La grande asperge et le p'tit gars

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Il était une fois une grande asperge au fond de son gratte-ciel. Elle avait la tête dure, le cœur doux, les jambes comme des quilles dans un jeu d’éléphant et les yeux comme des billes dans un peu d’eau de miel. Elle était triste comme la pluie mais forte comme le vent, son visage était de cire mais ses tripes de métal.

Elle s’ennuyait ferme au creux d’un quartier d’affaires, un nid d’aigles et d’acier qui battait de l’aile au rythme de la bourse plutôt que de la vie. Elle s’asseyait chaque jour, à 8h03, devant son ordi noir, avec son café noir, ses yeux noirs, sa jupe noire trop serrée et sa mèche de cheveux doucement calée derrière l’oreille. Elle attendait qu’à 8h14, sans faute et sans retard, le grand type de l’accueil lui dise bonjour comme une caresse trop appuyée, regard de glace et mains de flamme. Elle en frissonnait d’aise.

Un beau jour, ou peut-être une nuit, près d’un lac ils s’étaient endormis. Mais d’abord ils avaient bu un verre, et puis dîné devant une bougie, et puis pique-niqué sous les étoiles, et puis fait l’amour dans les senteurs de l’herbe. Il lui disait des douceurs trop sucrées, elle voulait essayer d’y croire comme à un Père Noël un peu tardif. Puis il s’évanouit dans l’ocre du matin, pétri d’arrogance tandis qu’elle vacillait, déjà, dans son rêve de romance.

Des mois passèrent mais rien, justement, ne se passa. Il ne lui parlait plus, elle tremblait dans son cœur et pleurait dans ses entrailles. Elle n’était rien ni personne, humiliée par un triste sire, fondue comme une triste cire.

Un jour vint un p’tit gars tout simple, ni Brad Pitt ni Musclor, ni pompier ni prince d’Angleterre. Il s’appelait Max, plutôt mini-pouce, il avait mille facettes dans les yeux et mille épis dans les cheveux. Il était gratte-papier dans le bureau d’en face, il empilait copies et formulaires comme d’autres sauvent des vies. Il était timide comme la chanson de Brel, il avait peur du noir et une verrue au pied, il était normal, si normal, gentiment normal.

Il lui offrit, chaque jour, un sourire franc, une attention saine, un intérêt sincère. Elle eut besoin de temps pour réussir à le voir, réussir à le croire comme une réalité que l’on n'attendait plus.

Elle finit par ouvrir l’œil, et le bon. Elle sut lire la douceur et la droiture qu’elle avait devant elle jusqu’à écrire à quatre mains toutes les lignes de leur nouvelle vie, simple comme un bureau dans un gratte-ciel anonyme, lumineuse comme un soleil dans un ciel infini.

FIN

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