Chapitre 1. SPEAK

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Qu'est-ce que la mort exactement ? Je suppose que c'est la question universelle.

En réalité, «la mort» est un groupe nominal. Et vous et moi jouons le rôle le plus important. Oui, car en plus de subir la mort, nous lui donnons une valeur dans notre esprit. Est-ce une punition ? Une libération ? Le néant ? Une idée ? Une morale ? Un état ? Une histoire ? Un fait ? Une sottise ? Un voyage ? Un autre monde ? De la poussière ? La fin de la vie ? Ou encore le début d'une autre vie ?

Chaque être conscient de l'existence de la mort se doit de lui donner une valeur. Et même lorsqu'on y est indifférent on lui en donne une: celle de chose effrayante ou chose à ignorer.


A l'âge de seize ans, je me posais peu de questions sur la mort. Elle avait pour moi valeur de chose hors de mes préoccupations actuelles. Étais-je naïve ou pas assez attentive ? Je n'ai toujours pas d'idée précise là-dessus. La seule chose que je sais précisément c'est à quel point je regrette cette inconscience aujourd'hui.

Mon nom est Deborah Maylord mais la plupart des gens m'appelaient Debbie. Je vivais dans le Wisconnsin, pas loin de Madison. Mon père avait monté une société de pompes funèbres et ma mère était secrétaire dans un cabinet d'orthodontie. J'avais deux sœurs. Rebecca avait dix-neuf ans et, sortie du lycée, elle passait une grande partie de son temps à s'amuser et l'autre à ne rien faire. Ma seconde sœur, du nom de Samantha, avait quinze ans et une passion pour tout ce qui avait rapport avec la célébrité. Elle s'adonnait au chant et au théâtre, apprenait toujours d'un nouvel instrument et s'intéressait de près à l'art moderne dans l'espoir secret de se faire connaître un jour. Sam passait le plus clair de son temps à ces activités et adorait également dévorer les journaux people ou des reportages de paparazzis.


Un jour, au repas du soir, ma mère se tourna vers mes deux sœurs et moi et demanda :

- Vous avez des idées pour votre avenir ?

Aucune de nous ne répondit. Cependant je connaissais les pensées de mes sœurs. Beckie aurait aimé continuer à se faire entretenir par nos parents, quand à Sam, elle rêvait de célébrité à tout prix. Et moi; moi je n'avais strictement aucune idée de mon avenir. Ce soir là je m'étais posé beaucoup de questions et aucune n'avait trouvé de réponse.

Ma vie paisible changea, peu de temps après cette soirée.


Un jour, Wendy, ma meilleure amie, me demanda de la rejoindre dans un bar après les cours. D'abord embarrassée par cette idée, je finis par accepter. Wendy était une fille que j'admirais sur tous les points et elle était la fille la plus enviée de tout le lycée. Ses parents étaient riches et lui offraient tout ce qu'elle désirait. Elle était aussi très jolie. Elle avait de beaux cheveux blonds aux reflets d'or, un teint doux et pâle comme celui d'une poupée et elle affichait un sourire épanoui. Wendy ne laissait pas les garçons indifférents et beaucoup se seraient battus pour elle s'ils avaient seulement eu une chance. Ma meilleure amie avait déjà choisi l'élu de son cœur, lui aussi très convoité. Kyle était beau, gentil, intelligent, drôle, sincère et fidèle. Que demander de plus ? Wendy me faisait penser à un personnage de film à la vie si parfaite. On pouvait presque voir des fleurs pousser là où se posaient ses pas si gracieux.


Le jour dont je vous parle, je rejoignis donc Wendy dans ce bar après les cours. Elle commanda un café et moi un chocolat. Un sourire paisible régnait sur son visage. Elle me demanda sur son ton habituel et serein, tout en regardant fixement sa tasse où elle agitait lentement sa cuillère :

- Tu es heureuse Debbie ?

Je fus un peu surprise par cette question. Je répondis sans plus de conviction :

- Ma vie me convient. Tous les jours ne sont pas roses mais je fais avec.

Wendy leva la tête de sa tasse, posa sur moi un regard interrogateur et ajouta :

- Très bien. Tant mieux.

Et Wendy recommença à contempler sa tasse, comme attendant quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Lorsqu'on eut fini nos boissons, Wendy me raccompagna chez moi. Sa maison se situait plus loin que la mienne, voilà pourquoi c'était toujours elle qui me raccompagnait et jamais le contraire. La maison de Wendy était une belle et grande villa. Mais je ne peux pas vous la décrire mieux que ça car je n'avais jamais mis les pieds à l'intérieur, bien que je connaissais Wendy depuis des années. Elle m'avait parfois parlé du grand escalier en marbre, des vases de Chine, des lustres en cristal, du fauteuil en cuir de son père et de la coiffeuse plaquée d'argent de sa mère. Voilà tout ce que je savais de cette somptueuse demeure. Quand Wendy me raccompagnait, mes sœurs la regardaient toujours partir pleine d'admiration ou de jalousie. Beckie soupirait :

- Si j'étais aussi riche qu'elle je ne ferais rien de ma vie ! Je me demande pourquoi elle va au lycée d'ailleurs!

Et Sam rêvassait :

- Quand je serais célèbre, moi aussi je serais riche !

Leurs pensées ne me semblaient pas cruelles ou égoïstes. Je pensais aussi que la richesse amenait au bonheur. Et comme Wendy avait aussi la beauté, l'intelligence et un petit ami de rêve, il était évident qu'elle était épanouie.


Le soir où je rentrai du bar, ma mère était un peu chamboulée. Je fini par lui demander :

- Ça va maman ?

Nous étions alors à table. Ma mère répondit :

- C'est Christina.

Christina était notre cousine. Une fille vantarde et hypocrite que j'avais énormément de mal à supporter. Mes sœurs, qui n'en pensaient pas moins, et moi-même, lançâmes un air interrogateur, en attente de la suite. Mon père expliqua :

- Elle a essayé de se suicider en se jetant de la fenêtre de l'étage. Mais heureusement elle est tombée dans un buisson et s'est juste fracturé le nez.

Je dus me retenir de rire et pensai «Elle aurait au moins pu se pendre !»

Le geste de Christina me semblait un peu exagéré. Mais cela me poussa à me poser une seconde question : pourquoi les gens se suicident-ils ?

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