Après la mort

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- Thomas ?" ai-je grogné après avoir ouvert les yeux sur un de mes ex, penché sur moi.

- Enfin éveillé, le beau au bois dormant ?

- Mais qu’est-ce que je fous ici ? C’est chez toi ? Et c’est qui, là, devant la télé ?

- Ben, je sais pas de qui tu parles, mais on est chez toi… et chez moi, en fait.

- Déjà, c’est pas mon appart’, il y a juste le même orange aux murs, mais sinon…

- Ah ? Pour moi, ils sont blancs, mais c’est logique, tes murs orange pornhub, je ne me rappelais plus de ce détail trop flashy, t’as toujours eu un goût de chiotte pour la déco, pas de raison que ça ait changé après ta… après ton déménagement, disons. Mais je te confirme que c’est bien ton nouveau chez-toi. Tu te rappelles comment c’est arrivé ?

- Comment quoi est arrivé ? Hey, mais là, le petit blond devant l’écran, c’est Nicolas qui joue à la console ! Sauf que c’est pas possible, il s’est crashé en scooter il y a deux ans… en venant chez moi, en plus, raison pour laquelle sa mère m’avait interdit d’assister aux funérailles… 'Tu as perverti mon fils, il est mort à cause de toi, et gnagnagna'. Pauvre co… Euh… Pauvre mère éplorée, je veux dire.

- Le petit Nicolas, je me souviens de lui. Sauf qu’on a tous le même appart’, mais en plus de la déco différente, pour moi, là, devant l’écran, c’est monsieur Grognard, mon prof de maths de seconde, qui s’endort devant un reportage de NatGeo. Et qui m’avait promis la moyenne si j’étais… trèèès gentil avec lui. Un gros pédo, ouais, mais c’était ça ou flinguer mon année… Sinon, tu te demandes toujours pas ce que je fais ici, j’imagine ?

- Je comprends que pouic, mec.

- Mec ? Holaaa, après tout ce qu’on a vécu, ça fait mal, mais en même temps, ça m’étonne pas trop de toi, Jérémie, tu séduis, tu utilises, tu bennes… Loin des yeux, loin du cœur, rien à foutre de rien ni de personne, hein ? Aussi, c’est un peu logique que tu n’aies pas su que…

- Que quoi ? Que… tu es mort, toi aussi ?" ai-je glapi "Mais quand, et comment ?"

- L’année dernière, vingt-cinq ans, tellement au fond du placard que j’avais un pied à Narnia, un peu pathétique, quoi. Alors je suis retourné à Limoges sans le dire à personne pour faire mon CO à mon géniteur, et ça n’a pas vraiment été l’idée du siècle. Avec le presse-papier que je lui avais ramené de voyage scolaire au collège, en plus ! Au deuxième coup, je l’ai supplié d’appeler les secours, j’ai eu le temps de l’entendre grogner un truc sur un trou dans le sol sous le plancher de la remise, et sbarf ! Je n’ai surement pas eu de nécrologie, mais t’façon, t’es pas du genre à les lire, si ?

- Mais ça n’explique pas pourquoi je suis ici, avec deux fantômes ?

- Parce que… Paaarce queee… Même toi dont le cerveau n’est pas l’organe que tu aies le plus utilisé, tu devrais y arriver’’ s’est-il moqué.

- Parce que… je suis mort, moi aussi ?

- Bingo, mec !

- Mais je ne me souviens de rien !" ai-je gémi.

- Bah, moi, j’ai vu ma mort arriver, la tienne a dû être soudaine. Comme pour le petit Nicolas qui n’a probablement pas eu le temps de réaliser qu’il se prenait un tracteur dans la figure, et il semble être à fond dans Neverwinter, mais il te demandera les circonstances dès qu’il réalisera que tu l’as rejoint dans son appart’… Où, sachant sa timidité et sa retenue, il devait être seul avant ton arrivée ici, ça va lui faire plaisir. Enfin, un peu, quoi.

- Mais, et moi, comment je pourrais savoir ?

- Juste attendre que la prochaine victime d’un certain serial fucker se pointe ici et donne des détails, en espérant qu’il soit moins sale con que toi, et qu’il s’en soit inquiété, lui.

- Merci, sympa ! Donc, quand on meurt, on se retrouve avec… ses ex ?

- Plutôt tous ceux avec qui on a simplement couché, apparemment, mais ouais, et sauf qu’on est chacun avec les siens, mais aussi, et en même temps dans cinq, dix, cent… autres réalités virtuelles parallèles en fonction du nombre de personnes avec qui…

- Ça va pas être simple à gérer" ai-je admis, après un rapide décompte. "Mais je ne vois que cet espace-ci, alors que…"

- Ça va, inutile d'encore la ramener sur tes stats, hein ! Alors, ouais, il y a parfois un peu de lag, j’ai remarqué, il n’y a probablement plus eu d’update depuis des milliers d’années, et du coup, l’appli 'afterlife' peut mettre un certain temps à implémenter tous tes modules. Aussi, le temps, ici, c’est flou, mais c’est genre, le père Grognard, il estime qu’en temps… humain… vivant, ça a mis plusieurs jours avant qu’il se retrouve aussi dans celui de potes morts du HIV dans les années ’80, et qui lui reprochent tous les jours de leur avoir survécu plus de trente ans. Passer un temps indéterminé entouré de vieilles folles rancunières, je préfère pour lui que pour moi, hein. Note qu’avec ta réputation de baiseur égoïste et insouciant, tu n’as pas dû laisser que des mecs satisfaits d’avoir croisé ton chemin… Mais pour répondre à ta question, toi, je peux pas dire, pour ce que ça vaut ici, un jour, un an… patience, mec.

- C’est looong…

- C’est ce que tu m’as dit la première fois, si tu te souviens" a-t-il soufflé avec une grimace faussement lubrique "Mais c’est un peu le principe d’éternité."

- Alors, c’est ça, le paradis ?

- Qui a parlé de paradis ?" a-t-il soufflé, le sourire en biais et un sourcil relevé.

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