Un fragment pour équilibre

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La cité de cristal était un endroit unique en son genre. Taillée directement dans les grands blocs rocheux de la planète Skentovia, il n’en existait pas une seule qui puisse y être comparée. Coincé dans une salle de repos, attenante au port spatial, depuis maintenant trois jours entiers, Cray, ne se lassait pas de l’admirer. Par endroit, les blocs étaient encore purs et le cristal, non poli, était opaque. A d’autres endroits, il était à peine lissé, pour en rendre le contact plus agréable sans aller jusqu’à la transparence et la finesse qu’atteignait certaines parois. Le son qui se répandait entre ces roches était toujours un peu étrange, mais ça lui plaisait vraiment.

Il était tout à son observation lorsque pour la troisième fois, l’hôtesse vient à sa rencontre. Elle passait chaque jour, reposant les mêmes questions, remplissant les mêmes formulaires et attendant la même réponse. Elle lui fit un sourire contrit, gênée du retard pris.

- Bonjour et bienvenu dans notre cité. Nous sommes heureux de pouvoir vous accueillir.

Toujours le même discours, au mot près. C’était largement suffisant pour l’énerver et son espèce n’était pas connue pour sa grande patience, mais il lui répondit d’un sourire qui se voulait apaisant.

- La signature de votre vaisseau correspond au cargo de guerre Entonien, 34567, modèle académique. Est-ce bien cela ?
- Oui.
- Pouvez-vous décliner votre identité pour confirmation ?
- Je suis Cray Ludwi. Entonien.
- Merci. Avez-vous reçu une confirmation de fragmentation ?
- Oui.
- Lors de la fragmentation, il a été défini que vous pourrez conserver votre vaisseau et vos activités en échange de l’hébergement de votre reflet et de l’obtention du fragment correspondant. Cela vous convient-il ?
- Oui.

C’était vraiment l’idéal, lorsqu’il avait compris que ses hormones commençaient à poser un véritable souci technique, il avait beaucoup hésité. Sa carrière était déjà importante pour lui et il avait peur de tout perdre. Il était commandant de bord, ce vaisseau était le sien et il menait des opérations de protections qu’il adorait. Perdre cette vie serait si dur… A force, il avait dû se rendre à l’évidence, il avait besoin de trouver son reflet hormonal pour l’équilibrer, mais les médecins avaient tous été unanimes, sans fragment, la liaison ne pourrait pas être stable : il avait déjà trop attendu. Finalement, il se retrouvait à conserver sa vie et à devoir simplement les accueillir. S’il avait su, il n’aurait pas hésité. L’hôtesse poursuivit, sans s’inquiéter de ses regrets.

- Votre reflet est arrivé il y a plusieurs jours déjà. Désirez-vous le rencontrer avant l’obtention du fragment ?
- Non.

Non, ce serait simplement de la folie. Le fragment devait être présent et c’était lui qu’ils attendaient, ce fragment avait dû grandir ici même dans cet endroit étrange.

- Je vais effectuer la demande pour que votre fragment soit livré au plus vite.
- Excusez-moi… Est-ce que vous savez pourquoi il n’a pas été … livré hier ou avant-hier ?
- Non, je l’ignore. Désirez-vous poser une requête pour signaler ce retard ou pour obtenir des détails ?
- Oui. Oui, exactement, je voudrais savoir ce qu’il se passe.
- Très bien. J’enregistre votre requête et je vous amènerai la réponse dès qu’elle reviendra.

Il dut attendre le lendemain pour obtenir une réponse et celle-ci se trouva fort déplaisante. Sur un papier, écrit dans cette langue universelle qu’il peinait toujours à lire préférant le bon vieux Entonien, il y avait écrit qu’aucun fragment n’était présent dans la cité pour leur couple. Une demande de livraison inter-galactique avait été faites et un seul fragment répondant à leurs spécificités avaient pu être trouvé. Ce n’était pas si surprenant que ça, les enseignements qu’il avait reçu pour gérer ses hormones avaient sans doute fait de lui un profil très particulier mais la demande avait été faites depuis un certain temps déjà et son reflet avait été trouvé seulement quelques jours auparavant. Le fragment… n’importe quel fragment correctement éduqué était censé convenir.

Cray déposa une nouvelle requête pour demander en combien de temps ce fragment si particulier pourrait être livré afin d’estimer leur durée d’attente et s’il était possible d’adapter l’un des fragments présents sur site et en combien de temps.

Il n’était pas venu ici par hasard, on disait à travers tout le royaume Entonien que c’était les plus adaptés et les meilleurs. Il fallut trois jours de messages interposés pour que finalement, il prenne la décision d’attendre la transformation complète d’un fragment présent. Cela prendrait environ trois semaines… Trois semaines d’attentes durant lesquelles son reflet fit de très nombreuses demandes pour le rencontrer. Il les refusa toutes, même quand ce dernier mit sa santé mentale et physique dans la balance, il se montra inflexible.

Lorsque le grand jour arriva, le long des parois rocheuses, Cray pouvait observer les reflets de ses propres hormones qui avaient fait un dépôt. Le fait de parvenir à les évacuer ainsi lui avait permis de tenir beaucoup plus longtemps, mais c’était également un souci puisque son reflet y serait d’autant plus sensible. S’il avait cru souffrir, leur rencontre pourrait bien le mettre encore plus dans l’embarras. Cray souffla, il ne pouvait pas tout prévoir ou tout gérer, cette administration et ce fragment allait faire une partie du travail pour lui.

L’hôtesse le conduisit jusqu’à la salle de rencontre et s’arrêta peu avant la porte pour lui soumettre trois choix. Trois propositions que son reflet avait validées et qu’il devait à présent trancher.

« Rencontres multiples pour apprivoisement »
« Rencontre simple et coït dans la zone de résidence »
« Coït dans la zone de rencontre »

Cray observa les trois choix posément. Il savait son reflet pressé, les multiples demandes -suicidaires- pour le rencontrer avant d’avoir leur fragment voulait tout dire. Qu’il ait refusé n’impliquait pas qu’il était prêt à attendre. Tout son corps bouillonnait. Il sélectionna la troisième possibilité, maintenant que le fragment était prêt, attendre n’avait plus tellement d’intérêt. L’hôtesse le remercia de sa confiance et partit remettre sa décision aux deux autres.

Pour avoir étudié la procédure en long en large et en travers, Cray savait ce qui était en train de se produire. Le fragment s’installait au centre de la pièce, face à lui. Ensuite, le reflet entrait débutant le coït et enfin… La porte s’ouvrit, lui dévoilant l’image qu’il attendait, qu’il espérait. Son sexe durcit instantanément alors que toute la chimie de son corps se lançait à l’assaut de son reflet.

Le reflet était un mâle, Draken, d’une trentaine d’année aux yeux voilés par le désir et aux membres tremblants. Les signes de la maladie de cœur se voyaient à de multiples endroits sur sa peau, signe qu’il l’avait attendu trop longtemps déjà. Ses yeux étaient aussi rouges que ses cheveux, et il tenait, sans aucune difficulté, le petit fragment sur lui, directement empalé sur sa verge épaisse. La vue érotique le figea un instant, même si elle était attendue. Observer la chaire fine du fragment suivre les formes du Draken lui plut immédiatement et quitter ce petit espace des yeux fut difficile.

Le fragment quant à lui était plus jeune, peut-être avait-il une vingtaine d’année. Son corps avait beau être fin, il était masculin, un pénis délicat, pendant entre ses cuisses nues. Il était maintenu contre le torse de leur partenaire et le rouge était déjà monté à ses joues, montrant sa capacité à faire sa tâche.

Cray l’observa un quart de seconde avant de se reconcentrer sur le Draken, tout en se déshabillant tranquillement, comme s’il n’avait pas à lutter. Son partenaire transpirait la force et la dominance. Il n’hésitait pas et le fixer d’un regard colérique. C’était assez normal après tout, se dit Cray. Il avait refusé toutes ses demandes et l’avait fait attendre bien plus que de raison. Pire encore, c’était à lui qu’on avait offert de poursuivre sa vie tandis que le reflet devrait s’y plier. Une honte pour ce peuple de guerrier. Cray lui offrit un sourire, il était plutôt heureux de ce qu’il voyait et assurément, son reflet ne serait pas l’un de ces êtres ennuyeux qui ne pouvaient que vous attendre au lit.

Lorsqu’il arriva tout près d’eux, il leva la main pour caresser délicatement le Skentovien et sa peau froide comme le cristal lui tira un sourire. Le jeune homme avait la peau aussi blanche que les cristaux non polis. Ses cheveux étaient si pâles qu’on avait l’impression de pouvoir voir à travers et ils étaient si long qu’ils appelaient à la caresse. Ses pupilles étaient tout aussi claires. Seules ses joues, rosit par le désir ajoutait une touche de couleur à leur fragment.

Sans dire un seul mot, Cray posa la main sur sa verge lourde, appliqua quelques va-et-vient secs, puis, approcha son gland brulant de l’antre gelée déjà bien envahie. Le Draken toujours planté en lui, ne bougeait pas et le tenait, largement ouvert, pour le lui offrir. La tradition avait été respectée. Placer le bout de sa verge contre leurs deux intimités ne fut pas difficile, pousser de manière à rentrer au fin fond de lui fut un peu plus étrange par contre. Le corps du fragment ne résista pas vraiment mais il le força à ralentir. Et bientôt, il fut au fond de lui, bien en place. Le long de son sexe se tenait la chaleur bouillonnante du Draken et tout autour, le froid délicat du fragment. Le jeune homme poussa un couinement et se mit à gémir de luxure. Il avait envie de plus, mais il n’était pas encore temps de bouger.

Les deux mâles posèrent leurs bouches sur son cou, chacun d’un côté, et ils mordirent. Le Draken injecta son venin, une dose habituellement mortelle mais rendue neutre par la préparation reçue par le fragment. Pendant ce temps Cray, en le mordant, se contentait de les lier. Un peu de sang coula et lentement, ils se mirent à bouger ensemble, cherchant à adopter le même rythme diaboliquement lent. Leurs sexes sensibles se caressaient l’un l’autre et pour le moment c’était leur seul point de contact.

Entre eux, le fragment absorbait le plus gros de leur énergie, évitant tout débordement. La technique était simple sur le papier, mais effectuer les gestes alors que deux verges bougeaient en lui, l’écartelant et lui arrachant parfois quelques pleurs et autres grognements plus jouissifs, c’était bien différent. Il s’accrocha de son mieux aux épaules de Cray et savoura la pression de leurs corps sur lui. Il fallait attendre le dernier instant pour lancer la fin du processus mais le grognement du Draken ne se fit pas attendre et le fragment travailla aussi bien que possible alors qu’en lui, le sperme se répandait, tapissant ses parois internes et le sexe de leur compagnon. Très vite, Cray lâcha prise, rajoutant une dose de sperme à son tour. C’était fait.

Ils restèrent debout, tenant le poids plume du fragment entre leurs deux corps puissants. Leurs sexes débandaient peu à peu, se rétractant et bientôt, sortant de l’anus du plus jeune. La sensation de perte fut assez intense. Leurs corps avaient tellement hâtes de pouvoir se toucher davantage qu’abandonner ce contact intime était difficile. Ils attendirent néanmoins que le fragment prenne la parole pour sceller la cérémonie.

- En ce jour, vous devenez un tout. En ce jour, je vous complète. En ce jour, nous sommes unis.

Le sperme coulait mollement de son fondement et il se sentait bien trop remplis, mais il poursuivit courageusement.

- Phrazen Lizkor, tu es le reflet. Cray Ludwi, tu es le cœur.

Le fragment se tut, il n’avait encore ni nom, ni identité mais la cérémonie était terminée et sa jolie peau blanche ne l’était plus tout à fait. En y regardant de plus près, on pouvait y voir de très léger reflet. Il avait joué son rôle de barrière et de protection et à présent, ils pouvaient se toucher directement. Alors il les observa s’embrasser en souriant doucement, heureux d’avoir contribué à cette union et déjà angoissé à l’idée d’être renvoyé.

- Cray… joli nom. Marmonna le reflet.
- Phrazen, c’est pas mal aussi. Allez… je ne sais pas toi, mais moi, j’ai hâte de partir. Je n’ai pas l’habitude de rester aussi longtemps à un endroit.

Phrazen acquiesça et enfila, très sommairement, ses habits sur son corps moite. Il se dirigea vers la sortie en admirant le corps de son compagnon. Le destin avait décidé de le lier à ce mâle impressionnant. C’était au moins au bon lot de consolation au fait d’être devenu un simple reflet. Il s’arrêta néanmoins à la porte, sachant pertinemment que ce n’était pas à lui de prendre la décision mais espérant un résultat précis. Le fragment pouvait être employé uniquement pour la cérémonie. Des années de préparations, des semaines d’adaptations parfois pour finalement offrir quelques minutes de plaisir et être renvoyé. Ce serait du gâchis se disait-il en pensant à quel point ça avait été facile de rentrer en lui ensemble.

- Fragment ? Tu viens avec nous. trancha Cray.

Le fragment inclina gentiment de la tête tout en dévoilant un très joli sourire. Il ne possédait pas le moindre habit, mais un peignoir blanc l’attendait près de la sortie au cas où on désire encore ses services.

Le trajet, jusqu’au vaisseau se passa comme dans un rêve pour lui. Il n’était jamais allé aussi loin dans la cité et il aimait découvrir ces nouveaux lieux. Devant le grand bâtiment de guerre, Phrazen s’arrêta pour admirer la vue et il dut se retenir de poser toutes les questions qu’il avait en tête. En devenant reflet, on lui avait offert une courte formation avec un grand nombre de conseil pour que cela se passe au mieux et une soumission première pouvait aider, semblait-il. Cray avait pourtant l’air assez sûr de lui pour ne pas se sentir remit en cause…

Tranquillement, l’Entonien expliqua :

- C’est un vaisseau de guerre. Je suis spécialisé dans la défense de vaisseau-cargo ou de vaisseau-scientifique. Mon équipage n’a pas eu le droit de débarquer, mais vous allez les rencontrer… bientôt. J’ai choisi une mission tranquille le temps de nous … habituer les uns aux autres.

Tout en le disant, il offrit une caresse tendre sur la joue du fragment qui baissa les paupières en soupirant de bonheur. Sa peau était toujours aussi froide et elle le resterait. Phrazen les observa en souriant. Ils étaient beaux ensembles et il fut soulagé lorsque leur compagnon l’attira pour l’embrasser d’un baiser qui n’avait rien de chaste.

- Suivez-moi tous les deux. Que je vous montre nos quartiers…

A l’abri des regards, sous le peignoir, le sperme continuait de s’écouler de son fondement. Il glissa sur le haut de ses cuisses le déconcentrant un moment. Pourtant, il ne pouvait pas s’empêcher de sourire. Il était rentré dans ce couple, il en faisait partie et ça le rendait simplement heureux.

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