Chapitre 9 :

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Gauche, droite. Droite, gauche. Encore et encore. Taper et taper. Continuer. Ne pas s’arrêter. Se mettre en colère à cause de la peur. Laisser la peur l’envahir un peu. Être sur les nerfs. Décharger cette haine sur quelque chose. D’inhumain de préférence. Taper encore et toujours. Taper de plus en plus fort. Jusqu’à en être épuisé, exténué. Jusqu’à être étrangement calmé et posé. Taper pour vider sa tête de ses mauvaises pensées, et déverser sa colère. Taper pour aller mieux. Du moins, pour le paraître, ne serait-ce qu’un peu.

C’était ce que faisait Iris en ce moment. Des gants de boxe recouvrant ses mains, elle tapait, toujours plus fort, sur un sac de frappe. La surdouée ne s’arrêtait pas. Elle ne voulait pas. Marin n’était plus là, du moins, plus en Opartisk. C’était encore la faute des conseillers. Maryline. Kendra. Kilian. Cassandra. Et maintenant Marin. Qui allait être le prochain ? Mme. Keys ? Samuel ? Iris était énervée, l’État semblait vouloir lui voler toutes les personnes chères à son cœur, sans aucune pitié. Jusqu’où allaient-ils aller ? Elle n’en savait rien, pour l’instant, elle se concentrait sur taper sur le sac. La jeune fille essayait de s’imaginer dans quel état se trouvait Marin. Était-il angoissé ? Apeuré ? Frustré ? Iris pensait à un des trois, voire même les trois. Un coup, puis un autre. Un pas, puis un autre. La plus intelligente des surdoués n’entendit pas Samuel débarquer dans la salle. Le jeune homme réprima un frisson, il était vrai qu’il faisait assez froid dans cette salle. Le surdoué s’assit sur une table en attendant qu’Iris ait fini de taper. Sauf que la jeune fille ne perçut aucun autre bruit que ses poings en train de taper. Pendant quelques minutes, Samuel observa son amie aux cheveux auburn en analysant chacun de ses gestes. Ses gestes de bras et ses coups étaient secs, et ses pieds se reposaient au sol d’une manière dure. Le jeune homme n’avait pas besoin de réfléchir pour deviner que son regard était rempli de haine et que son visage tout entier l’exprimait aussi.

Iris ! Ça suffit maintenant. Je sais que tu as besoin de te défouler. Tu en as parfaitement le droit, et je ne t’en empêche pas. Mais, je ne pense pas que celui qui dirige la salle de sport de l’association sera content s’il retrouve ses sacs de frappes déjà usés complètement détruits.

La jeune fille stoppa comme paralysée, puis elle se retourna et rencontra le regard de Samuel. Elle pouvait compter sur lui. Il le lui avait dit lui-même. Iris baissa le regard, puis la tête et enleva les gants de boxe avant de les laisser tomber par terre comme si de rien n’était. Samuel soupira et sauta sur le sol. Le beau brun fit quelques pas avant de prendre les mains de son amie. Le jeune homme n’avait jamais rencontré une personne aussi spontanée qu’Iris. Cela l’incitait encore plus à vouloir veiller sur elle. Iris était une des rares filles qui avaient réussi à obtenir l’entière confiance du surdoué. Il faisait preuve d’une prudence extrême dès qu’il rencontrait quelqu’un, mais cela ne l’empêchait pas d’être gentil, bien au contraire.

Écoute… Je sais que ce n’est pas simple. Tes amis d’enfance t’ont trahi. Maryline et Kendra sont emprisonnées par l’État. Tu viens tout juste de retrouver Marin qui se fait attraper à son tour, et nous ne savons pas vraiment où nous allons, d’autant plus que Mme. Keys ne nous a pas encore expliqué comment cela allait se passer. Je te mentirais si j’étais en train de t’assurer que tout allait bien et que nous sommes hors de danger, et je sais très bien que quoi que l’on dise, tu ne te calmeras pas. Sauf que n’oublie pas ce que je t’ai dit : tu n’es pas seule. On est là. Je suis là, rappela-t-il avec lucidité.

Iris releva la tête et sourit quand elle plongea dans le regard bleu intense du jeune homme. Elle entrelaça ses doigts avec ceux du beau brun et elle les serra plus fort pendant qu’elle se concentrait sur la chaleur qui se propageait dans chaque recoin de son corps. Comment le remercier pour tout ce qu’il faisait ? Pour être lui. Il était loyal. Il savait trouver les mots, les bons pour réussir à calmer n’importe qui. Il émanait une douceur tellement pure dans n’importe quelle situation. Il était d’un soutien sans failles et un pilier dur comme pierre. Il était en tout exceptionnel et Iris ne cessait de se répéter qu’elle avait tellement de chance de l’avoir rencontré. Elle passa sa langue sur sa lèvre inférieure pour qu’elle ne soit pas sèche puis baissa la tête vers ses mains.

J’espère ne pas être niaise (elle leva son regard pour capturer celui de Samuel). Mais tu arrives, à me calmer. C’est toi qui fais tout le boulot. Tu parviens à trouver les bons mots pour me calmer tout en énonçant la dure vérité, sans rien me cacher. Tu as une patience incroyable. Et j’aimerais bien être comme toi, être zen et être quelqu'un sur qui on peut compter en sachant qu’il ne nous trahira jamais.

Tu es une des seules personnes à qui je fais réellement confiance, déclara le jeune homme en détournant le regard quand il sentit ses joues rougir. Et puis, ce n’est pas si fatiguant que cela, ça me fait plaisir d’aider les gens que j’aime, c’est tout à fait normal.

Iris lâcha ses mains, ébahie. Samuel ne semblait pas être quelqu’un de très méfiant pourtant. Pourtant la surdouée ne pouvait pas lui en vouloir de l’avouer, tout le monde l’était au premier abord. Il y avait sans doute une raison pour cela, mais la jeune fille repoussa ses questions à plus tard, elle ne voulait pas être indiscrète.

Cela me flatte. Mais, je ne suis pas certaine d’être digne de confiance. J’ai bien perdu l’amitié de Kilian et Cassandra. Et je ne pense pas que sur une amitié, la maladie ait une quelconque influence. J’aimerais savoir pourquoi. Mais je ne peux pas.

Iris ! Il y a toujours des personnes pour nous détester. Et il y en a aussi pour nous aimer. Ne te tracasse pas. C’est la vie. Et quand bien même tu saurais ce qui les a poussés à en finir, le mal est fait et tu ne pourras rien changer. Et dans une relation, c’est quelque chose entre les deux personnes qui la brisent, et non une personne. Si tu tiens vraiment à savoir, bien réfléchis y ! dédramatisa Samuel.

Iris fronça les sourcils quand un sourire moqueur naquit sur les lèvres du jeune homme.

Qu’est-ce qu’il y a ? interrogea-t-elle.

Rien…. Je viens de repenser à ton discours. C’était vraiment super niais, se moqua-t-il gentiment.

La jeune fille lui lança un faux regard noir avant de lui assener une petite tape amicale sur la tête. Le garçon laissa échapper un rire, fier d’avoir suscité cette réaction, puis il sentit le besoin de serrer plus fort Iris contre lui lorsqu’elle vint le serrer dans ses bras. La surdouée enfouit sa tête au creux du cou du jeune homme alors qu’il caressait doucement le dos de son amie. Le beau brun était assez surpris et troublé par cet élan soudain d’affection que lui exprimait Iris, mais il n’en resta pas moins flatté et heureux. Iris, elle, avait l’impression que tout son corps était en train de brûler sans être gênée. Dans un mouvement lent et très doux, elle tourna la tête puis murmura dans son oreille :

Merci.

À ton service.

La porte s’ouvrit à la volée. Les deux surdoués se lâchèrent et s’écartèrent brusquement l’un de l’autre. Iris tourna légèrement la tête en la baissant pour que son visage rouge pivoine soit caché par ses cheveux. Le teint de Samuel n’était guère mieux et il se retourna un instant dans l’espoir que son visage retrouverait sa couleur normale et non celle d’une tomate.

Heu… Vous allez bien tous les deux ? On peut parler si vous voulez ?

C’était Peter, et Samuel était en train de se demander s’il était en train de pâlir ou de rougir encore plus. Il souffla puis se retourna alors que son meilleur ami le regardait bizarrement. Le surdoué lança un bref regard vers Iris qui avait relevé la tête, son visage encore rougi. Samuel commença à douter de la couleur de son teint mais finit par reporter son regard sur son meilleur ami.

Vous êtes certain que ça va ? Vous êtes tous les deux étrangement rouges.

La gêne était à son paroxysme. Enfin, c’était ce que ressentaient Iris et Samuel. Peter, lui, se contentait juste de les observer sans comprendre leur réaction, il n’avait rien vu.

Ouais, ça va, marmonna Samuel en s’avançant vers son meilleur ami. Qu’est-ce qu’il y a ? Je croyais que tu ne rentrais jamais dans cette salle car tu ne l’aimais pas, ou la personne qui la possède… Je ne sais plus exactement à vrai dire.

Ce n’est pas qu’on se déteste… Enfin, si. C’est pire que cela on se hait totalement et réciproquement. Je veux dire, il se pourrait que, malencontreusement, je lui ai donné un coup de poing dans la figure et qu’il n’est pas du genre très sympa et qu’il soit monté sur ses grands chevaux. En clair, il s’est énervé et je me suis énervé car je ne l'avais pas fait exprès. Je m’étais même excusé et avais expliqué qu’il était passé au moment même où j’avais levé le bras, déclara Peter en voyant qu’ils se détendirent un peu plus.

Samuel finit par froncer les sourcils avec un sourire puis leva le doigt vers son meilleur ami.

Tu veux vraiment me faire, croire, que toi, Peter Klamail, a frappé malencontreusement quelqu’un ? Personne ne frappe un poing dans le visage de quelqu’un d’autre involontairement. Encore moins toi, qui t’énerves tout le temps contre les gens que tu ne connais pas.

Bon… D’accord, j’ai peut-être omis de préciser qu’avant il m’avait bousculé à m’en faire tomber par terre et, il se peut aussi que je l’aie insulté en poussant un juron car j’avais mal aux genoux en me relevant.

Iris laissa échapper un rire franc et un sourire moqueur se dessina sur le visage de Samuel alors qu’il fourra ses mains dans les poches de son jean.

Et tu lui as jeté ton poing dans la face, et c’est parti en bagarre, rajouta Samuel. Et, je pense même que tu t’en es sorti avec un œil au beurre noir. Tu fais le dur, mais tu ne sais pas te battre. Comment a réagi Mme. Keys ?

Elle n'en avait rien à faire, répondit-il en haussant les épaules.

Le jeune homme avait l’air d’éluder une partie de cette histoire. Iris avait bien du mal à le croire sur ce dernier point. La cheffe de l’association n’était pas vraiment du genre à laisser passer ce genre de chose puisqu’elle prônait l’anti-violence, le respect et la paix. Puis, Iris connaissait Mme. Keys, depuis toute petite, étant sa voisine et sa baby-setter quand elle était plus jeune, la surdouée savait très bien que la vieille dame était à cheval sur la discipline. Cette dernière l’avait forcément réprimandé, et apparemment, il ne voulait pas vraiment en parler. Du moins, il attendait peut-être un moment propice pour en parler. Iris s’avança au côté de Samuel en passant ses mains sur ses joues pour vérifier qu’elles n’étaient plus brûlantes.

En faite, qu’est-ce qui t’amène ? voulut savoir Iris en croisant les bras.

Peter s’apprêta à répondre mais la porte s’ouvrit à la volée laissant apparaître Lilian qui fit quelques pas. Le jeune garçon se passa la main dans les cheveux avant de dire :

Mais vous étiez passés où ? C’est quoi cet endroit ? J’ai fait le tour du bâtiment sans vous trouver. Dépêchez-vous un peu. Mme. Keys vous attend depuis déjà un quart d’heure, elle est censée nous expliquer ce que l’on va faire, quelles missions nous seraient attribuées. Ce n’est pas un dragon, mais cela doit bien faire environ un quart d’heure que moi je suis parti, soit une demi-heure environ qu’elle, Sandra et les jumeaux nous attendent. Dragon ou non, elle doit être assez énervée.

Samuel et Iris s’échangèrent un regard avant d’avancer.

Tu n’aurais pas pu nous prévenir plus tôt ! lança la plus intelligente des surdoués en sortant.

Et ne t’inquiète pas, on en reparlera de cette histoire de coup de poing, je ne te lâcherais pas sur cela avant de savoir toute l’histoire au complet avec toute vérité et seulement la vérité, ajouta Samuel.

Lilian resta appuyé sur le mur en attendant que Peter lui emboîte le pas à son tour.

Elle va te tuer de ne pas les avoir ramenés plus tôt, fit remarquer le surdoué.

Pourquoi tout le monde croit que c’est toujours de ma faute !

Lilian ricana avant de sortir quand Peter se décida enfin à partir. Le bureau de la vieille dame était quasiment à l’opposé de la salle de sport, pour ne pas se faire encore plus disputer par la cheffe, ils se mirent à courir dans les couloirs en essayant de ne pas bousculer les agents qui y marchaient ou discutaient. Ils n’avaient pas le temps de s’excuser au passage. Iris trépignait d’impatience. Même si cela ne faisait que quelques heures, la jeune surdouée avait l’impression que des jours s’étaient écoulés. Pire… Elle avait l’impression qu’elle ne servait à rien depuis une éternité. L’adolescente voulait bouger, passer à l’action et non se terrer dans un bâtiment où elle était sûre qu’ils ne viendraient pas les chercher. Qui penserait tout de suite à vérifier les vieux bâtiments désaffectés servant aux squatteurs dans les quartiers pas très fréquentables ? Les conseillers commenceraient déjà par éviter d’envoyer leurs effectifs là-bas, sauf s’ils les avaient vraiment repérés. Iris ne prit même pas la peine de toquer à la porte et l’ouvrit directement. Il y avait plus de chaises que d’habitude et Mme. Keys se tenait assise, les mains entrelacées sous son menton.

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