Le tuer ou l'aimer...
Si beau mais si faible ; le tuer ou l'aimer...
Sur son cou blanc, ma lame viendra se lover.
Pourtant mon pauvre cœur, si prompt à me trahir
Ne pourra se résigner à le voir mourir.
Je pleurs un torrent, je ris, car dans mon malheur,
Mes multiples sens torturés me rendent folle :
Dois-je, ô douleur, tuer Cupidon en plein vol
Ou décevoir mon oncle dans ma belle erreur ?
Comme il serait aisé de le laisser pour mort !
Un coup de mon poignard suffirait à l'abbattre,
Mais la chaleur que je sens mon cœur faire battre,
Serait un déchirement de plus à l'aurore.
Ce dilemme crève mes yeux, perce mes mains,
Mais pourra-t-il avoir Renaud mon bien-aimé
Qui au pied de cet arbre, vulnérable, sied ?
Ma dépendance au chasseur vaudra notre fin.
Froid avenir nous guettant. Il ne tient à rien
Si Thanatos à Éros, au fond je choisis.
Je me sens flancher, je ne vis pas l'infini :
Le sang chaud de Renaud fera couler le mien.
Je rêve, me vide en une pensée d'effroi,
Je songe à figer ce choix sur le plus vif geste.
Si pour Renaud je reste, notre amour je teste.
En proie au cruel doute, je me rends à toi :
De ta flèche, fend l'air, emporte le combat ;
Car mon poing sur sa gorge nous sera fatal.
À lui, à moi. À nous. Ô comme je suis pâle !
Dans son épée, je me suis vue, assise là.
D'ici, j'y vois mes larmes sur mes joues couler
Et mes yeux bruns, aux prunelles si délabrées
Que l'on pourrait sonder le fond de mes pensées :
Entre deux maîtres, un chien ne sais qui aimer.
Annotations
Versions