Janvier 1994

Je suis allongé sur son paddock. Elle m’a demandé de fermer les yeux et d’attendre son signal pour les rouvrir.

— Élo, qu’est-ce que tu fous ?

Ma girl-friend glousse sans me répondre. Nous sommes seuls dans la maison et les premières notes du tube de Whitney Houston résonnent en sourdine dans la chambre : I’m your baby tonight.

— Open your eyes, Darling, me susurre-t-elle. ‘Cause I’ll be your baby tonight… (1)

Elle monte le son et minaude en playback sur ce titre évocateur, avant d’entamer un strip-tease aguicheur qui m’allume et m’excite comme jamais.

Exit son top moulant et sa mini-jupe noirs, seuls ses dessous de dentelle sombre l’habillent encore, mais pour combien de temps ? A son poignet, un bracelet émaillé de cœurs-corail se balance sur le tempo pop de la musique qu’elle a choisie pour me rendre dingue d’elle : celui que je lui ai offert pour notre première Saint-Valentin. Elle est belle à se damner et c’est ma meuf. Et c’est pour moi, rien que pour moi, qu’elle se désape, sensuelle, féline. Fard à paupière charbonneux, des cils à n’en plus finir, des lèvres glossées rouge passion : le maquillage est appuyé, outrancier peut-être, et la femme, fatale. Mutines, ses mains caressent l’écrin de tissu échancré abritant sa toison ambre et ses doigts jouent avec l’élastique qui le retient plus longtemps que je ne le voudrais, attisant ainsi mon désir grandissant. Un ange passe… L’instant d’après, les bretelles de son soutif glissent suavement le long de ses épaules ; elle le dégrafe, dénude son opulente poitrine érectile, tandis qu’elle se déhanche et s’apprête à faire tomber le dernier rempart qui me sépare de son puits de plaisir.

Eve veut croquer la pomme, se rapproche doucement de moi pour embrasser ma bouche, mon torse nu… Elle descend sur mon corps, déboucle ma ceinture de cuir, déboutonne mon jean et effleure mon sexe dressé pour elle à travers mon boxer. Une poignée de secondes plus tard, je me retrouve à poil et elle me suce, divine. A mesure qu’elle m’engloutit entre ses lèvres, elle se mue en reine de la nuit. C’est elle qui me tient par les couilles, au sens propre comme au figuré, et je kiffe d’être l’esclave de ses fantasmes. Queen of the night (2), le carrousel a changé de disque pour que je l’honore ; les paroles de la chanson de Whitney ne mentent pas :

« I've got the stuff that you want /

I've got the thing that you need /

I've got more than enough /

To make you drop to your knees... » (3)

Je suis « son » David Silver (4), mais c’est elle qui mène le bal en me chevauchant désormais en amazone ; et au bout de notre cavalcade, la jouissance suprême, concomitante, si salvatrice.

Lovée contre moi, mon amante finit par s’endormir. Dans son sommeil, je caresse sa chevelure de feu, son visage. Après l’amour, je n’ai pas osé lui dire que je l’aime ; j’avais peur d’être maladroit, ridicule. Peur qu’elle rit de moi.

L’horloge tourne, Élodie me sourit mais ne rit pas. Ses prunelles, son corps brûlant m’appellent à nouveau. Elle est ma reine, je suis son roi. Et je le serai jusqu’au bout de la nuit. Juste pour elle, pour celle qui fait battre mon cœur. Ma Queen of the night.

(1) : Ouvre les yeux, chéri, me susurre-t-elle. Parce que je serai ta poupée cette nuit...

(2) : extrait de la bande originale du film Bodyguard, Queen of the night a été co-écrite par LA.Reid, Babyface, Daryl Simmons et Whitney Houston.

(3) : « J'ai les trucs que tu veux /

J'ai la chose dont tu as besoin /

J'en ai plus qu'assez /

Pour te faire tomber à genoux... »

(4) : Pour rappel, David Silver, incarné par l’acteur Brian Austin Green, est l’un des personnages principaux de la série américaine 90 210 Beverly Hills.