27. L’audition de William Hatkins II

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16 février 2014

Je ne l’ai pas giflée ! se défend William Hatkins. Elle est partie de son propre chef, de son plein gré ! Ce n’était pas une fuite...

Et vous n’avez pas tenté de la retenir ?

Non… J’étais persuadé qu’elle reviendrait très vite !

Et aviez-vous une idée du lieu où elle avait pu trouver refuge ?

A son étude ou chez son amant… Toujours est-il que lorsque je suis rentré le lendemain soir, ses affaires avaient disparu. Elle avait dû venir les récupérer dans la journée.

Et vous connaissiez sa maison d’enfance de La Baule, celle dont elle a hérité à la mort de son père ?

Non. Je savais que son paternel lui avait légué une baraque sur la côte Atlantique et que son lien affectif avec cet endroit était compliqué, qu’elle s’y rendait seule parfois, mais c’était son jardin secret. Elle ne le partageait pas avec moi.

Alors comment expliquez-vous la présence de votre véhicule à proximité de la « Villa Carmin » l’après-midi du 14 février, et la nuit suivante, entre 3 heures 20 et 3 heures 50 du matin ?

Désarçonné par la question du lieutenant Séverin, l’antiquaire perd momentanément son self-contrôle.

Ma présence ? Quelle présence ? Putain, mais c’est quoi cette connerie ?

Guillaume cherche à maintenir la pression sur l’auditionné pour le pousser dans ses retranchements et le mettre face à ses contradictions ; son supérieur reprend la main pour refermer le piège et le confondre.

Vous possédez bien, par l’entremise de votre société Hatkins’ Antiquités, une Lancia Voyager noire immatriculée CY – 678 – AT ?

Oui…

Une caméra de surveillance a filmé votre monospace dans le créneau horaire que vous a indiqué mon collègue, ce qui signifie qu’il stationnait à cinq cents mètres de la scène de crime au moment du meurtre de votre femme.

Mais enfin…

Monsieur Hatkins, nous avons suffisamment d’éléments à charge contre vous pour vous mettre en garde à vue. Alors, je serais vous, je songerais très sérieusement à me mettre à table. Avez-vous, oui ou non, tué votre épouse cette nuit-là ?

L’imposant quinquagénaire est au pied du mur. Il n’a pas d’autre choix que celui de parler.

J’étais bien là-bas, oui. J’avais dans l’idée d’avoir une discussion avec elle, je voulais la persuader de revenir vivre avec moi…

Comment avez-vous su où elle séjournait ?

Après plusieurs jours sans nouvelles, j’ai commencé à cogiter. Je me doutais qu’elle avait quitté Paris, que je m’étais peut-être fourvoyé avec cette histoire d’amant. Et puis, je me suis souvenu de cette maison familiale dont elle avait hérité il y a une dizaine d’années. Je savais qu’elle conservait les papiers de cette succession à son étude, je m’y suis donc rendu et n’ai eu aucun mal à mettre la main dessus.

Et donc vous arrivez à La Baule, devant la « Villa Carmin » l’après-midi du 14 février, jour de la Saint-Valentin. Et après ?

Après, je ne sais plus, j’ai dû sonner…

Faux ! Vous n’êtes jamais descendu de votre auto. En revanche, dans la nuit du 14 au 15, dès que Madame Hatkins est sortie de sa propriété, vous lui avez emboîté le pas. Vous l’avez suivie ?

Oui…

Jusqu’à la plage ?

Oui…

Et là, par jalousie, parce que vous n’aviez pas supporté qu’elle vous quitte, vous l’avez étranglée !

Non ! Non… Il y avait un autre homme sur cette plage, un homme qu’elle a croisé et qu’elle semblait bien connaître. J’ai cru que c’était son amant…

Décidément, c'est une obsession !

— Mettez-vous à ma place : la nuit de la Saint-Valentin, votre épouse, qui vous a plaqué trois semaines plus tôt, rejoint un gars sur une plage...

— Admettons. Et ensuite ? Il l'a embrassée ?

— Il a essayé mais elle l'a repoussé. Il s'est alors emporté contre elle en portant ses mains à son cou.

— Et vous n’êtes pas intervenu ? Vous n’avez pas tenté quoi que ce soit pour sauver votre femme de son agresseur ?

— Elle le connaissait, je vous dis ! Pour moi, ce n’était rien de plus qu'une querelle d’amoureux. Je me délectais du fiasco de sa nouvelle idylle. Je ne me suis manifesté que lorsque j’ai senti que ça devenait critique, mettant ainsi en fuite l’individu. Et lorsque je me suis approché d’elle, elle était déjà morte.

Et après, Hatkins, pourquoi avoir eu l’idée de la noyer post-mortem ? Je ne comprends pas...

Je craignais qu’on puisse remonter jusqu’à moi étant donné que j’avais pris son pouls et tenté un bouche-à-bouche pour la ramener à la vie. J’ai voulu effacer toutes traces en plongeant longuement son corps dans l’eau avant de le traîner sur le sable. Et avec mon imper, j’ai balayé la moindre empreinte de nos pas pour brouiller les pistes…

Le sordide de la situation soulève le cœur de Costarelli, qui devient blanc comme un linge. Guillaume Séverin le perçoit et l’invite à faire une pause.

Il est cuit, Capitaine. On a ses aveux pour non-assistance à personne en danger et modification de l’état des lieux d’un crime.

Parce que vous y croyez, vous, à cette tierce personne ? s’enquiert son supérieur.

Je vais continuer l’interrogatoire pour essayer d’en savoir plus, mais oui, ça me paraît plausible. Contrairement à ses dires concernant leur dispute du 27 janvier. A mon avis, elle a été infiniment plus violente que ce qu’il affirme, mais en l’absence de dépôt de plainte de Madame Hatkins, ce chef d’inculpation ne pourra jamais être retenu contre son mari.

Ce type qu'elle rejoint en pleine nuit sans se méfier le moins du monde, ça pourrait être Corman, non ?

— Je ne sais pas. Faut le cuisiner encore un peu pour en avoir le cœur net.

Le jeune OPJ jette son gobelet en plastique dans la poubelle prévue à cet effet avant de reprendre :

Allez, j’y retourne, mais seul cette fois-ci, Capitaine. Vous avez assez morflé pour aujourd’hui. Et ne vous inquiétez pas, Hatkins va nous conduire tout droit au vrai meurtrier d’Élodie.

Empli de compassion, Séverin pose fraternellement sa main sur l’épaule de Costarelli ; celui-ci le remercie d’un signe de tête.

En son for intérieur, le plus que trentenaire a une pensée émue pour son premier amour et lui murmure ces quelques mots :

— On touche au but, mon Élo ; bientôt, justice te sera rendue et tu pourras reposer en paix…

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