La cloche qui annonce la fin des cours vient de sonner. La cacophonie envahit automatiquement l’entièreté de l’école. Il est seize heures moins quart, je range mes affaires, ramasse mon sac et détale rapidement à l’extérieur de la classe en prenant le soin de saluer mon professeur de mathématiques. Les couloirs sont obstrués d’élèves en uniforme bleu marin et blanc. L’un des escaliers est entravé par un nombre conséquent d’adolescents voulant aller à leurs casiers au rez-de-chaussée. Je décide de faire un petit détour et me dirige vers un autre peu fréquenté.

Une fois à mon casier, je change mes vieilles chaussures noires pour une paire de bottes neuves à la base beige et à la tige noire munie d’une fermeture éclair argentée. J’enfile mon manteau gris et ma tuque orange et bleu dotée de deux cordelettes. Écouteurs aux oreilles, je ferme mon casier. Tête baissée sur mon téléphone, je choisis la musique idéale et m’apprête à partir quand soudain une paire de pieds me bloque le passage. Je lève la tête et aperçois Raphaël, un garçon que je ne porte pas particulièrement dans mon coeur. Sa peau bronzée contraste complètement avec le climat actuel. Je le vois de ses yeux bruns me scruter de la tête aux pieds avec un air hautain.

J’enlève l’un de mes écouteurs.

• Tu veux quoi ? lui demandé-je interloqué.
• T’as eu des nouvelles bottes, constate-t-il avec sa voix efféminée.
• Oui… Je les ai eus pour Noël. Il m’en fallait des nouvelles.
• Ha… Elles te vont bien.

Ses paroles sonnent terriblement faux.

• Raph, j’ai pas trop le temps. Est-ce que tu peux me dire réellement ce que tu veux ? lui dis-je sèchement.
• J’organise une petite soirée pyjama vendredi après l’école avec les autres membres du profil pour qu’on jase de ce qu’on a fait pendant les fêtes et tout ça. Alors si t’as envie de venir, t’es le bienvenu, rechigne-t-il sur la fin.
• J’imagine que cette idée de m’inviter ça vient pas de toi… soufflé-je exaspéré.
• Non, c’est les filles qui trouvaient pas ça juste que je les invite tousses sauf toi, lâche-t-il en replaçant ses cours cheveux bruns.
• C’est vraiment juste ceux en comédie musicale qui vont être là ? demandé-je dubitatif.
• Oui, juste nous vingt. Il va y avoir de l’alcool, tu vas voir on va ben s’amuser, dit-il enthousiaste.
• Ouais… Tu sais, moi je ne suis pas très fan d’alcool, alors…lâché-je mal à l’aise.
• Allez, vient ! Ça va être l’occasion pour toi de draguer un peu !

Ses mots m’irritent énormément et je fais de mon mieux pour ne pas paraître agressif.

• Ouais, non. Les fêtes avec de l’alcool j’aime pas trop ça, mais merci pour l’invitation, lâché-je avec un sourire de façade.
• T’as toujours été comme ça : aucunement intéressé par les filles. Tu serais pas gay par hasard, rigole-t-il.
• Bye Raphaël ! lui grogné-je.
• Hé ! Attends ! Olivier !

Ce que venait de dire cet abruti était la goutte qui a fait déborder le vase. Je le quitte brusquement et lui me fixe sous son air supérieur. J’ai toujours eu l’impression qu’il me regarde de haut, pourtant, de nous deux, c’est moi le plus grand. Il fait constamment allusion au sexe et en parle comme si c’est l’objectif à atteindre dans la vie et ça a le don de m’énerver.

En direction de la sortie, je croise des couples d’élèves qui montrent explicitement leur amour. J’envie la plupart de ces élèves. J’aimerais bien être amoureux et le montrer au monde entier, mais je n’ai jamais eu ces fameux papillons dans le ventre pouvant me laisser croire que je suis amoureux. Je me dis que ma ou mon bien-aimé arrivera en temps voulu. Contrairement à la plupart des autres adolescents, je ne cherche pas à tout prix à être en couple.

Une fois dehors, il neige, ce qui est plutôt normal en plein mois de janvier. Heureusement, la température est moins frisquette qu’en début de journée et reste facilement supportable. Je m’installe sur une butte de neiges et attends mon père. La musique, dans mes écouteurs, est agréable et je reprends progressivement mon calme.

• C’est quoi qu’il y a de mal à être bien tout seul ? soufflé-je à haute voix.