Chapitre 11

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La chambre d’Hector et Cathy était luxueux et baigné de nuances de blanc et de noir, offrant un espace généreux. Une vaste buanderie blanche voisine une grande salle de douche et de bain. Une lumière tamisée éclairait la pièce. Cette nuit-là, Cathy manipulait son téléphone tandis qu’Hector feuilletait un livre de développement personnel. L’esprit de Cathy était ailleurs, traversé par de nombreuses idées. Après une pause, elle observa son mari, hésita un instant, puis prit la décision de briser le silence en allumant la lumière.

– Chéri, il faut que l’on parle, s’il te plaît.

Hector la fixa avant d’acquiescer.

– C’est à propos de quoi ?

– Emma m’a informée de l’incident avec Nathalie.

– Hum, je vois.

– Écoute, je comprends qu’elles aient commis une erreur, et je ne suis pas d’accord avec leur comportement, mais je pense que tu as été un peu trop sévère avec elles. Nathalie n’est peut-être pas le modèle parfait pour Emma, mais depuis qu’elle est entrée dans sa vie, on doit reconnaître qu’Emma s’épanouit. Elle rayonne et s'exprime mieux. Je crois qu'on devrait lui donner une chance.

– Hum, aucun changement d'avis de ma part. Cette fille est un exemple néfaste pour ma fille, et je refuse catégoriquement qu'elles traînent ensemble.

– Franchement, je ne comprends pas. Qu'est-ce qu'elle t'a fait, cette fille ? Au début, je ne la portais pas dans mon cœur. Je t'en ai parlé, et c'est toi-même qui m'as persuadée de lui donner une chance. Pourquoi cette volte-face soudaine ? Juste parce qu'elles ont bu de l'alcool ? Ou y a-t-il quelque chose d'autre que tu me caches ?

– Je ne te cache absolument rien, Cathy. Je ne cherche qu'à protéger notre fille. Inutile d'argumenter, je ne changerai pas d'avis. Bravo, tu as gagné. Je n'ai plus le goût de lire maintenant.

– Tu t'en vas où cette nuit ?

– Je sors !

– Hector, reviens ici. On n'a pas fini notre discussion.

Elle appela son mari en vain. Choquée, c'était la première fois qu'il adoptait une telle attitude, lui qui avait toujours été doux et compréhensif. Sa réaction était anormale, déchirant son cœur. En larmes, elle tenta de le joindre, mais il ne répondit pas. Sous le coup de la colère, elle projeta son téléphone sur le lit, se leva, déambula sur la petite terrasse, saisit un verre de whisky, et se perdit dans ses pensées.

De son côté, Nathalie résistait encore au sommeil. Elle s’était apprêtée avec minutie, enveloppant sa silhouette d’une lingerie séduisante sous sa robe de chambre. Ses cheveux étaient soigneusement coiffés, et sa bouche ourlée d’un rouge à lèvres écarlate. Sur son guéridon, une bouteille de vin et deux verres attendaient, tandis qu’une table était parée d’un dîner méticuleusement préparé pour son invité et elle-même. Postée près de la fenêtre, elle guettait l’arrivée imminente de son rendez-vous, et bientôt une voiture se glissa devant l’appartement. Un homme en descendit. C’était Hector. Il s’approcha, et Nathalie arbora un sourire malicieux. Hector toqua légèrement à la porte d’entrée, et Nathalie sortit pour l’accueillir.

– Bonsoir, mon amour. Viens , entre. Je t’attendais justement.

– Faudrait que tu évites de m’appeler ainsi.

– Mais entre nous, c’est différent.

– Si tu le dis.

– Mais oulalah, je te sens sous les nerfs.

– Je le suis. Je me suis disputé avec ma femme à cause de toi. Tu t’en rends compte ?

– Bah, ça fait rien. Oublie-la un peu, ta femme, et concentre-toi sur moi, veux-tu ?

– Et si elle se doutait de quelque chose ?

Elle le fit asseoir, servit le vin et prit place à côté de lui. Attrapant son visage entre ses mains, elle l’obligea à la regarder.

– Écoute-moi, chéri. Tu me détestes. Elle ne se doutera de rien, rassure-toi. On suit mon plan à la lettre, et tout se passera bien. D’accord ? Et si on arrêtait un moment de parler d’elle. Hum, je veux que tu sois détendu. Je nous ai préparé un somptueux dîner.

– Je n’ai pas très faim.

– Quel dommage, et moi qui m'étais donné la peine de te faire plaisir. Néanmoins, passons aux choses sérieuses. Hum, ton parfum, il me rend folle, mon amour.

Ils s'embrassèrent langoureusement, elle le déshabilla avec une passion palpable,  et ils firent l’amour tous les deux sur le canapé.

Le lendemain, Hector s'éveilla en sursaut sur le canapé. Les aiguilles du temps avaient fui, le laissant en retard pour le boulot. Il saisit son téléphone et constata plusieurs appels manqués de sa femme.  « Oh mince, Cathy! » s'exclama-t-il. Se levant précipitamment, il se rhabilla, interrompu par Nathalie qui apportait depuis la cuisine un plateau d'œufs et du thé.

–Bonjour, mon amour. Tu n'attends pas pour déjeuner?

 –Pourquoi ne m'as-tu pas réveillé, Nat? Il faut que j'y aille.

–Tu étais si fatigué, mon chou. Je n'allais pas quand même te déranger. Tu parais trop mignon quand tu dors.

–C'est... Ça. J'y vais, je suis en retard.

–Attends.

Elle ajusta sa tenue avec élégance et l'embrassa tendrement.

–Voilà qui est mieux. Bonne journée, mon amour.

–Bonne journée à toi également.

Il s'élança hors de la demeure, mettant la voiture en marche avec une hâte palpable. Nathalie l'observa brièvement, referma la porte derrière lui, puis se précipita pour saisir son téléphone. Ses doigts composèrent un numéro.

–Salut. Il vient de partir.

–Ça s’est bien passé ?

–Ouais, le crétin ne se doute de rien. Qu’est-ce qu'il me dégoûte, celui-là. Je ne sais pas jusqu’à quand ça va durer, mais je ne le supporte plus. Je le déteste de tout mon cœur.

–Je comprends, mon amour. Mais on doit le faire, d’accord ? Il a anéanti nos vies, et on doit lui rendre la monnaie de sa pièce. On y est presque.

–Tu passes quand ?

–Dans une heure. J’ai quelque chose à régler au travail. Je te reviens bientôt. Je t’aime.

–Moi aussi.

Elle raccrocha, se leva, et se mit à réorganiser le canapé. Pendant ce temps, Hector était retourné chez lui et ne trouva que madame Spencer en train de faire le ménage. Aucune trace de Cathy ni des enfants. Ils étaient déjà partis au travail. Il s'offrit une douche rapide, s'habilla de son costume impeccable, puis tenta d'appeler sa femme en vain.
Laissant un message sur son répondeur, il articula avec précaution :  « Chérie, je suis désolé pour hier. J’espère que tout s’arrangera. On se voit ce soir. Bisous. Je t’aime. » Par la suite, il se dirigea vers le bureau, l'esprit préoccupé.

Au lycée, une atmosphère tendue et chargée de murmures régnait. Le choc et l'abattement étaient palpables. Emma, récemment arrivée, sentit son cœur battre, peu habituée à cette tension. S'approchant de ses camarades, elle chercha à comprendre la situation, mais la tragédie éclata. Le corps d'Eva avait été découvert dans la mer. La police avait déployé ses ressources à l'université. Madame Jenner, bouleversée, prit la décision de suspendre les cours pour la journée. Aucune trace de Nathalie non plus, accentuant le mystère qui enveloppait déjà l'air lourd de la journée.

Madame Jenner rassembla solennellement les élèves dans le hall, entourée de certains inspecteurs.

« Bonjour chers élèves. Aujourd’hui n'est pas une journée ordinaire. C'est une journée sombre où le malheur s'est abattu sur notre prestigieux collège de l’East River Academy. Comme vous le savez déjà, l'une de vos camarades bien connue, Eva Vitelli, a été retrouvée noyée. Les officiers présents indiquent qu'elle se serait suicidée. Au nom de l'établissement, je présente toutes mes condoléances à sa famille et à vous, ses amis. Nous aurons l'occasion de discuter du suicide, une option qui n'est en aucun cas la solution. Je tiens à vous rappeler qu'il y a de nombreuses personnes dans l'administration prêtes à vous écouter pour n'importe quel problème, moi en premier lieu. Les officiers auront des questions à poser à ses camarades de classe. Les autres peuvent disposer. Il n’y aura pas cours aujourd’hui. Encore une fois, toutes mes condoléances. »

Quelle tragédie ! Les élèves se dispersèrent, et Emma fut convoquée par les officiers pour répondre à quelques questions. Ses mains tremblaient alors qu'on la faisait asseoir sur une chaise dans une salle de classe. D'autres élèves subissaient le même sort, à l'exception de Nathalie qui n'était toujours pas présente. Les inquiétudes d'Emma grandissaient pour elle.

–Bonjour Emma, c’est bien ça ?

–Oui, madame.

–Nous avons quelques questions à te poser.

–On nous a rapporté que tu étais proche d’Eva.

–Pas vraiment. Euh, on était dans la même salle. On a été amies avant, certes, mais plus maintenant.

–Et pourquoi ?

–Rien de particulier. On a grandi, et nos centres d’intérêt ont divergé. C’est tout. Rien de vraiment spécial. Je suis vraiment bouleversée par ce qui lui est arrivé. Eva, malgré son caractère fort, était vraiment quelqu’un de bien. Le fait qu'elle se soit suicidée suggère qu’elle portait de profondes blessures en elle, mais elle n'en a parlé à personne et a préféré commettre le pire… et ça me fait vraiment mal. N’importe qui aurait pu être à sa place, même moi.

–Oui, en effet. Ça a dû être difficile pour elle. Bien, nous pensons qu'il y a plus de questions à poser. Merci, Emma, pour tes réponses, et encore une fois, mes sincères condoléances.

–Je… Je vous en prie.

Elle serra la main des officiers, prit un papier, se moucha. En sortant de l’école, elle appela Nathalie et tomba sur son répondeur.

–Nath, où es-tu ? Je m’inquiète pour toi. Tu ne vas pas croire ce qui vient d’arriver. Eva est morte. Elle s’est suicidée. Il faut que tu reviennes tout de suite au lycée. C’est urgent. Bye.

Emma s'effondra sur l’herbe du jardin de l’établissement, laissant libre cours à ses larmes qui coulaient sur son visage, emportée par le tourbillon d'émotions.

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