L'ironie de la vie

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Un esprit guerrier par décennie, c’était peu. Alderford observait le dernier en date, la mine grave et pourtant heureux. Le jeune Ludwy avait passé une nuit entière, face contre terre, dans une petite chemise de lin pour tout habit, à réfléchir. Alderford se souvenait de sa propre nuit de réflexion et des derniers doutes qui avaient alors été levé. Il n’avait jamais regretté sa décision.

Le choix était simple. Guerrier de vie ou guerrier de mort. Guerrier protecteur ou guerrier tueur. C’était là son seul et unique choix. Les castes, les territoires, les guerres de voisinages, peu importait au fond. Le jour se levait et Ludwy avait fait son choix.

Il avait enfilé seul un gambison. Le vêtement légèrement matelassé, rempli de crins de chevaux pour le rendre très résistant, viendrait protéger son corps. Il attendait à présent de l’aide pour pouvoir enfiler sa côte de maille. Le jeune adulte n’avait pas eu les moyens de s’offrir davantage mais son seigneur et maître pourrait décider de lui accorder une véritable armure s’il montrait un potentiel suffisant. Alderford l’aida, ses doigts tirèrent sur les maillons métalliques, soulevant partiellement l’habit et lui permettant de se glisser dedans. La côte était particulièrement lourde, car elle était longue et comportait une partie pour venir protéger sa tête. Une cale gamboisée avait été enfilée pour aider mais il fallut les aligner, ce qui n’était pas si évident que ça.

Ludwy était épais dans son genre, pleins de muscles gagnés au fil des entrainements, mais le poids était de partout sur lui, rendant chaque geste lourd et pénible. Alderford vérifia les points de pression puis hocha de la tête l’air satisfait.

La vie était un chemin difficile. Il suffisait de descendre de la tour pour aller chercher le chemin de la mort. Là, les troupes guerrières attendaient, espérant malgré tout entraîner cet esprit guerrier dans leurs sillages. Ludwy passa devant eux sans hésiter un instant. Ils étaient nombreux à faire le choix de la mort, mais ce ne serait pas son cas. Cela faisait bien longtemps que sa décision était prise. Il serait protecteur. Il serait garde du corps. Il serait chevalier blanc. Jamais au grand jamais il ne porterait son épée pour faire naître l’horreur et le malheur. Le regard droit, il essaya de ne pas contempler les esprits guerriers qui deviendraient bientôt ses ennemis. A leur tête, un peu plus loin, se trouvait le pire d’entre tous, Regian. Il le sut simplement en les voyant, du coin de l’œil, graviter autour de lui. Les plus grands étaient à la fois attirants et repoussants…

La marche lui prit presque une heure, le laissant transpirant, essoufflé et épuisé. Son esprit pourtant était sûr de sa décision alors il continua sans demander d’eau ou faire de pause. Lorsqu’il arriva au pied de la tour de la vie, il l’observa un instant gravement, puis, il grimpa. Tout en haut de la tour, le chevalier suprême l’attendait avec ses témoins, Manir et Lonvi.

Udith était un vieux chevalier. Son armure complète montrait plusieurs traces de combats récents et l’un de ses yeux, perdus à jamais, rappelait que cette voie n’était pas sans péril. Ils s’observèrent un moment, silencieusement, puis Ludwy se laissa tomber à genoux devant lui, le priant silencieusement de l’accepter dans leurs rangs.

- Esprit guerrier ?
- Oui, Seigneur.
- Quel est ton choix ?

La voix profonde et vibrante l’envahit, le faisant frissonner.

- La vie, Seigneur.
- Prendre la vie, massacrer la vie, bafouer la vie ?
- Non, Seigneur. Protéger la vie, aider la vie, faire grandir la vie.

Le mot rituel était dit. Ludwy en ressentit en grand soulagement et une certaine excitation.

- Esprit guerrier. Devant tes témoins, tu deviens un esprit guerrier protecteur de la vie. Que ta magie s’éveille.

Heureusement qu’il était encore à genoux pensa-t-il devant l’immense crampe qui prit son ventre. Sa magie s’éveillait, la magie d’un esprit guerrier de la vie. Ce ne serait pas une mince affaire. S’il avait choisi l’autre voie, une simple coupure aurait laissé son sang s’échapper et une gifle aurait provoqué assez de souffrance pour faire naître sa lame. Une lame de sang pour un esprit guerrier de mort.

A la place, il se pencha vers l’avant, de toute façon emporté par le poids de sa côte de maille et attendit sagement, immobile, le cœur battant la chamade. Lonvi fit le tour de son corps et souleva légèrement la côte et sa chemise pour qu’elle repose sur son dos et ouvrit ses braies pour qu’elles tombent au sol, dévoilant son fessier rebondi. Il ne lui offrit pas la moindre caresse. L’épreuve de la vie était rude et pour un esprit guerrier, elle ne pouvait pas être amoindrie. Il chuchota tout en se masturbant énergiquement :

- Par la douleur de la vie.

Puis, aussi simplement que ça, il positionna son sexe droit contre la rondelle contractée et poussa jusqu’à l’ouvrir. Ludwy se mordit la lèvre en essayant de retenir son cri. Il avait horriblement mal. Son corps peinait à accepter l’intrusion mais déjà, son ami avait débuté les va et vient cherchant son plaisir. La douleur avait à peine commencé à refluer quand il jouit, abondamment, au fond de lui, le laissant haletant et choqué.

Presque aussitôt, Manir se présenta à son tour, glissa son gland entre ses chairs jusqu’à ce qu’il aille toucher la semence de leur ami. Il adorait les adoubements, il aimait la découverte de la lame et la pensée qu’elle naîtrait bientôt le fit venir sans attendre et il annonça juste en se retirant :

- Par la joie de la vie.

Alderford s’approcha alors. Il observa l’entrée ouverte de force, rougie par les assauts et au fond, le liquide blanc qui s’accumulait. Il avança deux doigts vers l’anneau de chair et le malaxa tranquillement. Son sexe épais serait délicat à glisser dedans, mais ce n’était pas le plus important. Il tirailla la chair, s’attirant quelques halètements choqués. Son propre pénis enfla sous l’envie et repoussant tout juste quelques pans de tissus il l’engouffra dans le jeune homme. C’était chaud et humide autour de lui, parfait. Il remua, trouvant la pression idéale sur son gland et se mit à travailler son propre plaisir. Contrairement aux deux autres, il lui fallut quelques minutes pour jouir à son tour.

- Par la voie de la vie.

Ludwy n’avait pas bougé. Il acceptait l’entièreté de la cérémonie. Alors Udith s’approcha à son tour et comme son compagnon d’arme, il prit un moment pour observer son intimité distendue. Il grogna. Il n’appréciait pas cette partie du rituel, pourtant nécessaire, et aurait largement préféré faire comme les autres. Il se souvient de son propre adoubement, de la douleur qui l’avait fusillé et du sang qui avait coulé. Ils étaient tous passés par là, comme le rituel l’exigeait. Alors il posa ses doigts, ganté de fer, contre l’intimité du jeune. Le froid soudain du métal sur sa chaire brulante le fit sursauter, mais aussitôt, il se reprit, se cambrant pour s’offrir pleinement.

Les doigts pénétrèrent en lui de plus en plus profondément jusqu’à atteindre la semence qui maculait le fond de son rectum. Ludwy poussa plusieurs petits cris de détresse sans pour autant chercher à s’éloigner. De son autre main, Udith vient chercher son pénis rendu flasque par la douleur et il commença à le masturber. Là, à l’intérieur de lui il travailla par petites pressions sur sa prostate. Lentement, le plaisir monta dans les reins du jeune et le plus âgé continua à le travailler jusqu’à ce que son sexe dur et rougit par les manipulations ne parviennent à lâcher à son tour un jet de semence. Le corps de Ludwy palpita, son intérieur commença à se resserrer et ce fut finalement le moment. Le bon moment.

Udith enfonça un peu plus ses doigts pour toucher correctement la semence mélangée des trois autres chevaliers, il replia légèrement les doigts, griffant le jeune homme. Ludwy se mordit à nouveau les lèvres pour ne pas hurler alors que son corps se déchirait, tâchant le sperme de sang. Il haleta en réouvrant la bouche, tentant de pousser les mots hors de sa bouche. Cela finit par sortir avec un long pleur.

- Seigneur, accordez-moi votre bénédiction.

Udith s’arrêta, soupirant. Il réenfonça ses doigts, agrandissant la petite déchirure et jeta un coup d’œil vers Alderford qui vint immédiatement, l’aidant à sortir son sexe lourd sans changer de position. Penché entre eux, le chevalier prit le sexe de son supérieur dans sa bouche, appliquant une succion rapide pour le faire grossir. La verge prit une jolie forme qui lui permit de la guider. Ludwy couina lorsque le gland vient s’ajouter aux doigts gantés, mais très vite le Seigneur offrit sa semence, sans s’enfoncer davantage.

- Bénis soit la vie. Murmura-t-il avant de poursuivre le rite.

Et puis, tranquillement, sans s’inquiéter des soubresauts du jeune homme, il retira ses doigts gantés en faisant attention à rapper ses parois. Il en sortit un liquide rosâtre mélange de sang et de sperme. Une bonne quantité était sur son gant et d’un geste négligeant, il le répandit au sol, là où ils avaient réuni bon nombre de métaux précieux. Il lâcha enfin le sexe de l’esprit guerrier et envoya sa semence rejoindre les gouttelettes aux sols.

Lonvi fut le premier à se diriger vers la tâche pour dire :

- Moi, esprit guerrier, je te reconnais, chevalier de la vie. Que ta lame naisse.

Puis chacun des hommes présents ici reprit ces mêmes phrases jusqu’à ce que la magie opère. Ludwy quant à lui, était toujours immobile, recroquevillé et attendant, sous le poids de sa côte de maille, que cela fonctionne. Une partie de lui avait horriblement peur du résultat. Et si la lame ne naissait pas ? L’autre le rassurait, toutes les lames naissaient. Parfois, elles n’étaient franchement pas glorieuses, mais elles naissaient.

Et justement, sa lame finit par apparaître. Il entendit une exclamation et jeta un coup d’œil. C’était une épée immense, une lame à deux mains. Elle était magnifique. Alderford la prit, l’observa avec attention et la rejeta au sol dans un grand mouvement de colère qui le brisa de l’intérieur. De là où il était, il pouvait voir le manche rayé.

- Je refuse de participer à ça, Udith ! hurla-t-il.

Le Seigneur se pencha, reprit la lame et caressa le nom gravé du bout des doigts en soupirant. C’était d’une tristesse affligeante. Il observa son ami qui était déjà prêt à sortir sa propre lame pour transpercer le jeune homme. C’était la première fois qu’ils se trouvaient dans une telle situation, mais ce chevalier était l’un de leur frère et l’oublier serait une erreur se dit-il.

- Un seul et unique choix. Guerrier de mort ou guerrier de vie. Au-delà de tout castes, de toute politique… Un seul et unique choix.

Il baissa la lame vers le jeune homme qui tremblait visiblement, mais attendait toujours comme le voulait la tradition. Il la posa au-dessus de sa tête et murmura :

- Frère, Chevalier de la vie, ton Dieu sera le sieur Regian.

La lame était argentée comme toutes les lames dédiées à protéger la vie. Elle était également gravée au nom de celui qu'il devrait protéger envers et contre tout. Son Dieu. Son Dieu, Regien... Autrement dit un tueur. Chef d'une armée de tueur. Un bourreau. Un assassin. Un être sans-âme qui méritait la mort. Une cible que chacun d'entre eux voulait abattre.

- Bienvenue, chevalier.

Ludwy s'effondra mentalement et resta figé alors que ceux qui auraient dû devenir ses frères d'armes, ses amis, ses amants à l'occasion, partaient, l'abandonnant. Il allait vivre au milieu des chevaliers de la mort pour défendre l'un des pires qui soit. C'était donc ça son destin. Il se redressa doucement tout en saisissant son épée sans rien montrer de sa douleur. Il la glissa à son fourreau et partit à son tour. Bravement.

Un seul choix quant au reste... le destin avait un bien drôle d'humour.

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