Chapitre 1: Huit siècles plus tard

4 minutes de lecture

Avec peine, le bus empruntait la route montagneuse menant à ces petits villages montagnards isolés. À son bord, il n'y avait que peu de monde. Une dizaine de personnes maximum.

Parmi celles-ci se trouvait une jeune femme. Elle dénotait du reste des personnes présentes par sa jeunesse et son style vestimentaire. Écouteurs dans les oreilles, elle fixait le paysage d'un air absent. Elle tenait à la main une lettre qu'elle avait bien lu une vingtaine de fois depuis son départ du studio qu'elle louait dans une grande ville. Une lettre qui avait précipité grandement son retour. Un retour qu'elle aurait préféré ne jamais avoir à faire.

Lunar. Rien que le nom de ce village la faisait grimacer. C'était un village paisible et calme mais qui, comme une bonne partie des villages, avait ses mauvaises langues et une forte attache à ses traditions. Aussi quand une naissance hors mariage avait lieu, comme la sienne, les commérages allaient de bon train. On se mariait quand on voulait un enfant. Certes, avec le temps, certaines de ses traditions se perdaient et notamment celle-ci mais ce village était particulier.

En effet, c'était presque comme si il appartenait à un autre temps. À une époque lointaine dont les traditions restaient profondément ancrées, réfractaires à la modernité. C'était... étrange et dérangeant.

Un environnement étouffant pour cette jeune femme qui avait choisit de partir dès qu'elle le pouvait pour faire ses études dans une grande ville et se construire loin des ragots et des langues de vipères qui la nommaient volontier "la bâtarde" quand elle avait le dos tourné.

Rien que de penser au fait qu'elle allait devoir retourner vivre là-bas, la jeune femme frissonna violemment. Pour se calmer, elle mit un autre morceau de son MP3. Les premières notes fusèrent dans ses écouteurs. Enjoy The Silence de Depeche Mode. Parfait.

Un cahot fit glisser son sac de sport. D'un geste vif, elle le rattrapa avant qu'il ne tombe.

Lunar n'avait pas changé en ces trois ans où elle était absente. Toujours cette ambience pesante. Alors qu'elle descendait sur la place centrale, la jeune femme passa son sac de sport à son épaule. Elle sentit la courroie peser sur son articulation à cause du poids.

La place du village était morne. D'un gris sombre, la seule décoration était une petite fontaine en pierres. C'était un simple bassin avec une jeune fille portant une robe et une cape avec une capuche le surplombant. L'eau sortait de ses mains qui était en coupe au niveau de sa poitrine. Cette statue faisait penser au Petit Chaperon Rouge mais en plus âgé.

En regardant plus loin, le regard de la jeune femme s'attarda sur un bâtiment avec une façade blanche. Ce bâtiment, elle le connaissait bien. Envahie par une certaine nostalgie, elle s'en approcha.

Le café La Bonne Buvette n'avait pas changé. C'était toujours le même lieu agréable et accueillant. Si de prime abord l'exterieur n'avait rien d'extraordinaire, l'intérieur était composé de murs blancs avec des photographies de certains évenements du village comme des mariages. Plusieurs tables en bois massif occupaient l'espace avec une ou plusieurs chaises suivant la taille de la table.

La jeune femme s'approcha du comptoir. Du même bois que les chaises, il portait quelques stygmates du temps et de la maladresse de certains clients. Des tâches sombres maculaient le bois ainsi que des rayures. Certaines étaient d'ailleurs profondes comme si on avait volontairement rayé le bois avec un objet pointu.

Perdue dans sa contemplation, elle ne rendit pas compte de l'arrivée de la gérante. Celle-ci écarquilla les yeux, observa attentivement la nouvelle venue avant de murmurer quelque chose d'inaudible.

- Carmen ? fit-elle sans oser y croire.

Ce qui fit lever les yeux à la jeune femme.

- Salut, Violette, dit-elle avec un léger sourire.

- Alors ça... je ne l'aurais pas cru... dit la patronne du café. Tu es donc revenue ?

- Juste pour deux ou trois jours, répliqua Carmen. Ensuite, je repars.

Violette hocha la tête avant de prendre une tasse derrière elle.

- Tu veux quelque chose ?

Violette était l'une des rares personnes qui avait toujours témoigné de la sympathie envers Carmen. Aussi la revoir la rendait heureuse.

- Ça va ? demanda-t-elle timidement. Je suis navrée pour...

- Ce n'est rien, la coupa Carmen en s'asseyant à une table à une seule chaise. Je n'ai pas très envie d'en parler. Tu peux me faire à la thé à la menthe, s'il te plait ?

Violette hocha la tête avant de commencer à préparer le thé. Soulagée qu'elle ne pousse pas la conversation plus loin, Carmen ouvrit son sac et en sortit un cahier et une trousse.

L'écriture. C'était le moyen d'évasion de la jeune femme. Celui qui lui permettait de se vider la tête et de coucher ses sentiments sur le papier. Une quête d'extériorisation qui lui faisait le plus grand bien. Et elle en avait bien besoin.

Occupée à griffonner, elle n'entendit pas la porte du café s'ouvrir. Ce fut une main, posée sur son épaule, qui la fit sursauter. Levant la tête, Carmen croisa le regard de quelqu'un qu'elle n'espérait plus voir.

- Ethan, dit-elle froidement en fronçant les sourcils.

Celui-ci ne sembla pas s'en offusquer. La situation semblait même l'amuser. Il lui sourit avant de s'assoir devant elle.

- Tu es donc revenue, fit-il sans se départir de son sourire.

- Et alors ? répliqua son interlocutrice. Qu'est-ce que ça peut te faire ?

- Oh, rien. Mais tu sais, tu n'aurais peut-être pas dû remettre les pieds à Lunar.

Le ton employé, plutôt moqueur, et son air hautain fit serrer les dents à Carmen. Elle le foudroya du regard.

- Ce n'est pas de gaiété de coeur que je suis revenue, cracha-t-elle. Mais ma présence esr indispensable. Et puis, c'était la seule famille qui me restait.

- Ethan, intervenu Violette en posant une tasse de thé devant Carmen. Laisse-la tranquille. Elle vient d'arriver et est en deuil.

Ce disant, la gérente du café lança au jeune homme un regard éloquant. Posant les armes, celui-ci hocha la tête et se leva.

- Sur ce, bonne journée, mesdames.

Et il partit claquant la porte du café derrière lui.

Annotations

Vous aimez lire Bloody Eyes ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0