Le voisin

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Aujourd'hui, j'ai vu mon voisin. C'est un petit homme, la cinquantaine, les cheveux gris, la gueule pleine de plis, et des lunettes de tocard qu'il tente de faire passer pour des lunettes d'intello.

D'habitude, nous ne nous voyons quasiment jamais. Aujourd'hui, nous nous sommes vus. Enfin, devrais-je plutôt dire "cette nuit nous nous sommes vus."

Nous nous sommes vus cette nuit, à une heure du matin, moi torse-nu en petit short, lui ne portant qu'un caleçon aussi long que mon short.

Malgré cette heure tardive et cette légéreté vestimentaire, ce n'est pas une épopée sexuelle que je vais vous conter ici. Non pas que j'aurai préféré, mieux vaut s'engueuler avec les gens qu'on n'apprécie pas plutôt que les baiser.

Donc à une heure du matin, je suis seul, devant un film. A un certain moment, le travail de toutes les personnes ayant bossé sur cette oeuvre me fait rire, donc je ris. C'est assez soudain, non maitrisé, mais d'un volume des plus respectable. Mais sans que je m'y attende, de manière aussi soudaine que mon rire est sorti de ma bouche, quelqu'un de l'autre côté de mon mur, tape dessus.

Evidemment, je sursaute. Candide comme lui-même, je ne fais pas de cas de l'agression murale, et me replonge dans mon film. Manque de pot, ce dernier est réussi, et me fait rire à nouveau. BAM-BAM-BAM ! Trois coups retentisent à nouveau, comme si on annonçait le début d'une pièce de théâtre.

J'attends. Peut-être les trois derniers coups vont retentir. Rien, aucun bruit. Le brigadier se serait-il casser ? Je me dis "bon...", et au moment où mes doigts allaient relancer le film, quelqu'un sonne à ma porte.

Je me lève, vais ouvrir, et tombe sur mon voisin, en caleçon, les yeux plein de colère, qui me gueule dessus pour avoir ri en pleine nuit.

Sur le coup, j'pige pas trop, l'envoie chier. Il m'envoie chier aussi, je lui claque ma porte à la gueule, et rentrons chacun chez nous, pour aller chier sûrement.

Après cette enrichissante interaction sociale, impossible de me reconcentrer sur mon film.

Cette image de voisin, venant se plaindre auprès d'un mec seul chez lui, qui rigole devant un film, m'obsède. Comment peut-on en venir à un point, ou le rire d'un homme porte atteinte à notre vie ? Est-il triste, mon voisin ? Tellement qu'entendre quelqu'un rire lui rappelle quelque chose qu'il n'arrive plus à faire ? Est-ce un appel à l'aide ? Comme s'il me disait "je crie, mais dans le fond, je veux juste que tu m'invites chez toi pour que nous rions ensemble"...

Trop de questions sur ce grincheux voisin. A cinquante ans, j'imagine les gens assez sages, et capable de prendre sur eux, de contrôler leur colère, et peut-être donc d'expliquer calmement à son voisin que son rire vous empêche de dormir, et lui demander de rire moins fort, mais pas à toquer chez lui avec fureur, l'insulter sur sa personne, parceque son léger éclat de joie m'a réveillé en pleine nuit.

Peut-être est-il triste. Ou bien, ce n'est qu'un con. Qu'un gros con pour qui son sommeil, a plus d'importance que le bonheur d'autrui.

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