vit la nuit pour la sixième fois, il comprit et l’idée même de porter la vie le fit sourire.

Lorsque l’employé se présenta pour le faire se réinstaller, son ventre était lourd et douloureux et sa tête tournait un peu. Il était vraiment temps de pondre et en même temps, c’était ce qu’il craignait le plus. Il obéit néanmoins en s’installant et se laissant sagement attacher avant d’être envoyé sur la chaîne de ponte. Cette fois encore on le lubrifia largement, comme s’il n’y aurait rien de différents, puis des doigts le fouillèrent. Petit à petit, ils se firent plus nombreux. Il haletait, couinait, chouinait, cherchait à frotter sa tête contre son épaule dans une tentative vaine de réconfort. Il aurait aimé de tendres caresses mais les seules qu’il reçut étaient à l’intérieur de son corps. Lorsqu’une main entière le pénétra, il fit de son mieux pour ne pas se raidir. Il tenta de se convaincre que c’était le mieux pour l’œuf mais quand les doigts le frôlèrent un instinct étrange prit le dessus, l’amenant à se révulser et à s’agiter sans savoir pourquoi.

Deux aliens suivaient sa progression avec soin. Ils échangèrent quelques idées silencieusement, communiquant par geste avant tout autre chose. Ils étaient contents de leur choix, le porteur était très sensible, très doux avec l’œuf et il savait se faire prévenant. Le retrait était conseillé au bout de quelques jours à peine pour éviter les agressions envers la coquille, mais cet humain semblait bien trop doux et protecteur pour envisager de telles choses.

- Il est parfait. Affirma l’un des deux d’un geste assuré.
- Tu es sûr ? demanda l’autre d’une mimique hésitante.
- Certain. Répondit-il en fermant légèrement les yeux.

Il n’y avait pas de doute à avoir à son sens. C’était le deuxième œuf qu’ils lui faisaient porter. Le premier allait bien même s’il avait été prématuré. Mais il n’y avait aucune raison de faire subir la même chose à celui-ci. Ils interrompirent les humains de la chaine, saisissant un tampon et l’appliquant sur la fesse offerte.

J457 ne savait pas du tout pourquoi il avait reçu ce tampon étrange. C’était la première fois que ça lui arrivait au cours d’une ponte. La chaine se poursuivit, les pleurs l’entouraient mais plus personne ne le touchait. Finalement une baguette fine le frôla, fermant son corps d’un arc électrique tout en le faisant pleurer. Que se passait-il ?

Il tremblait encore comme une feuille, perdu, lorsqu’il sentit un nouvel arrêt étrange dans la chaine. On le détacha sans pour autant retirer le bandeau et on le poussa vers l’avant. Il obéit jusqu’à atterrir contre un corps étrange. Il comprit immédiatement. C’était l’un des maîtres de la planète. Un non-humain. Une main étrange saisit sa nuque et l’attira dans une étreinte qui se voulait douce, puis une voix cliquetante lui affirma :

- A présent, tu resteras avec nous. Tu es un excellent couveur.

Il posa une main sur son ventre, étrangement rassuré par l’affirmation et on le tira vers sa nouvelle vie, laissant derrière lui la ferme. Il n’y retournerait jamais.

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