Chapitre 5

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Un léger coup fit relever la tête de Rosé en direction de la porte. Elle laissa échapper un soupir et lança un bref coup d’œil à sa fenêtre, le soleil s’était déjà incliné face à la lune. Des teintes orangées se peignaient sur le ciel bleu sans nuage.

Elle roula son dernier t-shirt et le fourra dans son sac sans aucun remords. Elle avait réussi à mettre tous ses vêtements à l’intérieur, elle ne rentrerait pas chez elle avant le début de l’hiver. Elle passerait quatre mois à des kilomètres de chez elle et le pire c’est qu’elle devait changer de planète pour aller étudier les mathématiques et la littérature française. Si personne n’en voyait l’importance, elle si. Elle pouvait apprendre les maths à son lycée et suivre les cours du soir pour apprendre pourquoi les plutons vivaient dans des souterrains. Elle n’avait pas envie de changer de planète, rencontrer des inconnus et vivre avec des inconnus. Elle voulait rester ici, aller au lycée quelques kilomètres plus loin, passer ses récréations à parler avec Mili, et surtout, passer le plus grand de son temps à glander dans sa chambre à regarder des séries toutes aussi nulles. Est-ce qu’ils avaient le WI-FI sur Europe ? Elle en doutait grandement. Elle ne savait même pas si Jupiter abritait la vie. Elle avait posé la question à Dylan, mais il lui avait ri au nez et s’était contenté de dire que personne ne voudrait vivre dans une tempête orageuse.

Rosé se laissa tomber sur son sac pour le fermer. La porte de chambre s’ouvrit au même moment. Sa mère se tenait à l’embrasure, fixant un court instant la position de sa fille sur son sac de sport.

— Ce n’est pas comme ça que tu y arriveras, fit-elle remarquer avec un petit sourire. Je vais t’aider.

Rosé secoua la tête.

— Je vais le faire, lâcha-t-elle brutalement.

Rosé regretta aussitôt ses paroles. Toute trace d’amusement quittait déjà le visage fin de sa mère.

— Je suis désolée.

Rosé leva les yeux sur sa mère. Ses longs cheveux longs retombaient sur sa poitrine, ils étaient bien plus soigneux que les siens. Rosé avait toujours adulé la beauté de sa mère, elle était déçue de ne pas lui ressembler davantage. Alors que sa mère portait des traits fins et des yeux verts à couper le souffle qui lui rappelaient le champ en face de sa chambre, Rosé possédait les traits bruts de son père et ses yeux gris orageux. La seule chose qu’elle avait en commun avec elle, c’était la couleur de cheveux. Rien d’autre. Elle n’avait même pas le même caractère, alors que sa mère était douce, elle était brutale. Dylan était celui qui se rapprochait de sa mère par son caractère que par leurs traits identiques. Les mêmes yeux verts comparables à la beauté d’un champ.

Élia referma la porte derrière elle et laissa échapper un soupir.

— Ne t’en prendre pas à moi, commença-t-elle en prenant place sur le lit de Rosé.

Rosé resserra le tissu du sac et le ferma d’un coup sec, elle craignit l’espace d’un instant d’avoir cassé la fermeture.

— Alors je dois m’en prendre à qui ? demanda-t-elle en ouvrant un vieux sac à dos.

— À toi-même, Roséline.

— Et pourquoi ça ?

— Parce que c’est ton devoir en tant que fille Hamner.

Rosé secoua la tête.

— Non, c’est le rôle d’Elsa, lança-t-elle avec dégout, je ne vais pas devenir reine de la terre ou quoique ce soit d’autre. Non. Je vais surement finir comme Edward à travailler à la NASA et fonder une famille. C’est tout, maman. Ce n’est pas la fin du monde, souffla Rosé fatiguée de devoir toujours argumenter. Rien ne nous différencie des autres humains, claqua-t-elle en laissant tomber de nouveaux cahiers et une vieille trousse.

— Si, nos dons nous différencient des autres humains, répondit durement sa mère. Tu ne mesures jamais la chance que tu as.

Rosé se tourna, elle commençait à s’énerver comme chaque fois qu’un membre de sa famille remettait le sujet sur le tapis.

— Mais je n’ai pas de dons ! s’écria Rosé. Je ne possède rien.

— Parce que tu ne te donnes pas la peine, répondit doucement sa mère, consciente d’avoir heurté un point sensible

Elle prit une longue inspiration et ferma d’un coup sec son sac à dos.

— Parce que vous ne m’en avez jamais donné la peine, lâcha-t-elle.

— Parce qu’on se doit de garder les secrets de l’univers pour laisser découvrir nos enfants par eux-mêmes.

— C’est pour ça que je dois aller étudier là-bas ? lança-t-elle sarcastiquement. Laisser un professeur me dire pourquoi trois stupides planètes ont décidé de faire copines ?

Élia ferma les yeux et prit une longue inspiration.

— Écoute, tu iras à Europe dès demain matin, tu apprendras…

— Et je me tairais, je sais, coupa Rosé.

— Ce n’est pas ce que j’ai dit, rétorqua sa mère.

— Pourtant, c’est ce que je comprends, sinon tu me laisserais étudier au lycée avec des gens normaux.

— Le dîner est prêt, je suis montée pour te prévenir, répondit-elle d’une voix neutre, dépêche-toi, Edward est là avec Rita.

Rosé hocha la tête et ne répondit pas. Elle ferma la porte derrière sa mère et faillit se mettre à hurler toute son amertume pour cette maudite école et toutes ces planètes. Elle poussa du pied le sac de sport et le laissa trainer contre son mur et jeta son sac à dos juste à côté.

Elle poussa la porte de la salle de bains, elle était plus petite que sa chambre et moins chaleureuse. Les murs étaient peints en vert clair et laissaient voir un ancien papier peint aux motifs floraux. Elle fit couler l’eau du lavabo et y plongea ses mains pour asperger son visage rougi par l’effort et la chaleur de l’été. Elle essuya son visage avec une serviette maculé et rencontra son reflet. La déception et l’angoisse tiraient ses traits bruts. Ses cheveux courts étaient emmêlés et son maquillage avait coulé au creux de ses yeux. Elle lâcha un juron et replongea la tête sous l’eau pour retirer le reste de son maquillage.

Elle ferma la porte doucement et prit l’ascension du couloir encore baigné d’une couleur oranger. Elle passa une main lasse dans ses cheveux blonds pour replacer une mèche derrière son oreille.

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