Décembre (1) - Vince

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[Vince]

[...]

J’acquiesçai d’un bref signe de tête et lui tapotai affectueusement le sommet du crâne. [Penny] eut un sourire volontairement niais et retourna dans son bureau. Je finis de ranger les dernières bricoles dans les placards et allai dans la salle de repos après avoir fermé la salle d’entraînement à clé.

Bakary était seul dans la pièce, nous attendant probablement, Medi et moi. Assis dans le canapé, il lisait le journal L’Équipe, son casque sur les oreilles et ne m’entendit pas arriver. Je lui piquai le journal des mains sans rien dire et m’assis à côté de lui. Il se redressa brusquement, presque surpris de me voir. Il retira son casque et mit la musique en pause. On se serra la main alors qu’on s’était déjà vu le matin à l’appart. Ne cherchez pas à comprendre notre logique parfois.

Il me demanda :  

- Bien ?

- Bien. Toi ?

Il ne répondit pas tout de suite, me regardant bizarrement, comme s’il cherchait ses mots. Pour un mec qui avait un débit de paroles plutôt élevé, c’était surprenant.

Je levai un sourcil interrogateur et lui fit un geste impatient de la main pour l’inciter à parler. Il dit :

- J’ai un truc important à te dire. Mais avant, faut que tu me promettes de pas péter un plomb.

Je fronçai les sourcils et préférai ne rien promettre. Je le regardai de manière inexpressive. Bakary soupira et frotta nerveusement son crâne chauve, cherchant toujours ses mots.

On m’avait souvent dit que je pouvais intimider facilement les gens avec mon regard, je cite « froid et vide », je m’en fichais un peu. Mais je n’avais jamais remarqué que cela puisse aussi avoir un effet sur Medi et Bak. Penny se contentait de me regarder avec dédain, puis elle me donnait ensuite un petit coup soit derrière la tête soit à l’épaule pour que j’arrête de ressembler, selon elle, à un psychopathe.

Bak ferma un instant les yeux et respira un grand coup. Puis il lâcha, ce qui à mes yeux était une bombe :

- J’ai l’intention de demander à Penny de sortir avec moi. Genre un rencard. Tête à tête. Amoureux. Que nous deux...  

Il s’arrêta de débiter ses inepties et me regarda, attendant visiblement que je réponde quelque chose.

 

Silence. Poings et dents serrés. Je le toisai froidement en essayant de digérer l’information.  

 

Il rompit inutilement le silence en demandant :

-  Heu, ca va ?

 

Quelle était cette question de merde ? J’allai lui faire bouffer son putain de journal. Mon coloc et meilleur ami voulait se taper ma sœur.

Bon ce n’était pas très classe de le dire de cette manière. Pour Bakary et surtout pour Penny. Autant l’admettre, j’étais très protecteur envers Penelope. Elle est en droit de fréquenter qui elle veut, quand elle veut – la preuve, je détestais Luc dès le départ, il nous détestait en retour, mais ils sont restés ensemble près de deux ans. Mais j’ai toujours ressenti ce besoin de la protéger et je n’aurais jamais hésité à faire payer quiconque lui faisait du mal.

Mais là avec Bakary, les choses se compliquaient. Plein de questions se bousculaient déjà dans mon cerveau : si les choses se passaient mal, est ce que Penny oserait m’en parler ? Si Penny faisait quelque chose de mal, est ce que je prendrais sa défense ou celle de Bak ? Si tout cela foutait le bordel dans notre quatuor, est ce qu’on utiliserait Medi comme un tampon ? Et tiens, en parlant de Medi, peut-être que lui aussi avait des vues sur Penny ?!

Merde, je devenais parano maintenant. Des scénarios catastrophes s’ajoutaient à toutes ces questions – Bakary abandonnant Penny enceinte jusqu’aux yeux qui tombe en dépression. Je secouai la tête vivement pour me sortir ces idées de malade de la tête.

Surtout que Penny était quelqu’un de très raisonnable et sensée. Et je connaissais aussi suffisamment Bakary pour savoir qu’il n’était pas du genre à se barrer dès les premières complications. Mais je ne pouvais pas m’empêcher d’imaginer le pire.

 

Bakary continuait toujours de me fixer, le visage de plus en plus soucieux. Si on était dans un dessin animé, de la fumée serait probablement sortie de mes oreilles. Et je lui aurais vraiment fait manger L’Équipe.

Je finis par dire, la bouche sèche :

- Et si je ne suis pas d’accord ?

- C’est à Penny de décider non ? De toute façon, aucun de nous deux ne sait si elle s’intéresse à moi de cette façon. 

- Non, elle ne s’intéresse pas à toi de cette façon.

Je savais que je me comportais comme un enfant, mais c’était plus fort que moi. Je ne voulais pas que Penny s’investisse dans une relation avec Bakary et me délaisse petit à petit. Et encore une fois je me rendis compte que je mettais la charrue avant les bœufs et que je jugeais Penny durement.   

Mon ami me sortit de mes pensées et tenta de s’expliquer :

- Vince, je sais que ca ne te fait pas plaisir, mais j’ai toujours eu un faible pour elle…

- Toujours ??

Bakary se leva brusquement du canapé et me fit face du haut de son mètre 90 :

- Écoute, Vince, tu me connais. Tu sais que je suis un mec bien qui respecte les filles. Et c’est juste un rencard. Déjà il faut qu’elle accepte. Et ensuite, on verra comment les choses se passent. Si ca ne marche pas tant pis ; si Penny veut plus qu’une simple amitié, tant mieux. Mais dans tous les cas, je te jure que ça n’interférera pas avec notre amitié. On est adulte, merde.

- Tu sais si elle plait aussi à Medi ?

Bakary sembla halluciner et s’exclama :

- Quoi ?! Mais qu’est ce tu racontes comme connerie. Bien sûr, que non. Medi kiffe sa collègue. La terre entière le sait ça. Sauf sa collègue et toi, apparemment.

 

OK.

 

Retournons sur le sujet de base avant de se retrouver à parler de choses encore plus ahurissantes.

 

- Medi sait que t’aimes bien Penny ?

- Oui…

- Et il m’a rien dit ce traitre ?? Et tu lui as dit en premier ?

- Je ne lui ai rien dit, t’es ouf ou quoi ? Il a juste deviné. Medi a l’air d’être un vrai gamin un peu con mais il est super intelligent. Il a respecté le fait que je ne veuille rien tenter avec Penny avant de t’avoir parlé. Mais ça le démangeait ce con de te le dire. Rappelle toi, il y a quelques semaines quand Penny était allée boire un verre avec Luc et que j’étais vénère.

Je fouillai dans ma mémoire. Ah oui. Ça me revenait. Puis progressivement, des petits détails du passé se pointaient dans mon cerveau :

· sa très grande déception quand il a appris qu’il ne pourrait pas partir en vacances avec nous et qu’il a en grande partie exprimée auprès de Penelope ;

· la trop grande joie de Bak lorsqu’il a appris que Penny et Luc s’étaient séparés ;

· quand c’était au tour de Penny de faire les courses pour un diner commun, il se proposait toujours de l’accompagner;

· le fait qu’il insistait pour la ramener jusqu’à sa voiture garée juste en bas de notre immeuble les soirs où elle dinait chez nous ;  

· le fait qu’il continue à faire la bise à Penny alors que Medi et moi, soit, la checkons, soit lui faisons une petite accolade – lui jamais ;

· sa déception le jour où il a appris que, oui, Penny a un copain ;

· la plus grande méfiance de Luc envers Bak qu’envers Medi et moi. Donc même Luc l’avait remarqué.   

Pourquoi je n’avais rien vu venir ? Je vivais avec Bakary depuis un bon moment quand même. Mon père avait sans doute raison : je devais faire plus attention à ce qu’il se passait sous mon nez. Encore une fois, j’étais dépassé par les évènements et je ne savais pas comment réagir diplomatiquement et de manière mature.

 

Toujours un peu irrité par la nouvelle, j’interrogeai Bak :

- Pourquoi elle spécialement ? Tu peux avoir toutes les filles que tu veux ! Je comprends pas.

- C’est pas une question d’avoir toutes les filles. C’est juste… C’est Penny. Je ne peux pas l’expliquer de manière rationnelle. Elle me plaît et j’ai l’impression qu’il y a un bon feeling entre nous…

Bakary agita sa tête et finit par me demander ce que je voulais qu’il dise, avec un air désespéré.

Je ne savais pas s’il y avait des choses en plus à dire. Je pouvais comprendre n’importe quel mec qui se retrouvait attiré par Penelope. Si on s’était rencontré à un autre moment, dans d’autres circonstances, peut-être que moi aussi j’aurais eu envie de sortir avec elle. Surtout, je n’étais pas en droit d’interdire à Bak de demander à Penny de sortir avec lui. Et elle était libre de choisir avec qui elle voulait passer du bon temps.

Un peu résigné, j’haussai les épaules et fit mine de me plonger dans L’Équipe. Mon ami se rassit à côté de moi et dit :

- Je te demande juste de me… De nous faire confiance à Penny et moi.  

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