Chapitre Unique

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Serré les uns contre les autres, nous observons.

Silencieux, il me suffit d’un simple regard à mes frères et sœurs pour comprendre qu’au fond, nous attendons qu’ils se tournent vers nous. Je me souviens encore des beaux jours, avant d’arriver ici. Je discutais avec ma fratrie à travers toute la maison. Le soleil nous inondait, et nous grandissions : innocents. Puis, vint le jour de la cueillette. C’est ainsi qu’ils nomment le fait de nous emmener loin de notre maison, de notre mère. Mais car il s’agissait des mêmes personnes que celles qui prenaient soin de notre santé, nous pensions tous que c’était pour le mieux.

Aujourd’hui, nous sommes là. Serrés les uns contre les autres, dans l’espoir d’être emmenés loin. Qu’ils nous prennent avec eux, et nous protègent. A chaque fois que quelques uns d’entre nous sont emmenés vers d’autres horizons, nous espérons tous être parmi les prochains. Quitter cet enfer, et ces néons qui nous privent chaque jour du soleil tant aimé. Ceux qui nous ont mit là, ce sont les mêmes qui nous en sortiront : nous l’avons constaté.

On m’attrape alors que je reste immobile, docile. La chaleur de sa main sur moi me fait frémir de joie. Enfin, je vais être libre ! Je lâche un bon courage à ceux qui restent, et je me blottis contre les autres élus. La route est mouvementée, j’en aie presque mal au cœur ! Dans le noir, nous nous serrons les coudes.

On nous secoue, nous pousse, et on nous laisse dans une nouvelle pièce. Encore des murs, encore des néons. Mais alors que la tristesse et le désespoir nous appellent à eux, un rayon solaire glisse sur notre peau. Nous sommes sauvés ! Heureux de voir l’astre, nous sommes regroupés bêtement. Notre regard se porte sur lui qui scintille haut dans le ciel. Mes frères et sœurs jasent, bientôt ils nous laisseront sortir. Pourtant, je ne peux faire taire mes craintes. Tremblant, je me cache derrière les autres et j’observe de loin l’astre d’espérance. Nous sommes encore à l’intérieur d’une de leur structure de métal. Ce que je souhaite c’est de nouveau sentir le vent frais du matin, la fraicheur de la pluie, le chant des oiseaux, et la chaleur des rayons solaires. Le parfum, au réveil, de la végétation me manque. Même l’odeur de terre des jours de pluie me rend nostalgique. Mais ici et maintenant, est-ce bien notre avenir ?

Je veux dire à mes frères et sœurs que nous ne sommes pas encore sauvés, mais une présence me stoppe. Tétanisé, je vois cette main se refermer sur ma sœur. Un des leurs. Il l’emporte avec lui. La mène-t-il dehors ? De l’autre côté de cette vitre ? L’attente et le questionnement : encore. Comme lorsque nous attendions, parqués dans leurs entrepôts.

Un autre est emporté. Toujours cette main qui nous attrape avec fermeté. Le doute, l’espoir, la peur : tellement d’émotions ! Je suffoque. Un frère me rassure, il me dit que nous sommes si proches de l’extérieur qu’ils ne peuvent qu’être des sauveurs. Il me rassure, moi et tellement d’autres. Mais lui aussi est emporté, de même que les autres. Je suis le dernier restant. Aucun n’est revenu : j’imagine que mon frère avait raison. C’est car je suis peureux, que je suis encore ici peut-être ?

La main que j’attendais se pose sur mon épaule. Elle me tire de ma contemplation. Moi aussi, je vais aller dehors ? On me pose sur du métal, mon regard se fait curieux. La peur m’asseye. NON ! Mon frère est là… au milieu des autres. Le cœur à nu, sa peau arrachée pendouille de la boîte où ils l’ont déposé. MONSTRE ! La rage s’entrechoque à la peur. Et lorsque d’un geste brusque, le tortionnaire déposé un étrange appareil de métal avec de grandes piques : je sais qu’il veut m’y empaler. Il discute avec un des siens, et je profite de son geste brutal pour fuir. Je tombe dans un bruit sourd, me blessant au passage. Je ne pensais pas que c’était aussi haut !

Cet humanoïde, ce géant, ce n’est pas un sauveur mais un tueur. Il m’a repéré. Mais je cours et cours. J’aperçois plus loin un endroit où me cacher de lui. Pour autant, il est plus vif que moi et stop ma course folle. Alors qu’il me soulève, j’aperçois ce qui m’attend. Un charnier où les restes des miens reposent me retourne le cœur. D’autres sont en train de hurler au supplice alors qu’on les poignarde et les taillades. J’en aperçois tranché dans le four ou jeter dans une marmite de caramel. L’Horreur à l’état pur. Je suis tétanisée, et bientôt, on me passe sous un puissant jet d’eau. J’étouffe ! Je veux fuir, et je hurle quand d’un couteau on me scalpe. Un mouvement brutal, et je sens qu’on me transperce. Mon sang suite de la plaie et j’aperçois la lame qui arrachera ma peau : le soleil en arrière plan. NON ! Dans un second et dernier geste de révolte, je bouge et fais en sorte de broyer mon cœur avec ces lances de métal. Je sens alors la vie me quitter, en même temps que mon tronc se disloque. Il rage le géant, je ris une dernière fois. Finalement, ils n’ont jamais été nos sauveurs…

« Fais chier ! Les gars, le pèle-pomme déconne encore ! C’est la seconde pomme qui s’arrache alors que je veux la peler !
— Tu sais pourtant qu’il faut bien les planter, sinon, elles se coupent en deux. Enfin, vas vérifier les tartes au four : on est en retard ! »

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