On se fait un FIFA?

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C’était un samedi après-midi pluvieux. Mon projet était d’aller en ville afin de faire un peu de shopping pour décorer les murs encore blancs de mon nouvel appartement. Malheureusement, les trombes d’eau m’ont poussée à procrastiner et j’ai tenté de me convaincre que le sale temps me permettrait d’avancer dans la relecture de mon roman.

 

Que nenni.

 

La Xbox et le Live ont eu raison de moi. Et surtout, Je devais monter en ligue sur le Xbox-Live. Il était hors de question que je reste en bas de tableau alors que… alors que bon, voilà il fallait quand même que je gravisse les échelons, comprenez-vous ? Non ? Ce n’est pas grave. Moi je me comprends. C’est l’essentiel.  

 

Enfin bref, j’étais en train de monter en ligue 6 lorsque quelqu’un sonna à la porte. Je mis le jeu en pause et me dirigeai vers l’interphone :

  

« Oui ? »

« Hi Malao ! C’est Medi. Il faut qu’on parle. »

« Medi ? Medi qui ? »

« Si je devais répondre comme tu m’as décrit, je dirai Medi Ta Mère, mais ce n’est pas très approprié. »

« Comme je t’ai décrit ? De quoi tu parles ? En plus « tu » ? On n’a pas élevé les cochons ensemble, hein ? ».

« Va à la fenêtre. Tu comprendras. »

 

Je restai un moment à scruter dubitativement le mur devant moi.

  

Medi. Que j’ai décrit. Je n'en connais pas. Enfin si. Medi est l’un des personnages principaux de mon roman Lueur d’Espoir. Un premier jet que personne n’a encore véritablement lu.

Finalement, je me décidai à aller regarder par la fenêtre de la cuisine et je le vis. Xherdan Shaqiri. Le footballer suisse, qui a joué au FC Bayern, à l’inter Milan et à Stoke City. J’ouvris des yeux ronds comme des boules de billard tandis qu’il leva la tête dans ma direction. Il agita la main, un grand sourire sur son visage.

Je n’en croyais pas mes yeux et me demandai si ma meilleure amie avait organisé une rencontre surprise avec lui dans le cadre d’une caméra cachée. Ah ben non. Je n’avais pas parlé avec elle depuis une paire de semaines et elle s’y connaissait autant en foot que je m’y connaissais en mécanique des fluides.   

 

La sonnerie de l’entrée me sortit de mes pensées et je me dirigeai précipitamment vers la porte. Je décrochai de nouveau le téléphone de l’interphone.

 

« Bon ? Tu m’ouvres ou je reste à me les tremper dehors ? »

 

« Heu, oui, j’ouvre. »

 

J’appuyai sur la petite clé tandis qu’une autre question me traversait l’esprit : « Pourquoi Xherdan Shaqiri parlait français alors qu’il était suisse-allemand… et ne pipait pas un mot de la langue de Molière ? »

 

J’ouvris la porte de l’appartement et découvris un Xherdan trempé jusqu’aux os sur mon perron. Il portait juste une parka grise et noire Nike, un jean et des baskets montantes Nike. Le sponsoring le suivait jusqu'au bout.

Me retenant de ne pas m’exciter comme une groupie hystérique, je lui fis signe d’attendre deux secondes et allai chercher une serpillère et une serviette dans la salle de bain. Quand je revins, il retira ses baskets, les laissant dans l’entrée et se sécha les cheveux.

 

Il était petit et baraqué. Une vraie boule de muscle. Impressionnant.

 

Il me tendit la serviette légèrement humide. Ne sachant pas quoi faire je me dirigeai vers le salon et il me suivit, toujours en souriant. Visiblement il avait l'air très heureux d’être là.

 

Je lui indiquai poliment le canapé. Son regard se posa immédiatement sur l’écran FIFA en pause. Il eut un petit rire et se tourna vers moi, tout en s’asseyant :

 

« FIFA vraiment ? Tu ne penses pas que ton roman a besoin d’un petit rafraichissement ? »

« Mais de quoi tu parles depuis tout à l’heure ? Et pourquoi tu parles français ? Aux dernières nouvelles, Xherdan Shaqiri ne parle pas français ! »

« Xherdan Shaqiri ? Je suis Medi Shaqiri. Xherdan est mon deuxième prénom. Et jusqu'à preuve du contraire, je suis français dans ton roman. D’origine Kosovar-Albanaise. Mais né en France. Un bon petit enfant de la République, bien intégré. N’en déplaise à son ancien boss. »

 

Je m’assis lourdement à côté de lui, le regard vide. Un des personnages principaux de mon roman se tenait sur mon canapé.

 

Note pour plus tard : arrêter de se gaver de cochonneries dès 10h du matin.

 

Comme s’il se sentait chez lui Xherdan… je veux dire Medi éteignit la télé.

 

« Bon, Malao, je t’aime bien. Parce qu’avec les autres, grâce à toi on se marre bien et on est soudé. Et j’apprécie de ressembler à Xherdan Shaqiri. Cristiano Ronaldo ou Raphael Varane aurait été optimal, mais bon, je ne vais pas me plaindre. »

 

Je ne savais toujours pas quoi dire. J’avais envie de le toucher juste pour m’assurer de son existence. Mais je ne voulais pas non plus passer pour une psycho.  

N’attendant pas une réaction de ma part, il poursuivit :

« Si je suis là aujourd’hui, c’est pour te forcer à relire ton texte et à le corriger. Dans ton texte, y a encore des coquilles, des parties qui ne sont pas chronologiquement logiques. Ce qui fait que parfois, dans notre vie il y a des bugs. Et cela fait plus d’un an que ca dure… »

« Mais je t’ai envoyé en Suisse à la fin. Pourquoi ca bug ? »

« Parce que pour la suite de ma vie, c’est chaque lecteur qui va décider de mon avenir. Le passé en revanche ne s’efface pas et ca tourne plus ou moins en rond, à moins que tu ne supprimes ton roman. Donc c’est un peu la galère parfois pour gérer les bugs. Nous ne sommes pas autorisés à trop changer le texte. Les coquilles et autres fautes de grammaire et d’ortho, on peut. Mais les erreurs de logiques, on ne peut pas, c’est trop risqué. Tu es la seule à pouvoir décider. »

 

J’acquiesçai silencieusement, sans bouger, comme si tout ceci était normal et n'était pas le résultat d'une propable overdose de chips. Medi sourit et me dit :

« Les autres m’ont envoyé, parce qu’ils savent que je suis le plus pédagogue et le plus calme. L’attitude froide de Vince t’aurait renfrogné. Bakary se serait énervé au quart de tour et Penny… je sais pas trop. Elle aurait été entre la froideur et le sang chaud de Bak je dirai. »

Je ris. Il n’avait pas tort sur ce point. Je finis par lui demander :

« Est-ce que tu es content de ta vie ? Je veux dire dans mon roman. »

« Ouais, plutôt. Ce n’est pas parfait et plutôt mouvementé. Mais au moins c'est assez réaliste et je mûris. Par contre, pourquoi suis-je le seul à terminer célibataire à la fin ? »

J’haussai les épaules un peu gênée. Lui, ne semblait pas vexé, juste curieux de savoir.

« Je ne sais pas. Pour ma défense, Vincent a une copine depuis une éternité. Et les deux autres, c’était écrit. »

« C’est quoi cette excuse ? Tu as écrit le texte et imaginé les persos. Tu ne sors pas tes protagonistes d’un chapeau magique que je sache »

« Non, mais je ne sais pas. Cela me semblait trop artificiel... trop parfait si tous les personnages finissaient en couple à la fin. Je ne voulais pas que l’histoire tourne uniquement autour de cela. Tu aurais voulu être avec Laure ou Penny ? »

« Non ! Laure est… chiante – pour rester poli. Et Penny trop torturée. Je l’adore, mais on n’est pas fait l’un pour l’autre. Je comprends ton point de vue, t’inquiète pas. »

Je souris timidement. J’avais beau l’avoir créé, Medi m’impressionnait. C’était un géni, gentil, mature. Apprécié de tous. Bon sang, et il ressemblait comme deux gouttes d’eau à Xherdan Shaqiri.

La pensée qu’il pouvait finir en couple avec moi me traversa furtivement l’esprit et je me pinçai discrètement l’intérieur du bras pour arrêter mon délire. Je me contentai de sourire bêtement.  

Il ralluma la télé et demanda :

« Tu as une deuxième manette ? »

« Oui. Bien sûr. Mais je pensais que tu voulais que je « débugue » votre vie à vous quatre… »

« Ah tiens, vu qu'on en parle, pense aussi aux perso secondaires. Parfois tu t’emmêles les pinceaux avec les noms, les métiers, les postes au foot. On a un attaquant qui a deux noms différents. Il a des problèmes administratifs à cause de ca. Sans parler de ses trois rôles dans notre équipe de foot. Il est lessivé à la fin de chaque match. »

« Oh ! Je prends note. »

« Bon, je peux t’aider un peu à corriger ton texte, il faut ensuite que je retourne là d’où je viens. Mais avant, on se fait un FIFA. Que je vois à quoi ressemble le jeu sur Xbox, vu qu'apparemment on est des adeptes de la PlayStation. Histoire de comparer, tu comprends.»

 

Je lui tendis la deuxième manette en souriant et on se mit à jouer. Jusqu’à l’heure du diner.

Ah, procrastination, quand tu nous tiens.

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