Chapitre 9: Rires…

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Alex

15H – Je laissai Anya à son entraîneur madame Rotainti et gagnai les tribunes réservées pour les spectateurs. Malgré le fait que c’était une petite compétition organisée par le département, les gymnastes étant âgée de 6-8 ans, les sièges étaient remplis. Les parents, impatients et stressés de voir leur enfant se produire devant eux pour la première fois depuis le début de la saison, clamaient des « allez » avant que la compétition ne commence. Je rejoignis Matt assit en hauteur et vérifiai l’ordre de passage des compétiteurs. – Vous vous demandez sûrement pourquoi il était présent et bien figurez-vous que le petit monstre avait insisté pour qu’il nous accompagne. Elle trouvait dommage de ne m’avoir comme seul spectateur… je la retiens –. Les compétiteurs étaient regroupés en quatre groupes et passaient à tour de rôle sur les quatre agrès qui composaient la compétition : la poutre, le sol, les barres asymétriques et le saut de cheval. En attendant le tour de la petite puce, je décidai de briser la glace entre nous car il n’avait pas ouvert la bouche depuis que nous avions quitté le terrain de jeu, il s’était juste contenté d’acquiescer.

« Tu es souvent à la bibliothèque non ? Je crois t’y avoir déjà vu plusieurs fois… comment ça se fait ? D’habitude les lycéens de ton âge préfèrent sortir dehors ! – Bon je sais, j’ai juste un an de plus que lui, mais à la différence que j’ai le Baccalauréat à passer à la fin de l’année moi –.

Il me regarda bouche bée. Apparemment, il ne s’attendait pas à ce que je puisse avoir remarqué son habitude.

— C’est parce que j’aime les endroits calmes, me clarifia-t-il. Et personne ne vient à la bibliothèque justement comme tu l’as pointé, me dit-il avec un petit sourire qui en disait long sur son choix.

— Ah, tu aimes les lieux calmes… commençai-je, mais soudain je me pliai en excuses, ah mais du coup tu ne dois pas apprécier le fait que l’on t’ai quasi forcé à nous accompagner, paniquai-je.

Il se mit à rire furtivement et me rassura.

— Détrompe-toi, je suis bien content que vous m’ayez invité à venir avec vous, il affichait un sourire mystérieux que je ne réussis pas à décoder, et après avoir vu la performance de ta soeur, je ne pouvais pas refuser sa demande. D’ailleurs c’est la deuxième fois que je ne peux lui résister.

— Elle t’intéresse ? Lui demandai-je d’un sourire mesquin, pour le taquiner.

Je m’attendais à ce qu’il rougisse d’embarras car cela lui arrivait assez fréquemment, mais à mon grand étonnement il sourit de plus belle.

— Oh t’inquiète, je ne suis pas intéressé par elle, me prévint-il, un sourire malicieux se dessinant sur son visage.

— Ahah, éclatai-je de rire, évidemment elle est beaucoup trop jeune pour toi ! confirmai-je.

— On va dire ça, oui… » répondit-il en plantant ses yeux dans les miens.

Je ne compris pas sur le coup ce que signifiait ce sourire, mais il s’amusait et moi aussi, c’était tout ce qui comptait. Nous fûmes interrompus par les applaudissements de la foule qui annonçait l’entrée des mini-gymnastes. Je sortis mon portable et le mis en position vidéo. Princesse passait en troisième et elle semblait gagnée par le trac. Je lui fis de grands gestes et attrapai le bras de Matt pour qu’elle puisse bien nous repérer parmi cette immense foule. Ses yeux croisèrent les nôtres et je lui fis, accompagné de Matt, un signe de victoire. Quand ce fut son tour, elle prit une énorme inspiration et s’engagea tel une gymnaste confirmée sur le praticable. Son regard avait changé et elle arborait un visage de compétiteur avisé. Son enchaînement se constituait d’un ATR valse 1/2 tour suivi d’une roulade arrière avec passage à l’ATR, d’une rondade enchaînée avec trois flips arrières. S’ensuivait ensuite, un grand jeté et un tour sur un pied, puis, un ATR en force tenu 2 secondes avec descente contrôlée pour terminer par un saut de main. Quelle était douée ma petite soeur, pensai-je, après tout on était tous sportifs dans la famille, donc il n’y avait pas de raison pour qu’elle ne le soit pas. Mon esprit fut happé par l’image de mon nouveau ami en train d’essayer de faire une roue, et je ne pus empêcher un fou rire. Celui-ci me regarda perplexe. Je lui fis un signe pour lui faire comprendre que ce n’était rien et me reconcentrai sur la compétition qui se déroulait sous mes yeux. Je n’oubliai pas de filmer petite gymnaste et applaudis bien fort pour l’encourager. Je crois bien que Matt m’observait parfois, mais je ne pus le confirmer. Ce dont j’étais sûr c’était qu’il détournait les yeux à chaque fois que je le regardais. Cependant, je mis sur le compte de la timidité son drôle de comportement.

***

18H — La compétition se finissait et on allait bientôt annoncer les vainqueurs. Anya avait excellé dans ses performances et était aux coudes à coudes avec une autre concurrente pour décrocher la première place. Je croisai les doigts avec force et espoir, attendant le dernier score qui allait s’afficher pour son adversaire. Soudain, des doigts se tendirent en direction du panneau d’affichage et je me levai dans un cri de joie. Je vis le visage de ma soeur s’illuminer à l’annonce du résultat. Elle venait de gagner avec une différence d’un dixième. Je la regardai avec fierté quand elle grimpa sur la marche la plus haute du podium et applaudis à tout rompre.

Une fois l’annonce entendue de la fin de la compétition, toutes les gymnastes purent enfin retrouver leur famille respective. J’accueillis à bras ouverts ma championne et lui tapotai la tête avec plein d’entrain. Elle me tendit la coupe et la médaille qu’elle avait gagnées. Je la félicitai de plus belle car je trouvais, malgré le fait que je ne sois que spectateur, les compétitions de gymnastique longues et difficiles pour les nerfs. Elle haussa les épaules et me répondit avec un grand sourire que c’était facilement gérable. Je la prévins de ne pas attraper la grosse tête et lui donnai une tape affectueuse dans le dos.

Il était tard et tout le monde commençait à rentrer chez eux. Je proposai à Anya de fêter sa victoire à la maison à quoi elle semblait excitée. C’est avec un grand sourire que je me retournai vers Matt. Il avait pris le temps de féliciter Anya une fois que je m’étais détaché d’elle.

« Tu dois rentrer, ou tu veux venir fêter sa victoire à la maison ? lui demandai-je.

On venait de passer une sympathique après-midi ensemble et je trouvais ça tout à fait normal de l’inviter aussi. Il sembla estomaqué par ma question, mais ne mit pas longtemps à me répondre.

— Je ne veux pas déranger…

— Dans ce cas c’est réglé! déclamai-je.

Anya accueillit la nouvelle avec joie et alla s’accrocher au bras de Mr timide, qui l’était moins après avoir passé la journée avec nous. Je sortis du sac ses baskets et son survêtement qu’elle enfila à toute vitesse, puis nous sortîmes euphoriques du gymnase. Je décidai d’asseoir petite championne sur la selle du vélo et de pousser le vélo car elle avait eu une journée épuisante et n’aurait sans doute pas tenu jusqu’à la maison. Elle ne se fit pas prier et s’accrocha au guidon avec les dernières forces qu’il lui restait. Il fallait 45 min à pieds pour rentrer et nous eûmes un large temps pour discuter de tout et de n’importe quoi. Pendant un bon moment, Anya nous expliqua son état de stress, ses sensations lors de ses passages et l’émotion qu’elle avait ressentie quand elle s’était tenue sur le podium. Puis notre conversation divergea vers les aléas des lycéens. Vu qu’il était dans la classe de Juliette, je connaissais son emploi du temps et les noms de ses professeurs. Nous rîmes énormément quand le sujet s’arrêta sur Mr Félix, le prof d’anglais, car lui aussi trouvait qu’il en faisait beaucoup trop avec ses voyages. J’avais encore des tonnes de questions à lui poser mais la maison se dessinait devant nos yeux. Je prévis donc de les lui poser lors du repas.


Matt

J’entrai dans la maison et délaçai mes chaussures en les rangeant soigneusement, alignées avec les paires déjà disposées. C’était une maison contemporaine comme toutes celles du voisinage. Mes yeux s’arrêtèrent sur une photo de famille encadrée et fixée au mur du salon et un mince sourire gagna mon visage quand je vis la bouille d’Alex Lecomte. Ses parents attirèrent mon attention. La mère semblait avoir dix ans de moins que le père dont la carrure m’avertit de ne pas le contredire et Alex avait hérité de sa belle chevelure. Je me détachai de la photographie quand Alex s’approcha de moi.

« J’ai envoyé Anya à la douche, je dois aller l’aider. Installe-toi confortablement et fais comme chez toi, me prévint-il.

Il alluma la télévision et disparut de mon champ de vision. Avec peu d’assurance, je m’assis dans le canapé et regardai les images qui défilaient devant mes yeux. À la maison, j’avais le droit d’allumer la télévision seulement quand mon père était absent et cela devait faire une éternité depuis que quelqu’un m’y avait autorisé seul. Je me plongeai alors dans cette boîte animée et me laissai bercer par les sons qui s’en échappaient. Alex revint quelques minutes plus tard et fut abasourdi par le programme que j’étais en train de regarder.

« Oh tu aurais pu changer de chaîne ! Ma soeur doit être la dernière à avoir regardé la télé, révéla-t-il amusé.

— Ah ce n’est pas grave ! Ça m’a replongé dans mes souvenirs d’enfance…

Mon regard devint grave. Il le remarqua mais ne chercha pas à en savoir plus.

— Tu veux m’aider à faire à manger ? me demanda-t-il comme pour me changer les idées.

— Avec grand plaisir ! »

Mon visage se décrispa. Et, nous nous dirigeâmes en direction de la cuisine où il m’apprit que ses parents l’avaient appelé pour le rassurer sur l’état de son grand-père et le prévenir qu’ils rentreraient tard.

***

20H – Je m’assis en face d’Alex, Anya à ma droite. Elle me dévorait des yeux et son regard brûlant m’empêchait de me concentrer sur mon assiette :

« Tu veux bien arrêter de le dévisager ? lâcha Alex à l’encontre de sa soeur.

Elle lui tira la langue chaleureusement et piqua dans une de ses pommes duchesses. Il rit aux éclats et attaqua aussi son assiette. Les conversations animaient le repas et je profitai avec appétit de cet instant vivant et apaisant que je n’avais plus ressenti depuis un bon moment.

— Au fait, je ne crois pas t’avoir déjà vu au réfectoire, s’interrogea-t-il. Tu manges où ?

— Euh… je n’aime pas beaucoup le bruit du réfectoire et j’ai mon endroit secret où personne ne vient, affirmai-je.

Alex réfléchit un moment, tapa du poing dans la paume de sa main et s’écria :

— Ah oui, le potager !

Je fus surpris qu’il sache que je m’y rendais et lui demandai comment il l’avait deviné. Il m’avoua qu’il m’avait vu un midi remonter du potager. Élève de terminale, il connaissait les moindres recoins du lycée.

— Je viendrais manger une fois avec toi ! » m’annonça-t-il soudainement.

Je faillis m’étrangler sous la surprise alors que je venais de porter mon verre à mes lèvres et que l’eau commençait tout juste de se déverser dans ma gorge. Anya paniqua quand elle me vit m’étrangler et son frère pouffa de rire. J’acquis d’un signe de la tête et détournai les yeux de son regard que je trouvais trop craquant à cet instant-là.

Pour les remercier de m’avoir invité à manger, je me proposai pour la vaisselle. Il accepta avec joie et Anya me murmura dans l’oreille que je venais d’enlever une épine du pieds à son frère. Je le charriai et m’attelai à l’immense pile d’assiettes et de casseroles qui m’attendait. Avec générosité, il essuya les instruments que je lui tendais et, aidé de la petite puce, les rangeait dans les armoires. Cela nous prit un court temps car il est toujours plus rapide de faire une tâche à plusieurs. Une fois le dernier couvert de rangé, nous nous dirigeâmes vers le salon. Anya sauta sur le canapé et m’invita à m’asseoir à côté d’elle. Après s’être assurée que nous étions tous bien installés, elle proposa de jouer à un jeu. Alex essaya de l’en empêcher mais elle l’esquiva avec grâce et se dirigea vers une armoire en ébène. Elle sortit le jeu de la Bonne paye et revint avec.

« Désolé, me chuchota-t-il. Je crois qu’elle t’aime bien à en juger son comportement, m’expliqua-il, ennuyé.

— Ce n’est pas grave ! lui répondis-je.

C’était vrai, j’appréciai grandement l’attention et l’intérêt qu’elle me portait. Cela me réconfortait énormément de savoir que quelqu’un voulait de ma compagnie. Il me sourit et observa sa petite soeur agitée comme une puce. Lors du troisième mois de jeu – c’est un jeu où les participants se déplacent sur un plateau sur lequel est dessiné des cases qui représentent chacune un jour du mois – les yeux d’Anya commençaient à envoyer des signes de fatigue. Alex posa les dés et retint la tête de sa petite soeur qui commençait à tomber. Elle était en train de s’endormir assise. Elle se frotta les yeux et tendit les bras vers Alex qui recueillit ce petit bout dans ses bras. Je trouvais ce moment tellement attendrissant que je ne pus en détacher les yeux.

— Bon je crois que c’est l’heure d’aller au lit pour la petite championne, informa-t-il avec douceur.

— Oui, elle est en train de tomber, ajoutai-je suivi d’un petit rire.

— Je vais la coucher, attends-moi là, m’annonça-t-il.

Elle émit un feulement quand il se leva, elle dans ses bras et tous deux gagnèrent les escaliers. Alex redescendit et s’assit à côté de moi.

— Au fait vu qu’il est tard, tu veux dormir ici ? me suggéra-t-il.

La proposition me parut alléchante mais je ne voulais pas braver la colère de mon père si j’avais le malheur de découcher.

— C’est gentil mais je vais rentrer, déclarai-je, en plus mon père va s’inquiéter si je ne rentre pas, lui dis-je avec un sourire forcé. Ses derniers mots me nouèrent l’estomac mais je ne pouvais pas lui raconter la relation sulfureuse que j’entretenais avec mon paternel.

— Mes parents ne vont pas tarder, je te raccompagnerais dès qu’ils seront là, proposa-t-il.

— Euh, je ne veux surtout pas te déranger, m’empressai-je d’énoncer.

— Ah ah, tu ne me déranges pas du tout et puis tu habites loin, on ira plus vite en vélo, notifia-t-il.

— Mais quand même… mais il me coupa net en posant une de ses mains sur mon épaule.

— C’est moi qui insiste ! » proclama-t-il sans que je puisse me dérober.

Le débat fut clos et nous nous mîmes devant la série tendance du moment en attendant ses parents. – Ce qui est certain c’est que je n’ai pas du tout prêté attention à l’histoire car le savoir à côté de moi me stressait plus qu’autre chose, mais il ne le remarqua pas, heureusement pour moi –. Vers 23H, nous entendîmes une voiture se garer et nous vîmes des phares s’éteindre par la fenêtre. Des voix chuchotaient tout en ouvrant la porte et ses parents entrèrent sur la pointe des pieds. Je me levai et les saluai de suite quand ils apparurent dans l’encadrement de la porte du salon. Ils furent agréablement surpris de voir leur fils en compagnie d’un garçon qu’ils ne connaissaient pas mais leur ton était attentionné. Ils s’excusèrent de ne pas pouvoir rester avec nous car ils étaient fatigués, m’invitèrent à manger un autre soir et gagnèrent leur chambre après être passés par celle de leur fille. Alex m’avertit et nous nous préparâmes à sortir.

***

Nous nous arrêtâmes devant mon immeuble et je relâchai la taille d’Alex que j’avais emprisonnée tout le long du retour. Je descendis, lui resta assis sur sa selle, un pied sur une pédale, l’autre au sol et le remerciai de sa gentillesse pour m’avoir raccompagné malgré l’heure tardive.

« De rien, me révéla-t-il. Merci à toi plutôt d’avoir bien voulu nous accompagner tout le long de cette journée ! m’informa-t-il gaiement.

— Oh, j’ai passé une très bonne journée, annonçai-je dans un souffle.

— Moi aussi, en tout cas, maintenant on est ami ! déclara-t-il innocemment en levant ses mains, un sourire peint sur le visage.

Il ne savait pas comment sa remarque me réchauffa le coeur et je m’empressai de ne pas laisser transparaître une seule réaction qui aurait pu me trahir. Si jamais il comprenait que j’avais un petit faible pour lui, il ne voudrait plus jamais me revoir. Je lui rendis son check et il en profita pour m’ébouriffer les cheveux comme le ferait une mère à son enfant.

— Bon allez, j’y vais, rentre bien et on se voit lundi au lycée, se réjouit-il de vive voix.

— Oui ! » admis-je timidement.

Il me salua d’une tape sur l’épaule et partit en me faisant de grands gestes de la main, il faillit même tomber mais se rattrapa in extremis. Je ne le quittai pas des yeux jusqu’à ce qu’il disparaisse au coin de la rue et gravis les marches qui menaient à mon appartement. Encore extatique, j’insérai la clé dans la serrure en chantonnant. Mais, ma joie s’évapora en un instant quand la porte s’ouvrit. Mon père se tenait debout dans l’entrée, un air de dégoût sur le visage. Il attrapa mon col et je fus happé par des doigts durs comme de la roche à l’intérieur de l’appartement.

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