Chapitre final : Enfer, délivrance et liberté

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Matt

La sonnerie retentit dans tous les couloirs du lycée. Je sautai alors de ma chaise et attrapai mon sac sans demander mon reste. Je devais absolument rentrer le plus vite possible et je n’avais pas de temps à perdre. Je me frayai alors un passage forcé à travers la foule des élèves qui se hâtaient pour rentrer en leur criant de me laisser passer. J’atteignis avec grande difficulté le portail et me mis à courir de toutes mes forces. Devant le portail, je tombai sur Marc, le meilleur ami d’Alex qui avait du m’attendre depuis la fin de ses cours. Il semblait avoir quelque chose à me dire et je pâlis quand il me fit signe de le suivre. Je voulus m’enfuir à toutes jambes mais son regard me sommait de ne pas résister tant ses yeux lançaient des éclairs. Je le suivis donc à contre coeur dans une des minuscules ruelles qui entouraient le lycée. Une fois arrivés, il m’attrapa sans crier garde par le col et me colla sans se retenir contre le mur froid de la ruelle. J’étouffai un petit cri quand mon dos rencontra le béton.

« Où est-il ? me demanda-t-il avec agressivité dans la voix. Je sais que tu le sais, où est-il ?

Je fus effrayé par son regard noir et baissai les yeux.

— Je ne vois pas de qui tu parles, lui répondis-je avec un tremblement dans la voix.

— Tu ne vois pas de qui je parle ? s’écria-t-il de toutes ses forces. Tu te fous de moi !

Les larmes coulèrent le long de mes joues. Je ne pouvais plus me retenir et être ici me faisait suffoquer.

— Je parle de celui qui t’aime ! Alex ! Mais de ce que je vois tu t’en fous complètement ! cria-t-il d’une voix tonitruante.

C’en était trop. Il n’avait pas le droit de me dire ça. Je me dégageai avec grande difficulté de sa poigne et lui envoyai un coup de poing au visage. Il recula sous le coup abasourdi et attrapa avec force une poignée de mes cheveux.

— Tu peux raconter n’importe quoi à la police mais pas à moi, m’avertit-il. Je ne marche pas dans tes combines. Et ses parents ? Tu as pensé dans quel état était ses parents ?

— J’ai déjà tout raconté à la police quand ils sont venus me voir, me mis-je à crier à pleins poumons. Je ne sais pas et je suis aussi désespéré que toi ! »

De grosses larmes roulaient le long de mon visage. Je ne me contrôlais plus. Marc desserra sa prise et je pris mes jambes à mon coup. Avant de tourner au coin de la ruelle, je ne pus seulement entendre un bruit et un cri déchirant comme si Marc venait de donner un coup de poing dans le mur. Je repris mon souffle quelques mètres suivants. J’étais dans tous mes états et je pleurais jusqu’à arriver dans un quartier que je connaissais que depuis peu. Après la disparition d’Alex, ses parents avaient remué ciel et terre pour le retrouver mais en vain. J’avais donc été interrogé par la police car j’avais été le dernier témoin mais je n’avais pas pu leur donner la réponse qu’ils attendaient tous. « Il est parti après m’avoir déposé et c’était là la dernière fois que je l’avais vu. » Ce mensonge me rongeait de l’intérieur. Eh oui, un beau mensonge car tout au fond de moi je connaissais la réponse à leurs questions. Les battements de mon coeur devenaient de plus en plus forts à mesure que j’approchais de cet endroit. J’avais envie de vomir mais me retenais.

Je sonnai à une porte et attendis que l’on m’ouvre. Une femme m’accueillit avec un grand sourire et j’entrai la boule au ventre.


Alex

Mes yeux ne s’étaient pas encore habitués à l’obscurité qui régnait dans cette cave. J’avais arrêté de compter les jours et les nuits qui étaient passés depuis ma captivité. J’essayai juste de survivre malgré le peu de victuailles que mon assaillant m’apportait parfois. La porte s’ouvrit et je vis dans l’entrebâillement de la porte Matt qui me regardait avec désespoir. La femme l’accompagnait et elle le laissa entrer après lui avoir chuchoté quelque chose au creux de son oreille. Matt se défit de son sac et se jeta sur moi. Il était effondré et tremblait de tout son corps. Il vérifia que je n’avais pas reçu de coups en son absence et je vis que son visage s’assombrit quand ses yeux se posèrent sur mes mains liées. Il fallait avouer que je n’étais pas non plus des plus présentables. Mes cheveux étaient en bataille et mes habits, déchirés suite à la confrontation musclée que j’avais eu avec son père. De plus, je ressemblais à un condamné attaché ainsi à ce poteau ridicule qui se trouvait dans un coin de la pièce. Je me trouvais ridicule mais en même temps j’étais totalement épuisé.

Les moments passés seuls dans le noir de cette cave étaient les plus angoissants. Je pensais à mes parents, à mes amis, à Matt. Son père était un fou. Comment pouvait-on frapper et enfermer quelqu’un si la situation ne nous convenait pas. J’essayais de le comprendre mais je ne le pouvais pas. Je voulus rassurer Matt qui pleurait à chaudes larmes mais moi-même étais paniqué. Combien de temps allait-il me laisser ainsi ? Allai-je survivre ? Matt avait compris mon désarroi car il approcha ses lèvres en direction de mon oreille.

« Ce soir tout sera fini » m’indiqua-t-il avec conviction.

Je ne pus lui demander plus de précisions car la femme l’attrapa par le bras et le tira hors de la pièce sauvagement. La porte se referma et je me retrouvai de nouveau seul. La dernière phrase de Matt tournait en boucle dans ma tête et je stressai à l’idée qu’il puisse se mettre en danger. Mais il fallait bien l’avouer, je ne supportais plus cette situation. Je voulais que tout s’arrête.

***

Je m’étais endormi épuisé et le silence régnait dans la maison. Je ne savais pas l’heure qu’il était mais étrangement je ressentais un certain mal aise. La phrase de Matt me revint à l’esprit et je commençai à m’agiter, comme si ça allait me permettre de me libérer. Je me mis même étrangement à crier. Une peur m’avait gagné et je n’arrivais pas à me défaire de ce sentiment de malaise. Un bruit de clé me fit sursauter. Qui cela pouvait-il être ? Je retins mon souffle tout le long de l’ouverture de la porte. J’eus peine à distinguer la silhouette qui me faisait face. Lorsque la lumière éclaira la pièce, je découvris avec effroi la personne qui me regardait. Matt se tenait devant moi, debout, recouvert de sang de la tête aux pieds. Il tenait dans sa main droite un couteau de cuisine et arborait un visage calme et apaisé. Il s’approcha de moi et se pencha vers moi pour me détacher. Une fois libéré, j’attrapai ses deux épaules et plantai mes yeux dans les siens, terrifié de connaître ce qu’il avait pu faire.

« Matt, tu…. , commençai-je anxieux.

Il me sourit et me serra dans ses bras.

— C’est fini Alex… tout est fini… Tu vas pouvoir rentrer chez toi, m’assura-t-il serein.

— Tu n’as pas… ? » demandai-je mais je m’arrêtai face à son incompréhension.

Il ressemblait à un petit enfant et abordait un visage espiègle. Je me sentis nauséeux et faillis vomir pour de bon. Je savais très bien ce que venait de faire Matt pour me sortir de cet enfer mais je ne pouvais pas le croire ni le supporter. Je me relevai mais je n’avais pas mangé depuis des jours et me sentis tomber. Peut-être était-ce l’odeur de sang qui me faisait tourner la tête, la malnutrition ou bien le fait de devoir accepter l’acte horrible de l’homme que j’aimais. Mais une chose était certaine, je n’avais pas la réponse en cet instant…

***

J’ouvris péniblement les yeux et observai les murs blancs qui m’entouraient. Je me sentais faible et compris assez tardivement que j’étais dans une chambre d’hôpital. Des cris attirèrent mon attention et je découvris avec contentement les visages de mes parents. Je voyais bien que ma mère avait pleuré pendant des jours tandis que mon père avait son regard sévère mais inquiet. Ma soeur dormait sur le lit d’appoint et je regardai avec bonheur le visage endormi de ma petite soeur. Soudain, les horribles évènements passés me bondirent au visage et je me levai sans prévenir. Mon père me retint et me maintint au lit :

« Laisse-moi ! criai-je sans retenue.

— Tu dois te reposer ! s’interposa mon père.

— Mais Matt… » commençai-je désespéré.

Le regard de mon père s’obscurcit et il détourna le regard. Je compris tout de suite que quelque chose de terrible était arrivée à Matt. Mon teint devint blanchâtre et je me figeai. Une larme coula le long de ma joue, je me blottis sur moi-même et j’enfouis ma tête dans mes bras. Je fus pris de légers tremblements. Et je ne pus m’arrêter de pleurer.


Matt

10H – J’étais assis face au juge qui me regardait depuis son estrade. Je n’avais pas osé jeter un seul regard dans la salle bien que j’espérais au fond de moi y voir ce visage familier. J’attendais assis avec sérénité le jugement qui allait bientôt tomber. Je n’avais aucun regret et j’étais comme libéré. Les cris et pleurs de celui que j’aimais me fendaient le coeur mais je les supportais. Je l’avais libéré et en même temps, je m’étais libéré de ce monstre. Monstre… , j’en étais devenu un mais étrangement cette idée m’avait terrorisé seulement un court instant. Le calme qui régnait dans ma tête m’apaisait et je me fichais totalement du verdict.

Je relevai la tête quand le juge se leva pour annoncer la sentence. Il se racla la gorge mais je n’entendais plus rien, perdu dans mon propre monde.

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