Chapitre 16 : Un magnifique rendez-vous

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Matt

8H – J’ouvris difficilement les yeux. J’étais tellement excité par l’annonce de cet après-midi que je n’avais pas réussi à fermer l’oeil de la nuit. Je sortis du lit avec hâte et me préparai soigneusement. Je dus au moins, me regarder six fois dans le miroir, bien que je n’avais pas beaucoup de vêtements pour tenter une tenue chic. Je soupirai en voyant mon reflet, j’étais bien trop maigre pour un garçon de 16 ans et je n‘avais aucun charme. Mes habits étaient plutôt sombres et mon visage assez commun. Que pouvait-il bien me trouver ? me demandai-je. Malgré la situation, mes doutes étaient bien réels. J’avais deux peurs, que mon père découvre la situation et qu’Alex se lasse de moi. Je me promis à moi-même de tout faire pour l’amuser.

Je vérifiai une dernière fois ma coiffure et parcourus d’un regard vif l’ensemble de ma chambre. Si je devais donner le change, il fallait bien que certains livres et cahiers disparaissent de mon étagère. Je m’emparai de quelques livres et les cachai soigneusement dans une boite sous mon lit. Une fois les préparations finies, j’essayai de me mettre à la place de mon père qui entrerait pour une quelconque raison dans ma chambre. Le crime prémédité vérifié soigneusement, je préparai mon sac. Je ne pouvais décidément pas sortir sans sac. Je mis un livre d’histoire pour donner le change et y glissai mon porte-feuille. Je n’avais plus qu’à attendre l’heure du rendez-vous patiemment, sans donner le moindre petit indice à mon père.

***

10H – Mon portable sonna et je fus surpris de voir apparaître le numéro d’Alex. Mon coeur tambourina à grands coups et je du respirer un bon coup avant de décrocher :

« Oui ? dis-je doucement, espérant que mon père ne se cachait pas derrière la porte.

— Salut, comment vas-tu ? me demanda-t-il enjoué.

— Fatigué, mais sinon tout va bien, répondis-je.

— Oh, serait-ce parce que tu as trop pensé à moi, dit-il malicieusement.

Je ne répondis pas gêné et décidai d’ignorer sa dernière remarque.

— Tu appelais pourquoi ? demandai-je en levant les yeux au plafond.

Il explosa de rire mais se retint de me taquiner.

— Tu te souviens que je t’avais proposé d’aller manger ensemble après le bowling… commença-t-il.

Je me tus attendant la suite avec la plus grande attention

-… eh bien, en expliquant que j’avais des projets cet après-midi, ton nom est sorti dans la conversation et ma soeur ne s’est pas priée pour me faire comprendre qu’elle voulait absolument te voir, expliqua-t-il d’une voix.

Je souris en imaginant Anya implorer son frère.

— Tu vas m’annoncer qu’elle va nous accompagner ? l’interrogeai-je.

Il se mit de nouveau à rire aux éclats.

— Ah ça non ! Je lui ai bien fait comprendre qu’elle n’était pas invitée, rectifia-t-il soudainement. T’aurais dû voir sa tête, c’était à mourir de rire. Du coup…

— Du coup ?

—… tu es invité à manger ce soir à la maison, m’annonça-t-il hésitant, craignant ma réaction.

Sous le coup de la surprise, je faillis lâcher le téléphone.

— Tu ne leur as pas dit que nous étions ensemble, n’est-ce pas, m’assurai-je paniqué.

— Je t’ai présenté comme un ami, ne t’en fais pas, éclaircit-il la situation. Et mes parents sont très contents de te rencontrer.

— Avoue que ça te fait bien rire cette situation…

Je commençais à bien cerner le personnage et je savais qu’il était une personne qui savait ce qu’elle voulait et s’amusait de mes réactions. Il eut un blanc avant que je n’entende sa réponse.

—… oui », ajouta-t-il, tel un diablotin.

Je soupirai et calculai mon coup. Si je ne rentrais pas trop tard, mon père ne devrait se rendre compte de rien. Et au vu du bruit que j’entendais, il était de garde cette nuit. J’acceptai timidement et souris au vu de la réaction de mon interlocuteur qui ne se priva pas pour me faire comprendre combien ma réponse le satisfaisait. Après avoir convenu ensemble de l’horaire et du lieu du rendez-vous, je raccrochai et serrai mon portable tout contre mon corps.


Alex

15H – J’attendais impatient devant le terrain de basket que Matt me rejoigne. J’étais bien arrivé avec vingt minutes d’avance et je chantonnai pour me réchauffer. Il apparut pile à 15H et se mit à courir en me voyant attendre.

« Tu attends depuis longtemps ? me demanda-t-il paniqué.

Je l’accueillis avec un grand sourire.

— Depuis au moins trente minutes, dis-je d’un ton taquin.

Il ouvrit ses yeux en gros et allait se confondre en excuses si je ne l’avais pas arrêté à temps.

— Je plaisante » répondis-je d’un ton enjoué.

Il m’interrogea du regard, soucieux et je le rassurai en déposant sur ses lèvres un baiser. Le rouge lui monta aux oreilles et il me fit promettre de ne pas l’embrasser en public. J’acceptai et nous nous mîmes en route. Nous atteignîmes en quelques minutes un arrêt de bus qui avait pour destination finale la zone industrielle qui se trouvait derrière le centre-ville. Il ne mit pas plus de dix minutes pour arriver et je montai en faisant un signe à Matt. Je demandai deux tickets et refusai la monnaie que Matt me tendait. Il me remercia d’une petite voix et nous prîmes place au fond. Nous en avions au moins pour une bonne heure et je vis que les yeux de Matt avaient peine à rester ouvert. Je le savais très peu bavard et je lui tendis alors une oreillette. Il ne lui fallut pas moins de cinq minutes pour qu’il s’endorme la tête contre la vitre. Pensant que cela n’allait pas être confortable, je me saisis doucement de sa tête pour ne pas le réveiller et la déposai sur mon épaule. Bien que les autres passants nous regardaient de travers, je ne m’en faisais aucunement. Je décidai alors de réveiller Matt un arrêt précédent le notre et je m’amusai de son air gêné pour s’être endormi sur mon épaule. J’appuyai alors sur le bouton pour prévenir le chauffeur que nous descendions au suivant et je rassemblai mes affaires. Une fois descendus, j’entrainai Matt dans une ruelle sombre et nous arrivâmes devant un énorme bâtiment. Il faisait à la fois cinéma et bowling. Nous prîmes les escaliers et entrâmes dans l’espace bowling. La salle était composée de dix pistes et on pouvait y trouver sur le côté des tables de billards et des arcades tels que des flippers ou des jeux de basket. Matt semblait impressionné par la grandeur de la salle et n’arrêtai pas de jeter des regards dans tous les sens. Je m’approchai du comptoir et commandai une partie.

« Bonjour, nous aimerions avoir une piste pour deux s’il vous plait, demandai-je poliment.

— Combien de parties ? demanda-t-elle avec douceur quand ses yeux croisèrent les miens.

— Une, ça ira, annonçai-je.

— Ok, vous aurez la piste 5 et je vais vous demander vos pointures, expliqua-t-elle.

— Pour moi du 41 et pour lui…

— du 39, enchaina-t-il.

Elle nous passa des chaussures et nous indiqua où déposer les nôtres. Nous prîmes un casier et j’insérai une pièce pour récupérer la clé. Puis, nous nous approchâmes de la piste. Matt semblait complètement perdu. Nous déposâmes nos affaires et je lui fis signe de me suivre.

— Tiens essaie de porter cette boule, lui dis-je en lui passant une verte pomme qui portait le nombre 11.

Il la prit mais je vis de suite qu’il ne savait pas bien la tenir. Je souris et pris une boule violette portant le nombre 13.

— Tu glisses ton pouce dans le plus gros des trous et ton majeur et ton annulaire dans les deux autres trous.

Je le regardai amusé essayer de reproduire la tenue que je venais de lui enseigner et validai avec satisfaction.

— Tu vois le nombre inscrit sur la boule ? Il représente le poids de chaque boule en livres. Les boules vont généralement de 6 à 16 livres. Comment te sens-tu ? lui demandai-je sérieusement. C’est trop lourd ? m’inquiétai-je.

— Non, non ça va, je pense que ça devrait aller » affirma-t-il.

Nous nous dirigeâmes alors vers notre piste et je m’appliquai à lui expliquer les quelques règles de base. Je le trouvai tellement mignon à m’écouter sérieusement que je dus me retenir de le serrer dans mes bras. Je lui expliquai alors la bonne position pour lancer la boule et m’engageai le premier sur la piste pour lui montrer l’exemple. Il me suivit du regard, assis sur le banc, et je dus me concentrer pour ne pas rater ma cible tant je sentais son regard sur mon dos. Heureusement pour moi, je fis tomber huit quilles et enchaînai avec un « spare ». Je soufflai rassuré et me retournai pour l’encourager. Je corrigeai quelques défauts dans sa position et me mis de côté pour le soutenir silencieusement. Je ne pus me retenir d’exploser de rire quand il lança sa première boule, et mes jambes lâchèrent sous le coup de l’émotion. La boule lui avait échappé des mains, avait volé en arrière et était retombée quelques mètres plus loin en faisant un bruit sourd. D’ailleurs, nos voisins n’avaient pu s’empêcher de jeter un regard curieux en direction de notre piste. L’air décontenancé de Matt ne l’avait pas encore quitté quand je m’approchai de lui encore à moitié en train de rire. Je voyais très bien qu’il ne savait plus où se mettre. Je passai ma main sur sa nuque pour le rassurer et lui dis-je, tout en essayant de calmer mon rire :

« Ça devait arriver, puisque tu es débutant, tirai-je la langue.

— Te moque pas de moi, se plaignit-il encore chamboulé.

— Je te taquine, nuance, lui fis-je remarquer. Par contre, ta boule ne va pas revenir seule, fis-je remarquer en souriant.

— Oh ! s’exclama-t-il, et il courut la chercher.

Il revint avec elle et je lui expliquai de nouveau lentement comment lancer la boule. Il se concentra et je ne pus détacher mes yeux de sa magnifique silhouette. Bien que la boule roula lentement, il fit tomber quatre quilles et deux lors de son deuxième coup.

— Tu vois, c’était pas si difficile », le titillai-je.

Il me lança un regard de défi et nous reprîmes la partie aux milieux des rires. La partie se solda inévitablement par ma victoire, mais je dois avouer que Matt pour sa première partie se défendit très bien. Il nous restait du temps avant d’attraper le bus qui allait nous amener chez moi et je lui proposai alors de faire une partie de billard. Il analysa soigneusement le jeu et accepta devant mes yeux pétillants. Nous nous dirigeâmes alors vers une table et je disposai avec soin les boules dans le triangle, positionnant la noire au centre. Il me regarda faire et attrapa deux queues à ma demande que j’enduisis de craie.

« Ça sert à quoi ? me demanda-t-il curieux.

— C’est pour permettre une meilleure adhérence, expliquai-je.

Il buvait mes paroles comme on boit un verre d’eau et je ne pus m’empêcher de le taquiner en lui faisant une grimace. Surpris, il éclata de rire et me la rendit immédiatement.

— … ça te permet de ne pas glisser et donc de contrôler tes coups, finis-je par expliquer.

— Ça m’a l’air plus dur que le bowling, avoua-t-il paniqué.

— Faut juste avoir du doigté, glissai-je amusé.

Il ne releva pas ma plaisanterie et se contenta de cacher son air gêné derrière sa frange.

— Allez approche toi que je t’explique comment on tient la queue pour tirer, dis-je d’un ton espiègle.

Je ne pouvais m’empêcher de le taquiner et d’observer toutes ses réactions qui me renvoyaient son innocence. Mais je ralentis par peur qu’il ne parte en courant. Je lui montrai alors la position pour tirer puis je le laissai essayer. J’aurais dû m’y attendre mais son premier essai fut un véritable échec. Il tapa dans le vide sans frôler la boule blanche. J’étais plié de rire et il me donna un coup de coude dans les côtes comme punition. Pour l’aider, je disposai de nouveau la boule blanche sur le tapis et lui demandai de reprendre position. Puis, je me plaçai derrière lui, une main sur celle qui tenait le fût de la queue et posai mon autre main sur la table. Il frémit quand il me sentit aussi près de lui mais essaya tout de même de se concentrer.

— Laisse moi faire, lui chuchotai-je à l’oreille.

Et tout doucement, je poussai la queue qui vint taper la boule blanche. Matt n’avait pas bougé et s’était même figé sur place, intimidé. Je lâchai ma prise pour qu’il puisse respirer et me passai la langue sur les lèvres. Il reprit son souffle et se tourna vers moi, le rouge lui était monté aux oreilles et je fus assez satisfait de l’effet que je lui faisais. Je lui souris tendrement et brisai le silence qui s’était installé entre nous :

— Tu penses y arriver ? » fis-je comme si rien ne s’était passé.

Il se ressaisit et acquiesça d’un signe de la tête. Au vu de ses piètres performances, je me fixai un objectif pour aujourd’hui, faire qu’il arrive à taper dans la boule et lui donner assez de force pour qu’elle rencontre une autre.

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