La Rencontre

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Chapitre 1 - La Rencontre (1)

“Je me souviens qu'au début on est toujours heureux.

On baigne dans un océan de bonheur. Des vagues d'émotions

Qui finissent par nous ramener sur le rivage."


“C’était fou hein ? complètement fou !

  • Un super moment c’est sûr !”

La débandade de la foule qui, aussi épuisée qu’eux, s’étalait dans tous les sens. Peu à peu, la plaine du festival se dévoilait. Ce qui avait été du sable trois jours auparavant, au début de l’événement, n’était plus qu’un amas retourné de terre sur lequel des milliers de personnes avaient marché, sauté et écrasé verres en plastiques, mégots de cigarette, joints entre autres choses. C’était la fin, la scène éclairait tout comme les immenses projecteurs du centre de la plaine, toute l’étendue de l'hippodrome. Des milliers de personnes formaient peu à peu une seule et unique ligne vers l’arche de la sortie.

“J’ai toujours détesté la fin.”

Elle parlait avec une telle déception, une sorte de tristesse mais toujours mêlée aux substances qu’elle avait prises. Miko sourit, regardant la foule dans la nuit éclairée par les projecteurs.

“La fin ?

  • Oui...la fin des festivals, des concerts. Et pas que.
  • Toutes les bonnes choses doivent finir. C’est ainsi.
  • Mais quelle philosophie !
  • Merci, merci."

La jeune femme marchait de manière las, et regardait Miko, interloquée.

“Je t’ai dit mon nom mais tu n’as pas demandé le mien.

  • C’est obligatoire ?
  • Comment ça ?
  • Pour passer un bon moment ? Le nom, c’est obligatoire ?
  • La politesse voyons !
  • Ha, alors dis-moi, comment tu t’appelles ?
  • Elise, merci de demander.”

Miko pouffa de rire. Elise souriait.

“C’est pas dingue ?

  • De m’avoir rencontré ? Oui oui j’avoue, mais tu sais on se fait à tout !
  • Ha, tu le fais à toutes les nanas que tu rencontres ça ?
  • Touché…
  • Non, sérieusement. C’est pas dingue d’être tous là pour la même chose ?
  • Je te l'accorde, c’est fou. L’énergie qu’on y met tous. L’énergie qu’on met à vouloir écouter de la musique à ce point.
  • Il s’agit de plus que ça je pense. L’envie de sentir, de ressentir la musique. On peut tous s’exprimer honnêtement ici. Et ça c’est unique.
  • Tu parles comme une artiste. Comme quelqu’un qui pourrait se produire ici.
  • Il faut du talent pour ça, haha…
  • Et quel talent as-tu alors ma chère Elise ?”

Elle n’hésita pas. Même dans son état, la jeune femme de vingt deux ans n’hésita pas, du haut de sa petite taille et de ce petit corps que Miko aurait voulu saisir sous le bras. Sûre d’elle elle répondit :

“Je m’exprime.”

Miko, désarçonné :

"Tous les artistes s’expriment, ça veut dire quoi ?

  • Mon truc, c’est l’art.
  • Arrête de faire ton Andy Warhol et dis moi ce que tu fais.
  • La peinture, si je devais réellement choisir. Le dessin aussi mais, c’est tellement varié, j'écris aussi parfois, à mes heures perdues. Pour moi il n’existe aucune limite tu vois ? L’art c’est juste le moyen qu’on a, tous, nous autres envahisseurs de festivals, de s’exprimer malgré tout ce qui peut arriver dans nos vies ou autour de nous, on peut s’exprimer par l’art. C’est comme la voix : juste un autre moyen.
  • Waouh, ça alors.
  • Comme tu dis. Mais si tu mets les pieds dans un festival, avec le genre de musique qui nous a fait autant plané que ce soir, tu ne dois pas être si différent, non ?”

Miko réfléchit, alors qu’ils passèrent l’arche du festival, ils commencèrent l’ascension de la pente pour en sortir.

“Moi j’aimerais être un de ces types qu’on a vu ce soir tu vois ?

  • C’est-à-dire ? Un fan drogué qui monte sur les épaules des beaux garçons ?
  • Touché ! Subtil…”

Elise lui sourit.

“Disons que j’aimerais pouvoir chanter à un festival, jouer d’un instrument et faire kiffer un million de gens. Mais mon art est différent, pour le coup.”

Ce feu dans le regard. Cela aussi Elise le remarqua.

“Bon accouche, dis-moi ce que tu fais !

  • Ha, pour ça il faut lever la tête mam’zelle.
  • Comment ça ?”

Il levait le regard avec un sourire. Elle fit de même après l’avoir observé.

“Quoi ? le ciel ?

  • On a trop l’habitude que tout soit au-dessus de nos têtes qu’on ne remarque plus rien. Moi, entre deux festivals, j’observe le ciel.
  • C’est ça ton truc ? et ça paie ? Haha.
  • Autant que la peinture !
  • Touché !
  • Disons que je viens de terminer mes études d’astronomie. J’ai déjà un tuyau pour un poste au centre de la NASA qui se construit en Normandie.
  • La vache c’est du sérieux !
  • Je veux juste avoir ma spécialité : l’écoute.
  • Ça a l’air cool ! Tu veux écouter le ciel ? C’est pas rien.
  • Dis ça pour toi, moi je serais incapable de dessiner, encore moins peindre. M’exprimer par l’art comme tu dis. La science, c’est mon art.
  • Tu te trompes, je suis persuadé que j’arriverais à te faire sortir au moins un petit croquis de cette tête de scientifique.
  • Pour ça il faudrait qu’on se revoit alors.”

Il avait sorti cela comme une évidence. Après tout, n’avait-il pas envie de la revoir ? Alors il fallait faire le nécessaire. Elle était si belle, si adorable. Amusée, elle détourna le regard. Rougissait-elle ?

“Très juste.

  • Tu rentres par où ?
  • Direction le deuxième arrondissement pour moi. Je suis en coloc. Et toi ?
  • En coloc aussi du côté du dixième. Tiens, viens voir.”

Il la prit par la main, pour la mener sur le côté, hors de la foule. Ils étaient montés en haut de la pente, et au-delà, un chemin de terre les menait droit vers la sortie.

“C’est pas magnifique ?”

L’étendue de la plaine du festival s’étirait sur des hectares. Ils avaient passé trois jours ici sans même se croiser, et s’étaient trouvé ici, devant la scène principale au milieu de la foule. Les arbres surplombait l’emplacement. Une vue imprenable.

“Tu as raison.

  • Je fais toujours ça en sortant des concerts, des festivals. C’est important de visualiser ce que tu quittes.
  • C’est triste.
  • Mais non, pourquoi être triste ? Dis-toi que tout reste là-dedans...et là surtout.”

Il avait touché la tête d’Elise puis toucha son cœur. Ce simple contact, la regardant droit dans les yeux leur apporta le même frisson. Là, le long du dos, ce frisson était puissant. D’un air qu’elle trouva idiot par la suite, elle ajouta :

“Oui...surtout là…”

Et les deux restèrent ainsi se fixant dans les yeux. Étrange car aucun d’eux ne savait réellement ce que pensait l’autre pourtant, ils le ressentaient. Cet effet devait être l’amour, ou simplement l’affection. Elle regardait ses cheveux mi-longs, bouclés, un teint mat, presque noir à cause du soleil du mois d’Août qui avait crâmé le festival. Des yeux clairs, presque gris. Sa chemise hippie de toutes les couleurs, manches courtes, laissait dépasser des bras minces mais secs, musclés, forts. Une certaine carrure également ; la même qui avait soulevé Elise dans la foule après tout. Des épaules rondes et un torse...un torse qui lui donnait envie d’en voir plus, éclairé par les astres étincelants, là-haut. Plus bas, les muscles abdominaux lui donnaient chaud. Elle avait la sensation de n’être plus qu’une ado. Une ado qui tombait sur sa première histoire d’été. Il était si beau qu’il devait faire le coup à toutes les nanas de festivals celui-là…

Et lui. Il se fondait dans ses yeux verts clairs, ses cheveux moins bouclés que les siens, courts, collaient légèrement sur sa nuque. Un détail qu’il retenait. Elle était si belle. Il avait remarqué quelques taches de rousseur sur ses pommettes. Et quel sourire. L’affection qu’il avait déjà pour elle, il ne fallait pas s’y attacher se dit-il. Tout allait vite à cet âge, il le savait. Peut-être qu’elle faisait le coup à un tas de type qu’elle avait déjà rencontré en festival, tiens... D’ailleurs il ne savait pas quel âge elle pouvait bien avoir. Lui, du haut de ses vingt-deux, ne pouvait s’empêcher de s’imaginer la prendre sous son aile.

“Bon...c’est pas tout ça mais faut rentrer maintenant…”

Elise avait brisé l’instant. Les deux se sourirent mutuellement. Aucun doute, quelque chose se tramait. L’am…? Non. Elle ne devait pas tomber là-dedans. Elle s’attachait toujours trop vite et les dégâts étaient toujours terribles.

"Ça te dérange si je t’accompagne ? Paris à cette heure-ci c’est pas top.

  • Du tout je t’en prie. Ça ira pour rentrer chez toi ensuite ?
  • Oui t’en fais pas, je veux juste m’assurer que tu rentres bien.
  • Avec plaisir !”

Ils poursuivirent leur route, laissant derrière eux la plaine du festival, le lieu de leur première rencontre.

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