31. Confrontation avec Mathilde

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31.     Confrontation avec Mathilde

 

Madison la précéda et entra dans la cuisine où elles retrouvèrent les parents de Christophe en plein rangement de leurs emplettes. Mathilde tourna la tête lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir.

— Bonjour vous deux ! Bien dormi ? Et Christophe, il est où ?

— Il est resté à l’étage, il se rase de près, dit Clémence.

— Ah, oui, il doit commencer à piquer !

— C’est ça, oui, il commence à piquer. On peut vous aider ?

Madison la regarda avec de gros yeux, elle n’avait visiblement pas l’intention de s’occuper de la botte de poireaux qui se trouvait encore dans l’un des sacs, ni des carottes qui dépassaient d’un autre.

— Euh, moi, je veux juste bien aider pour le poulet rôti que vous avez acheté et qui sent super bon.

— Ah oui, tu es comme ça toi ! Et qui est-ce qui va s’occuper de la purée et de la compote ? Lança Clémence, un peu abasourdie par le comportement de Madison.

Madison avait lancé un rapide coup d’œil vers Mathilde lorsque Clémence parla de purée et de compote… André et Mathilde éclatèrent de rire en voyant Madison un peu coincée.

— Mais… Je ne sais pas moi, je ne sais pas faire la purée moi…

— Eh cool Madison, je lançais ça comme ça, si ça se fait, ils ont prévu des frites et de la salade.

Madison fronça les sourcils, elle ne savait pas où Clémence voulait en venir ; déjà qu’à l’étage, elle l’avait coincée avec ses questions, là, elle avait l’impression que cela recommençait.

— Oh, c’est bon, je ne suis pas douée pour la salade non plus, chuis pas une fée du logis moi !

Clémence lui posa une main sur l’épaule et lui dit,

— Toi, je vais encore te faire courir, je crois ; tu démarres vraiment au quart de tour, tu sais.

— Oui, je sais, j’ai vu ça la tantôt ! T’es douée pour retourner les situations, je sais, j’en ai fait les frais.

La curiosité de Mathilde fut piquée, André le vit et secoua la tête puis leva les yeux au ciel.

— On peut savoir de quoi vous parler ?

Madison regarda vers son oncle et piqua un fard lorsque celui-ci plissa les yeux en la regardant et oscillait négativement de la tête.

— T’es allée à la pêche aux infos toi, non ? Lui demanda-t-il.

Un peu gênée, elle répondit,

— Bah… Oui, un peu, c’est humain, non ?

André secoua la tête en souriant et dit à Clémence avant de se remettre à ranger les victuailles,

— Je suis désolé pour les dérangements occasionnés Clémence, j’espère qu’elle n’a pas fait trop mauvaise impression et qu’elle n’a pas écorné l’image de la maison.

Madison rebondit de suite, un peu outrée,

— Eh, t’inquiète, elle sait bien se défendre Clémence, elle m’a retournée comme une crêpe, je n’ai rien vu venir et Christophe était mort de rire à côté d’elle ! Il ne m’a même pas aidé ce faux cousin !

— Je te rappelle que tu t’es enfoncée, toute seule, Madison… Plaça Clémence avec un petit sourire.

— Gna gna gna ouais, c’est bon, allez ! Et au moins cela m’aura permis de voir Christophe pleurer de rire, comme quand j’étais petite et que je vivais ici.

— Tout le plaisir était pour nous, souvient-en Madison.

Clémence souriait pleinement, se remémorant leur discussion du matin. Madison finit par souffler et déclarer qu’elle allait dans le salon, prétextant que les courses, ce n’était pas un truc de son âge.

André demanda à Clémence,

— Et tu l’as retourné comme une crêpe par rapport à quoi ?

— Par rapport au fait qu’elle venait chercher des informations croustillantes sur Christophe et moi et de quoi nourrir ou apaiser des craintes de Mathilde me concernant, par rapport à Christophe.

Elle vit la tête de Mathilde s’allonger…

— Ah, tu vois, dit André en s’adressant à sa femme, je vous avais dit de leur ficher la paix !

— Mais… Articula Mathilde. Je ne lui ai rien demandé à Madison.

— Pas de souci, je comptais de toute façon avoir une conversation avec vous, Mathilde, de femme à femme, concernant la relation que j’ai avec Christophe.

André écarquilla les yeux tout en conservant un sourire qui s’agrandissait aussi.

— Eh bien, ma chère épouse, je vais te laisser discuter avec la petite amie de ton fils. Je vous propose d’aller dans le petit bureau, comme ça, je pourrais préparer le repas de midi avec Madison, elle apprendra à réchauffer de la compote avec moi !

Un peu interdite, Mathilde se dirigea vers le dit bureau, en indiquant à Clémence de la suivre.

Derrière Mathilde, Clémence respira profondément, elle voulait rester calme ; elle désirait construire quelque chose de solide avec Christophe et pour cela, elle devait se faire accepter voire adopter par la famille de son amant. Elle décida donc d’être claire avec sa potentielle future belle-mère, elle devait montrer le meilleur d’elle-même, sans chichi, sans faux-semblants. Elle devait faire la différence avec la dénommée « Sophie ».

Dans la petite pièce, il y avait deux chaises devant un tréteau qui servait de bureau. Mathilde proposa à Clémence de s’asseoir. Cette dernière attendit que Mathilde s’asseye et prenne la parole.

— Clémence, je suis navrée que tu aies dû supporter les investigations de ma nièce, je ne lui ai rien demandé dans ce sens.

Elle se tut, Clémence fini par dire,

— Mais vous avez des craintes, à mon égard.

— En fait… Oui, j’ai des craintes, je tiens à mon fils et je n’ai pas envie de le voir souffrir.

— Je ne suis pas comme Sophie, lâcha Clémence.

Mathilde la regarda dans les yeux,

— Je l’espère, sinon je m’en mêlerais avant que cela ne dégénère cette fois-ci ! 

— Vous vous en voulez de ne pas avoir réagi à temps avant qu’elle ne l’expulse de chez lui et ne lui pique tout son fric ?

Mathilde la dévisagea puis plissa les yeux,

— Comment… ?

— Nous nous parlons Christophe et moi, nous nous faisons confiance.

— Oui, confiance… Répondit Mathilde en haussant les sourcils avec une moue sceptique.

— Oui, il avait aussi une confiance aveugle en cette Sophie, je le sais, il me l’a expliqué. Et maintenant, c’est à vous que je l’explique, Christophe, je l’aime, ce n’est pas son argent ou sa situation qui m’intéresse, c’est lui, pour ce qu’il est, qui m’intéresse.

— C’est déjà ça, dit Mathilde, mais cette dernière gardait un air sceptique.

— J’ai déjà un appartement à moi, j’ai des économies en banque, je ne suis pas dans le besoin et je n’ai pas d’amant caché avec qui le tromper.

Elle vit alors Mathilde réagir et la regarder fixement.

— Vous… Vous avez parlé de pas mal de choses, je vois…

— Oui, nous avons déjà beaucoup parlé, je trouve cela essentiel dans une relation.

— Cela l’est, en effet.

Mathilde souffla,

— J’aimerais savoir ce qui vous fait peur en moi, Mathilde.

— J’ai peur que tu ne le laisses tomber… Que je le voie revivre une nouvelle rupture, cela le tuerait…

La voix de Mathilde mourut, ses yeux s’emplirent de larmes.

— Et vous en avez d’autant plus peur, étant donné qu’il a déjà failli le faire.

Mathilde la regarda avec beaucoup d’étonnements dans les yeux,

— Alors… Il t’en a parlé ?

— Oui, il m’en a parlé et je ne me suis pas enfuie comme il le craignait.

— Il t’en parle…

Clémence eut l’impression que Mathilde se dégonflait comme une baudruche.

— Cela ne va pas Mathilde ? C’est le fait qu’il m’en ait parlé qui vous tracasse.

Mathilde lui répondit vivement,

— Ce qui me tracasse, c’est qu’il ne m’en parle pas à moi, sa mère… Et là, tu débarques et hop, il s’épanche !       

Un peu saisie, Clémence lui répondit,

— Ce n’a pas été évident d’en parler, vous savez…

— Oui, mais bon, il en parle avec son père, mais moi, il ne m’en dit jamais rien directement !

— Vous ne lui en avez jamais parlé, vous ?

— Non, je ne veux pas le brusquer… Mais là, je suis sciée qu’il t’en ait parlé à toi, là, une semaine après votre rencontre !

— Euh… Moi, je trouve cela plus positif que de construire une relation sur des non-dits.

— Oui, tout à fait d’accord pour cet aspect-là, mais…

Après une demi-minute de réflexion et un peu d’appréhension, Clémence tenta,

— Mais c’est la maman que vous êtes qui est fâchée de ne pas être la confidente…

Mathilde la regarda en se frottant les yeux pour chasser les larmes qui montaient.

— Oui, c’est ça, pourquoi en parle-t-il à son père, à toi et pas à moi !?

— C’est son père qui l’a retrouvé avec la corde en main…

— Pff ! Lâcha-t-elle dans un gros soupir, tout en s’essuyant les yeux avec un mouchoir. Et tu as tous les détails en plus !

Un rien hésitante, Clémence lui demanda :

— Mathilde, est-ce que vous voulez vraiment entendre les détails de cette période de la vie de votre fils ?

— Mais c’est la chair de ma chair, je veux pouvoir repérer les signes si cela devait recommencer !

— Vous savez, il a peut-être difficile à parler de mort à celle qui lui a donné la vie…

— Peut-être… C’est possible. Mathilde chipota le mouchoir qu’elle gardait en main.

— Et puis, il est passé à autre chose maintenant, il est dans la vie, pourquoi vouloir retourner dans les détails de ces moments ?

Mathilde explosa tout d’un coup en lui lançant, tout en sanglotant,

— Parce que je m’en veux de n’avoir rien vu ! J’ai l’impression d’être passée à côté de mon rôle de mère à cette période-là ; j’appréciais Sophie, je n’ai rien vu ! Comment ai-je fait pour passer à côté de la fausseté de cette fille ?

Clémence ferma les yeux et respira, c’est ça, elle a peur à cause de ça… Pensa-t-elle. Elle lui dit alors, avec beaucoup de douceur,

— Et donc, vous vous dites que maintenant, on ne vous y reprendra plus de faire confiance à la copine de votre fils, c’est ça ?

Mathilde resta muette, interdite… Clémence poursuivit son analyse,

— C’est peut-être, pour vous, une façon de vous défendre et de tenter de réparer ce que vous pensez avoir mal fait Mathilde, mais cela ne va pas le rendre votre fils plus heureux.

Mathilde ne disait toujours rien, elle écoutait Clémence.

— Vous savez, Christophe voulait avoir une discussion avec vous autour du fait que vous avez des doutes à mon propos, je pense qu’il serait intéressant que vous ayez effectivement une discussion, mais à propos de ce que vous ressentez, là, cette culpabilité concernant le fait de n’avoir rien vu des plans de Sophie.

Mathilde soupira puis demanda, un peu étonnée,

— Il voulait avoir une discussion avec moi ?

Clémence sourit,

— Oui pour vous demander de me « lâcher », parce qu’il a peur que je ne m’encoure si vous perdurez dans le fait de ne pas me faire confiance.

— Mon mari m’avait dit la même chose…

— Écoutez-les, tous les deux, écoutez ce qu’ils ressentent. Écoutez ce que je ressens pour Christophe, je l’aime, c’est pour cela que je voulais avoir une discussion avec vous, pour avoir une chance de construire quelque chose avec lui, et par extension, avec vous, sa famille.  

Mathilde s’écroula en pleurs, Clémence fut un peu désemparée puis finit par écouter son cœur et la prit dans ses bras en la berçant un peu. Mathilde reprit,

— Je voudrais tant qu’il soit heureux, c’est vrai qu’il rayonne depuis que vous êtes ensemble, mais j’ai tellement peur qu’il dégringole à nouveau !

— J’imagine, Mathilde…

— Et, c’est vrai qu’il a pleuré de rire ce matin ?

Clémence relâcha Mathilde dont les sanglots se calmaient,

— Oui, il a ri du fait que j’ai réussi à faire dire des choses à Madison.

— Comme quoi ?

— Qu’elle avait déjà une idée en tête pour sa robe de demoiselle d’honneur, des choses comme ça, Christophe m’avait expliqué qu’elle était très friande de fêtes et du fait de caser son cousin. Nous l’avons un peu moquée à ce propos, mais je l’en remercie, si elle n’avait pas insisté pour qu’il vienne au forum étudiant, je crois que nous ne serions toujours pas ensemble à l’heure actuelle.    

— Tu avais des vues sur mon fils depuis longtemps ?

— Des mois… Mais bon, avec nos deux timidités conjuguées, nous ne risquions pas d’aller très loin.

Après un petit moment de silence, Mathilde déclara,

— Merci d’être honnête Clémence, c’est important pour moi, et c’est important pour lui aussi.

— Et c’est important pour moi aussi Mathilde, pour tout le monde, mettre les choses à plat ça permet d’éviter les conflits, les tromperies et autres soucis.

— Oui, je le comprends bien, mais je crois qu’il me faudra encore un peu de temps pour te faire totalement confiance.

— C’est normal, notre histoire est récente.

Elles firent encore une petite pause silence puis Mathilde lui dit,

— Bon, eh bien, je pense qu’il vaudrait mieux que nous réapparaissions, sinon ils vont se poser des questions !

— Oui, je suis d’accord.

— Et puis, le repas doit être prêt. Vous resterez manger tous les deux ? Nous avons pris deux poulets rôtis, il y a assez pour cinq personnes.

— Je vais voir avec Christophe, je pense qu’il ne sera pas contre cette proposition.

— Euh, Clémence, est-ce que cela se voit que j’ai pleuré ?

— Un petit peu, vos yeux sont encore un peu rouges, mais cela devrait vite s’estomper, je pense.

— Ok, allons-y alors.

Elles quittèrent la petite pièce pour rejoindre la salle à manger d’où provenaient les rires de Madison et Christophe.

 

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