Interlude

3 minutes de lecture

Thaddée Pavel était fatigué. Ses paupières lui pesaient, ses membres affaiblis lui pesaient, la vie lui pesait. Bien entendu, il se sentait déjà las avant d'apprendre la mauvaise nouvelle, mais l'enterrement de son vieil ami l'avait achevé. Voir un homme aussi droit et en bonne santé que ce cher Emrys quitter ce monde avant lui l'avait désemparé ; et savoir qu'il avait été victime d'un meurtre aussi ignoble l'avait profondément choqué.

Il avait tout de suite compris de quoi il retournait : le motif de l'assassinat était évident, à ses yeux. Sans doute le tueur viendrait-il vers lui aussi ; sans doute s'occuperait-il également des deux filles de son ami et de tous les autres... L'impotent poussa un profond soupir qui attira l'attention de son infirmière.

— Qu'est-ce qui ne va pas, M. Pavel ?

Ils venaient de quitter le VAELS qui l'avait reconduit dans son quartier et à présent, elle poussait son fauteuil le long d'une rue paisible identique à toutes les autres.

— À votre avis, Dalila, qu'est-ce qui peut bien ne pas aller le jour où j'ai assisté à l'enterrement d'un ami proche ? répliqua-t-il avec amertume.

— Pardon, M. Pavel. J'aurais dû m'en douter.

— Bah ! Vous devez être aussi perturbée que moi, vous n'auriez jamais posé une question aussi stupide en temps normal.

— Désolée, M. Pavel. Je sais à quel point vous étiez proche de M. Orbitane et de ses filles.

— Allons, vous vous êtes déjà excusée, Dalila. N'en parlons plus, voulez-vous ?

Le silence revint entre eux. Curieux, comme le deuil vous changeait les gens. L'infirmière, par exemple. Dalila... Dalila comment, déjà ? Il ne parvenait jamais à se rappeler son nom... D'ordinaire, elle était souriante, enjouée, passait son temps à devancer ses pensées, à deviner ses émotions et surtout, elle ne posait jamais de questions. Cette fois-ci, quand elle était arrivée, mutique, froide, il avait été surpris ; et maintenant, voilà qu'elle n'était plus capable de comprendre ses soupirs ! Pour sûr, l'enterrement l'avait chamboulée aussi.

Que dirait-elle si elle savait qu'il était condamné à mourir de la même façon qu'Emrys ? Elle serait sans doute horrifiée.

Sous la poigne ferme et précise de Dalila, le fauteuil roulant tourna le coin de la rue. Ils étaient presque chez lui. Tant mieux ! Ce maudit soleil d'hiver qui le narguait le jour des obsèques d'Emrys lui portait sur le système.

À propos d'Emrys...

— Dalila, puis-je vous demander un service ?

Sans répondre d'abord, l'infirmière passa la porte à glissière de la maison-arbre où il résidait. Une fois dans le hall, elle répondit d'un ton neutre :

— Bien sûr.

Encore cette froideur... Quel dommage qu'il ne pût pas voir son visage pour y lire ses émotions. Il décida tout de même de poursuivre.

— Ce soir, avant de repartir, prenez donc la lettre qui est sur mon bureau... Vous savez, celle que j'ai écrite ce matin ? Et déposez-la pour moi chez les Orbitane, ça me ferait plaisir. C'est important. Très important.

— La lettre que vous écriviez quand je suis arrivée, M. Pavel ?

— Oui, celle-là même.

La porte de son appartement s'ouvrit devant eux : elle était munie d'une petite caméra et se déverrouillait automatiquement quand elle détectait son visage. Pratique et sûr. L'assassin ne pourrait pas l'attaquer chez lui, c'était déjà ça...

— C'est d'accord, M. Pavel. Je récupèrerai cette lettre. Mais auparavant...

La porte se referma sur eux.

***

Le lendemain, Perséphone recevait un appel de l'enquêteur Andercius.

Mademoiselle Orbitane ? J'ai une mauvaise nouvelle pour vous. L'ami de votre père, Thaddée Pavel, est décédé. Toutes mes condoléances.

Elle frissonna.

Pouvez-vous me dire comment... comment il a... ?

Je vous préviens, c'est dur à entendre...

Dites toujours, je tiendrai le choc...

Il a été retrouvé chez lui, près de son fauteuil renversé. Manifestement, il a été battu à mort. Ah, et son infirmière... elle a disparu.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Elodie Cappon ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0