Chapitre 41 (quatrième partie)

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Inverie, juillet 1753

En ce début d'été, je me tins tout au bout du loch Nevis, sur la presqu'île. Derrière moi, je pouvais, en me retournant, distinguer les montagnes de Skye. En face, dans l'aube naissante, je voyais jusqu'au premier coude du loch, les rives et les villages : Inverie, bien sûr, mais aussi Stoul et Tarbet. Ce que j'avais pu sauver de l'avidité anglaise. Des terres que le clan m'avait confiées, il ne nous restait plus que cela : le loch et ses rives, jusqu'à sa source, jusqu'à Airor au nord et Mallaig au sud. En pensant à mon père et à mon frère, l'amertume me saisit. Mais en pensant à Héloïse et à nos enfants, je savais que j'avais fait au mieux, que j'avais protégé ce et ceux que j'étais en mesure de protéger. Aujourd'hui, et plus qu'hier, l'Ecosse et l'Angleterre formaient une nation. Il nous faudrait encore du temps pour nous sentir, nous Highlanders, vraiment Britanniques. Le serions-nous d'ailleurs vraiment un jour ? Je pouvais en douter, car malgré sa puissance, malgré son armée, ses soldats, ses juges et ses barons, malgré la défaite amère et cruelle, malgré les morts, les déportés, les exilés, les lois, les interdictions, nous étions toujours là. Beaucoup de choses avaient changé, mais beaucoup demeuraient encore, et, plus que tout, l'amour que nous éprouvions pour notre pays et la fierté de ce que nous étions.

En ce jour de juillet, j'avais quitté le manoir très tôt et une Héloïse encore endormie. En ce matin de juillet, je voulais être un moment, seul, à contempler mes terres. Elles n'étaient plus les terres du clan. Demain, quand je ne serais plus, elles deviendraient les terres de Roy, puis, quand viendrait leur tour, celles de ses enfants. Et il en serait ainsi au fil des générations, si Dieu le voulait.

En ce jour de juillet, de grandes réjouissances nous attendaient, mais avant de participer à la joie et à la fête, j'avais tenu à venir ici, pour me souvenir aussi. De ce jour où j'avais offert la bague de ma grand-mère à Héloïse, sur la plage devant moi. De ce jour où Lowenna avait poussé son premier cri. De ce jour où je partis avec mes hommes, portant fièrement nos couleurs, pour rejoindre Charles Stuart. De ce jour où je revins, après plus de deux ans d'absence. Des malheurs et des bonheurs qui avaient ponctué ma vie.

En ce jour de juillet, un grand bonheur nous attendait, puisque nous allions célébrer la noce de Roy et de Kayane.

Le soleil émergea lentement au-dessus des montagnes, nimbant les monts de sa douce lumière dorée. Loin, très loin vers l'est, je pouvais distinguer le dôme arrondi du Ben Nevis, comme un vieil ancêtre bienveillant, toujours présent pour ses enfants. Un voile de brume recouvrait le lac, fin manteau déposé par la nuit.

Et en ce jour de juillet, je pus voir, au-delà des brumes, ma vie, ma terre, ma femme, mes enfants.

Et l'avenir.

FIN

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