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6 minutes de lecture

Nouveau chapitre. Bon, ça met un peu plus de temps, mais j'ai repris le boulot. Bonne lecture.

— N… Non ! bafouillé-je.

Les joues en feu, probablement rouges comme une tomate, je fais une piètre menteuse.

— Ah oui ? relève-t-il, menaçant, dans une expression qui, à elle seule, me file la chair de poule.

— Vous avez raison, seulement, je ne voulais pas, je…

Un raclement de gorge me faire sursauter. Mais lorsqu’il reprend, un air grave plaqué sur ses pommettes saillantes, mon cœur se met à battre le tempo dans mes tempes.

— Alors, on a un problème. Je ne sais pas ce que je vais décider de faire.

— C… Comment ça ? murmuré-je, tremblante de panique.

— En fait, poursuit-il, ses prunelles inquiétantes toujours plongées dans les miennes, il n’y a que deux solutions : soit je te fais disparaitre, soit j’accepte de fermer les yeux.

Oh non ! Tout, mais pas ça ! Je ne mérite pas de mourir pour si peu. La terreur m’envahit. Je ressens comme un courant glacial qui me percute la poitrine. Les battements de mon cœur viennent d’atteindre la zone rouge. Cette fois, mes jambes ont définitivement décidé de se mettre en grève. Impassible, il reste figé dans cette expression effrayante. Suspendu à ses lèvres qui semblent réfléchir à ma sentence, je ne peux m’empêcher de penser que je ne reverrais plus jamais ma petite fille.

— À moins que…

Hein ? À moins que, quoi ? Une lueur d’espoir éclaircit mes perspectives. Scrutant mes réactions, il marque une courte pause.

— À moins que… Je t’emmène avec moi…

Pardon ? La surprise peinte sur le visage, j’ai du mal à affronter ses yeux billant comme une arme blanche.

— Je vous jure que je ne donnerai pas votre signalement, le supplié-je, de crainte qu’il ne me kidnappe encore plus longtemps.

— Et qu’est-ce qui me prouve qu’une fois libérée tu ne me dénonceras pas ?

— J’ai une dette envers vous, m’empressé-je de lui rappeler avec le peu de self-control qu’il me reste, cette nuit, vous m’avez sauvé et je ne l’oublierai jamais !

J’ai beau étudier ses réactions, il ne laisse rien transparaître. Son mutisme me tut à petit feu. Je ne me suis jamais sentie aussi fragile qu’en cet instant.

— Bon, reprend-il dans un soupir, j’ai envie de te faire confiance, ajoute-t-il en s’approchant de la porte.

Avant de l’ouvrir, il se retourne et me fait face. Mon souffle se coupe.

— Demain, dans la nuit, on change de camp. Plus de deux jours au même endroit ce n’est pas prudent.

Sur le coup, je me fais la réflexion que je m’en tape royalement. Pourtant, quand le souvenir de la vieille camionnette sombre et exiguë se rappelle à moi, je réagis.

— Comment allez-vous me transférer ? m’empressé-je de m’informer.

— Je crains que l’on n’ait pas beaucoup le choix… répond-il en me voyant défaillir. Le trente-huit tonnes n’est plus là.

— Quoi ? Non, non, non, non… Je ne veux pas retourner à l’arrière de la fourgonnette ! le supplié-je en me levant pour me rapprocher de lui. J’ai cru que j’allais en crever, hier. Je vous en prie, trouvé autre chose…

Un soupir lui échappe.

— Je vais y réfléchir, décrète-t-il alors qu’il sort définitivement, visiblement insensible à ma demande.

À nouveau seule dans ma cave humide, les idées noires tournent en boucle dans mon esprit. Rapidement désœuvrée, je suis contrainte de succomber à l’unique activité m’étant proposée : somnoler sur le matelas crasseux. Une demi-heure plus tard, je suis surprise de le voir réapparaître sans son masque, un plateau à la main. De prime abord, j’ai un peu peur. Mais je comprends aussitôt qu’il n’a plus la moindre raison de se cacher.

Silencieux, il pose sa charge devant moi, à même le sol. Et alors que je pensais repartir, il va s’asseoir contre un mur. Somnolente, je me redresse maladroitement, puis jette un bref coup d’œil à mon repas. Y a pas à dire, sauf si le petit truand a pris des leçons de rattrapage express de cuisine, je suis prête à parier que ce n’est pas lui qui me l’a concocté.

Souriante, je relève la tête en direction de l’homme ténébreux qui me fait face. Il n’a pas bougé, se contentant de me fixer, silencieux. Va-t-il rester ici à me regarder manger ? Honnêtement, c’en est presque flippant ! Je me sens comme le Roi-Soleil devant sa cour. Sauf que moi, ma cour se limite à un braqueur de banque.

J’ai du mal à m’alimenter en sa présence tant ce type m’impressionne. La bienveillance dont il fait part depuis hier, ajoutée à sa façon de me scruter à longueur de temps comme s’il me voyait à poil, ne m’aide pas franchement à prendre du recul. Cette sensation me dérange. La honte de mes propres pensées me percute lorsque mes iris croisent les siens. À croire que je suis devenue complètement barge ! Parce qu’autant être clair, rien en lui n’est rassurant, absolument rien ! Seulement, il y a des choses qui ne s’expliquent pas, comme mon cœur qui s’emballe et mes yeux qui raffolent de son image.

L’ambiance me semble lourde, chargée d’électricité… Ni lui ni moi ne décrochons la moindre parole et je n’ose plus relever la tête, de crainte de me retrouver face à ce regard ombrageux.

— C’était quand même meilleur qu’hier, non ? s’empresse-t-il de me demander, à peine la dernière bouchée avalée.

— Oui, c’était même très bon.

— C’est moi qui ai cuisiné vu la merde qu’on t’a servie, rétorque-t-il souriant.

— Merci. Je n’aurais pas survécu à sa cuisine, enfin si on peut qualifier ce truc de cuisine ! lancé-je dans un petit rire nerveux.

La situation m’apparaît quelque peu surnaturelle. Je suis là, assise sur mon lit d’infortune, à discuter paisiblement, presque comme je le ferais avec un pote, avec celui qui me garde en captivité. Je ne peux m’empêcher de culpabiliser de me sentir aussi bien en sa compagnie. Seulement, il est si courtois, si poli, que j’en arrive même, pas moment, à oublier la réalité de notre relation.

— Pourquoi es-tu seule avec ta fille ?

Ça va trop loin…

— Excusez-moi, mais je pense que cela ne vous regarde pas, rétorqué-je, à nouveau sur la défensive.

— T’as raison, se reprend-il aussitôt en se saisissant de mon plateau vide. Désolé, c’était totalement déplacé.

Gêné, il s’éloigne avec les restes de mon déjeuner, quand je le rappelle, poussée par un besoin insensé de lui répondre malgré ma réplique cinglante.

— Son père s’est sauvé quand il a appris que j’étais enceinte.

— Il ne voulait pas d’enfants ? m’interroge-t-il en se retournant pour me fixer dans les yeux.

— Pourtant, si…

— Ça me débecte ces types qui n’assument pas, affirme-t-il sur un ton trahissant un réel mépris.

— Finalement, il m’a rendu service…

Me rendant compte de la portée de ma confession, je me tais avant de lui déclarer :

— Je ne comprends pas pourquoi je vous raconte tout ça…

— Certainement parce que je t’écoute. Ça doit te faire du bien de parler d’elle.

— Je ne sais pas. Je… Je ne crois pas que ce soit une bonne idée de copiner tous les deux. C’est ambigu comme situation…

— T’as probablement raison. Seulement, j’aime bien ta compagnie, se confie-t-il à son tour en se grattant la tête, dépité, d’ailleurs, je peux t’assurer que je suis le premier surpris. Tu me dis ce que tu penses en étant franche. Ce n’est pas souvent que ça m’arrive. Tu es très courageuse…

— Courageuse ? Faut le dire vite. Si vous me connaissiez, vous sauriez que je suis une véritable trouillarde…

— Moi, je ne trouve pas. Je dirais même que tu as du cran. Au fait, je m’appelle Sunny.

— Je le savais, avoué-je en baissant le regard. J’ai entendu vos potes parler de vous cette nuit.

— Ce ne sont pas mes potes. Mais en tout cas, bravo. Ta franchise t’honore ! conclut-il avant de quitter la pièce, un sourire satisfait plaqué sur sa gueule d’ange.

Une fois mes émotions retombées, je m’allonge sur le matelas et ne mets pas longtemps à m’assoupir…

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