Chapitre 21 :

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Quand ils furent tous levés, Alex prit les devants alors que les autres le suivaient. Il prit un imperméable et les trois autres l’imitèrent. Puis, ils sortirent. Il faisait moins froid que d’habitude ce matin-là, mais il faisait froid quand même. Sandra frissonna. La rue dans laquelle se trouvait leur bâtiment était bondée de sans-abris sur les côtés. Certains étaient allongés, sûrement en train de dormir pendant que d’autres agonisaient en silence. Un vieil homme rampait vers une autre rue, dans l’espoir de croiser des personnes gentilles qui l’aideraient sans poser une seule question. Une vieille dame, à la peau toute ridée et fripée fumait une cigarette en gardant bien près d’elle une bouteille de whisky. Un bébé pleurait dans les bras de sa mère qui grelottait de froid en appelant désespérément son mari qui arriva en titubant, complètement saoul. La dispute éclata très vite mais ne dura pas longtemps car l’homme s’évanouit avant même d’entendre les sermons de sa femme qui berçait le nourrisson pour tenter de le calmer. Sauf qu’il ne se calma pas, mais pleura de plus belle au passage des quatre adolescents, têtes basses et capuches pour cacher leur visage. Ils tournèrent dans une rue aux bâtiments qui formaient des droites presque multicolores. Des drapeaux aux fonds noirs avec un couteau blanc étaient accrochés avec un piquet sur chaque bâtiment. Sandra et Lilian comprirent rapidement que ce drapeau était tout simplement celui de la Thuath. Alex se retourna et marcha en arrière.

Les couleurs des bâtiments ne sont pas choisies au hasard ! Les bâtiments rouges sont les usines, celles qui sont en briques rouges avec des portes blanches sont les maisons individuelles. Les immeubles sont beiges et la porte de chaque appartement est bleue. N’importe quel commerce est violet, les centres commerciaux ont une étoile verte, les bouchers une étoile bleue, une étoile orange pour les boulangeries, et une étoile noire pour les commerces électroniques. Les bâtiments bleus concentrent tout ce qui est médical, et le reste des bâtiments sont rose pâle avec des pancartes pour les reconnaître, expliqua le jeune homme.

C’est censé nous aider de savoir ça ?

Oui, répliqua sèchement Margot. On prend en filature des enfants de riches, s’ils entrent dans un bâtiment, vous saurez où vous allez. On ne va pas vous donner un plan de ville tout de même, cela ferait vraiment beaucoup trop suspect, vous vous feriez arrêter avant même d’avoir pu commencer la mission.

Les quatre adolescents changèrent une nouvelle fois de rue avant de s’engouffrer dans une petite ruelle étroite les menant jusqu’à un bois qui était à la lisière de la ville. Les arbres semblaient être comme des glaçons, et les feuilles qui étaient tombées glissaient et se brisaient en mille morceaux sous le poids des quatre coéquipiers. Pendant le reste du trajet, les adolescents ne dirent pas un mot. Alex les conduisit vers une maisonnette à moitié détruite. Il n’y avait que trois murs et le frère et la sœur avait réaménagé le toit avec des planches de bois. Il n’y avait qu’une table, une armoire et des sièges construits à la main.

Personne ne vient dans la forêt. C’est un chouette endroit mais il est tombé aux oubliettes. Nous avons refait le toit et les chaises. On garde tout ici, on est pratiquement sûr de ne pas avoir de vérification avec les policiers, alors que si on le gardait avec nous, on est certain qu’ils nous demanderaient des explications, et on serait vraiment dans un problème pas possible !

En faites, qui de vous deux est l’aîné ? voulut savoir Lilian.

On avait un frère aîné Mathéo, mais il est mort à la guerre. Sinon, l’aîné c’est moi, Margot est plus jeune que moi de dix mois, on est né la même année, répondit Alex.

Sandra et Margot s’appuyèrent contre un mur pendant que Lilian prit une chaise pour s’asseoir et qu’Alex ouvrait l’armoire. Le jeune homme en sortit plusieurs papiers plus ou moins grands et jaunis pliés. Il les posa sur la table et les déplia un par un avec l’aide de Lilian tandis que les deux jeunes filles se rapprochèrent de la table et appuyèrent leur main dessus pour pencher leur tête vers les cartes déjà ouvertes par les garçons. Sandra examina les cartes minutieusement. Une représentait la ville avec des inscriptions dessus, les lieux où allaient les adultes riches avec leur enfant, et les endroits où les enfants des riches partaient tout seuls, ainsi que des démarcations à chaque cul-de-sac proche de ses lieux. Les quelques autres papiers étaient des notes écrites à la main avec un stylo plume qui avait bavé à quelques endroits. Les deux surdoués n’arrivaient pas à déchiffrer l’écriture trop petite. Margot attrapa d’un geste vif les feuilles.

Ce sont des notes sur ce que l’on a fait jusqu’à présent ! s’exclama-t-elle. Les plans qui ont raté, ceux qui ont presque pu réussir. On ne va pas tout vous raconter. En tout cas, moi j’ai la flemme. Je peux juste vous dire, que l’on a beau espérer en attraper un pour partir d’ici, on sait pertinemment qu’à deux c’est impossible. Ils sont très bien surveillés, et lorsqu’ils ne le sont pas, ils sont solidaires entre eux.

Mais maintenant que vous avez débarqué. Alors peut-être qu’à quatre nous le pourrons. On ne se connaît pas, mais on doit réussir à s’entendre un minimum pour satisfaire l’association… J’ai cru comprendre, que ce que vous préféreriez, ce serait de libérer vos amies emprisonnées par vos dirigeants. N’est-ce pas ?

Sandra et Lilian hochèrent la tête avant de la baisser. Bien sûr qu’ils voulaient libérer leurs amies, c’était leur vœu premier. Sauf que voir un pays, dans l’état où se trouvait la Thuath ne les laissait pas non plus indifférents. Ils avaient vu les gens dans la rue, qui mouraient littéralement, certains avec des enfants dans les bras. Puis, ils voyaient bien qu’Amanda n’était pas très heureuse depuis qu’elle travaillait au centre de recherche scientifique. Ils avaient connu une Amanda à l’époque, certes un peu fatigué, mais une Amanda soucieuse, gentille et protectrice. L’agente de l’association était dépassée, déprimée, fatiguée voire presque maladive. Mme. Keys n’aurait jamais dû l’envoyer en mission en Thuath malgré ses compétences incontestables.

Nous avons donc des raisons de faire équipe, poursuivit Alex. On veut tous aller en Opartisk. Vous, pour trouver un moyen de sauver vos amies, et nous, pour partir loin de ce pays. Marché conclu ?

Il tendit la main, et Sandra la saisit presque immédiatement.

Tu as raison, de toute façon, nous sommes obligés de travailler ensemble. C’est l’association qui nous le demande, et si elle nous le demande, c’est qu’elle compte surveiller notre travail de près, riposta Sandra avant de lâcher la main du jeune homme.

Ils prirent tous les petits tabourets en bois et s’installèrent autour de la table ronde prêts à trouver une solution. Le frère et la sœur leur expliquèrent les quelques techniques utilisées. Isoler un dans la foule des adultes. Ils avaient aussi essayé dans les centres commerciaux car ils étaient, pour la plupart, énormes, mais tous les adultes riches faisaient attention. Ils n’avaient même pas essayé dans les petits magasins et les épiceries. C’était peine perdue. Avec quatre cerveaux à disposition, le petit groupe espérait pouvoir trouver une solution qui risquait de leur permettre d’arriver à leurs fins et qui puisse se réaliser. Ils scrutèrent et ré-examinèrent méticuleusement pendant de longues minutes, tous sur les notes qu’ils avaient réécrites avec leur écriture pour mieux les consulter, ainsi que la carte de la ville nommée Hondamendi.

Pourquoi est-ce que sur la carte, il y a écrit en tout petit 1èr Février et 27 Avril avec un petit panneau attention d’une couleur plus foncée ? s’informa Lilian.

L’espace d’un instant j’avais oublié cette petite précision, ainsi que le fait que vous ne connaissiez rien de la Thuath, railla Alex. Le 1èr février, c’est une fête qui commémore une grande bataille meurtrière d’antan que notre clan a gagnée. Le 27 Avril, c’est pour fêter la déclaration du début de la relation que la Thuath entretient avec la Siar. Ce sont des dates importantes aux yeux du roi Fabrice II. Je l’avoue, la première date est sans doute une fierté, sur cette bataille s’est déroulée il y a plus de cinquante ans et elle a été très meurtrière, c’est tout ce que je sais. A mon égard, la deuxième date est loin d’être fantastique, car depuis l’alliance avec la Siar il y a dix ans, notre pays a sombré dans la crise. Sauf que notre cher saint Fabrice II, le roi des imbéciles, trouve cette date absolument symbolique.

D’après les peu Siariens que nous avons croisés, le roi Jean-François II est loin d’être le meilleur dirigeant de tous les temps non plus. Apparemment, l’une de leurs dates symboliques est le 2 mai pour la décapitation de l’un de ses opposants politiques. La Siar est sous la dictature. Je ne connais pas tout sur l’histoire de la Siar. Mais je me demande lequel de la Siar et la Thuath est la pire, débita Margot.

Après leur petite discussion sur l’histoire des deux clans alliés, ils repartirent dans la réflexion d’un bon plan, communiquant quelques fois certaines idées entre eux, ou utilisant des feuilles pour inscrire ou schématiser la situation et le quelconque déroulement lié à leur plan. Lilian soupira, et ne se rappelant plus que les tabourets n’avaient pas de dossier, se pencha en arrière et tomba à la renverse, renversant son tabouret par la même occasion. Les deux filles pouffèrent de rire alors qu’Alex leva les yeux au ciel avant d’aider le surdoué à se relever.

Dis donc, pour un surdoué il n’a pas l’air très doué ton pote, murmura Margot à l’oreille de Sandra.

Ce n’est pas dans ses habitudes d’être aussi maladroit, chuchota-t-elle entre deux rires.

Lorsque Lilian fut de nouveau bien installé, et que les deux filles furent remises de leur émotion, ils se remirent au travail.

Nous devons rentrer manger dans le quartier général de l’association ? se renseigna Sandra en mâchouillant le bout de son crayon à papier tout en jouant avec la gomme contre la table.

A part quelques-uns comme Amanda, aucuns d’autres nous est en contact avec une personne de l’extérieur. Donc, nous ne pouvons pas aller dans un supermarché nous acheter de la nourriture par exemple. Donc oui, pratiquement tous les agents ici mangent au quartier général. Mais j’ai une montre, je vous signalerai quand on partira. Y aura pas de soucis.

Les gars… Je crois bien que je suis arrivée à une seule conclusion. Je pense qu’il va falloir réaliser un plan en incluant la manière forte. Avant, vous n’étiez que deux, cela ne devait sûrement pas marcher, mais là, on est quatre. Ils sont comment les gosses de riches ? proposa Lilian.

Dis-moi que ce n’est pas ce que je crois comprendre, répliqua Margot en pâlissant subitement.

Margot avait très bien compris où voulait en venir Lilian. La jeune Thuathienne y avait bien pensé, mais elle savait bien qu’à l’époque, ils n’auraient eu aucune chance. Mais là, ils étaient quatre désormais, et la jeune fille devait avouer que face aux enfants de riches non-expérimentés en combat, ils pouvaient peut-être réussir à les battre s’ils s’organisaient bien. L’adolescente leva la tête et échangea un regard avec son frère. Ce dernier abaissa sa tête furtivement et brutalement pour faire comprendre à sa sœur qu’il était du même avis qu’elle. Puis, il releva la tête et se tint bien droit et se racla la gorge, s’apprêtant à parler.

Bon, après une mini concertation avec Margot… commença-t-il.

Vous ne vous êtes même pas parlés, le coupa Sandra.

Exact, répondit la prénommée avec un rire. On sait ce que veut dire l’autre avec le regard. Secret de frère et sœur fusionnelle. Mais n’allez pas croire qu’on s’entend parfaitement. Il est étouffant parfois.

Sympa, toi tu es une fouineuse et une incrusteuse pas possible, on ne peut pas avoir de vie privée avec elle !

De toute façon tu n’en as pas de vie privée ! riposta-t-elle en souriant.

Parce que tu en as une peut-être ? Tu dors encore avec ton doudou ‘‘Milou’’ offert par tata Ginette quand tu avais un an je te rappelle ! renchérit le brun.

Est-ce que l’on pourrait revenir à la mission s’il-vous-plaît ? C’est assez gênant pour moi et Sandra d’assister à ce genre de discussion entre frère et sœur, intervint Lilian d’une voix forte pour se faire entendre.

Oui, donc, excusez-moi, je reprends !

Détends-toi, on dirait un chef qui prend les rênes d’une réunion importante, le railla Margot.

Oui, bah désolé si, c’est important ! Bon, pour faire court, car il va bientôt falloir aller manger, on est d’accord pour la manière forte, mais il va falloir un plan béton. Parce qu’au moindre dérapage, on ne sortira pas de prison aussi facilement. Les policiers sont du côté des riches, et je vous rappelle que vous n’avez pas de papiers. On ne sait pas ce qu’ils réservent aux sans-papiers, mais d’après que j’ai entendu, peu d’entre eux ont été revus après leur arrestation. Et je ne blague pas, il y a vraiment de sales rumeurs sur leur avenir.

Comment ?

Ils sont torturés apparemment, reprit Margot en se levant. Je vous épargne les détails, mais ils sont torturés, et d’après certaines personnes qui en auraient revus, ils sont défigurés, et d’autres auraient même des membres en moins. Cela fait vraiment froid dans le dos.

Sandra tressaillit alors qu’un frisson lui parcourra l’échine. Elle lança un regard à Lilian qui parlait à voix basse avec Alex alors que ce dernier rangeait les cartes. La jeune fille à la peau mate aida Margot à mettre les tabourets sous la table. Le quatuor emmena quand même les notes avec eux pour pouvoir y réfléchir pendant la pause déjeunée. Le sol jonché de feuilles était moins glissant même si Sandra faillit tomber.

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