La Princesse Nymphe

de Image de profil de William DelahayeWilliam Delahaye

Avec le soutien de  bibigne, Angelinnog, Naethano 
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La princesse Cherya jeta un regard en arrière. Le soleil se teintant déjà de rouge, elle distingua aisément les cabanes du petit hameau qu’elle laissait derrière elle. La rosée faisait scintiller les feuilles tout autour, et une forte odeur d’herbe fraiche lui caressait les narines.

Une pointe de nostalgie s’empara d’elle et lui serra le cœur. Elle ne reverrait jamais ce lieu, ni les gens qui l’habitaient. Sa famille, ses amis, et surtout, sa petite sœur… C’était à elle que Cherya pensait en cet instant. Comment pouvait-elle lui faire ça ? Elle ne faisait pas que l’abandonner, elle la trahissait totalement. Elle allait lui infliger le sort qu’elle avait elle-même refusé.

Un tel fardeau…

Non ! Elle ne devait pas penser à cela. Elle était allée beaucoup trop loin pour renoncer maintenant. Après un ultime regard pour son ancienne demeure, Cherya s’enfonça au cœur de la forêt. Elle devait fuir avant que les habitants ne se réveillent. Avant qu’ils ne découvrent son absence.

Elle connaissait le chemin par cœur à travers les fourrés. Elle l’avait mémorisé, l’ayant emprunté plus d’une douzaine de fois ces derniers jours. La décision de sa fuite n’était en rien prise sur un coup de tête, elle y pensait depuis des semaines, anticipant les dangers et les problèmes qui pourraient lui arriver. Elle avait tout prévu.

Courant à en perdre haleine, elle atteignit plus vite qu’elle ne le pensait le cercle de pierres. Sans prendre le temps de réfléchir, elle bifurqua à droite et reprit sa course effrénée. Quelques minutes plus tard, elle arriva face à l’arbre aux feuilles turquoises. D’un bond, elle s’agrippa à l’une des branches les plus basses et s’en servit de balancier pour atterrir derrière un gros buisson d’épineux. Elle prit pied au sol avec souplesse, et repartit sur le sentier qui s’étendait face à elle.

Lorsqu’elle arriva devant le rocher plat, elle s’arrêta un instant pour reprendre son souffle. Elle ne pouvait pas continuer sur le sentier, un peu plus loin il la mènerait au pont, et donc, à sa gardienne. Retournant sous le couvert des arbres, elle chercha l’orme dans lequel elle avait taillé son premier repère. Bien que légèrement dissimulé, elle n’eut aucun mal à retrouver la petite entaille faite dans l’écorce.

Elle suivi alors la piste qu’elle avait elle-même créée, jusqu’à arriver aux abords de la rivière. N’ayant pas envie de perdre de temps ou de devoir courir trempée, elle utilisa une petite quantité de magie pour marcher sur l’eau sans mouiller autre chose que la plante de ses pieds.

Lorsqu’elle sentit de nouveau du gazon glisser entre ses orteils, elle se remit à cavaler dans la direction qu’elle savait être la bonne. Elle n’avait pas parcouru quinze toises lorsqu’elle flaira un problème. Les arbres le lui disaient. Ils ressentaient de la frustration. L’air en était imprégné. Elle n’était plus seule.

Elle évita de justesse le long bâton de bois poli qui s’apprêtait à lui frapper la poitrine. Son esquive lui coûta néanmoins son équilibre, et elle glissa lourdement à terre. Se relevant d’un seul saut, elle se retourna pour faire face à son agresseur.

Une nymphe lui faisait face. Les taches brunes qui parcouraient sa peau de lait ressemblaient à s’y méprendre aux rosettes visibles sur le pelage d’un léopard. Pourtant, ses canines et ses yeux lui donnaient plutôt l’allure d’un serpent, tout comme les écailles malachite qui dessinaient d’étranges motifs autour de sa mâchoire et de son cou.

Hormis les griffes qu’elle arborait à la place de ses ongles, le reste de son corps était celui d’une être humaine.

Cherya prit peur en la voyant approcher. Neliza ! La gardienne du pont. Comment avait-elle pu savoir qu’elle passerait par-là ? Avait-elle découvert les entailles dans les troncs d’arbres ? Avait-elle …

Cherya n’alla pas au fond de sa pensée. Elle comprit son erreur et se maudit de ne pas y avoir pensé avant. La magie. Elle avait ressenti la magie et était venue voir ce qui se passait. En tant que gardienne, c’était aussi son devoir.

Pourquoi n’y avait-elle pas songé plus tôt ? Qu’allait-elle faire maintenant qu’elle était découverte ?

Neliza approcha, l’air menaçant et brandissant son bâton.

- Princesse Cherya, vous ne devriez pas être ici.

- Vous non plus.

Elle avait répondu sans réfléchir, mais la peur avait laissé place à la frustration, et un instant plus tard, à la colère. Elle avait voulu s’enfuir discrètement, sans que personne ne soit menacé, mais à présent c’était trop tard, elle ne renoncerait pas.

S’excusant intérieurement de ce qu’elle allait faire, elle bondit sur la gardienne. Neliza était entrainée bien sûr, et sûrement l’une des meilleures guerrières de la Reine. Mais Cherya était rapide, bien plus rapide. Passant sous la garde de son arme, la princesse frappa d’abord de la paume de sa main dans le plexus de son adversaire. La guerrière fut projetée contre un arbre voisin, légèrement sonnée.

Se laissant glisser sur les genoux, Cherya arriva à son niveau et, fermant son poing, frappa de toutes ses forces dans la rotule qui se brisa d’un coup sec. Alors qu’elle s’apprêtait à crier de douleur, Neliza reçu un dernier coup à la gorge qui la fit s’écrouler.

Cherya s’éloigna en tremblant. Elle n’avait pas tué la gardienne, mais faire du mal à son propre peuple ne lui plaisait pas. Elle put ressentir la colère de la forêt autour d’elle. Les arbres qui la cernaient semblaient la fixer, peut-être même la juger. Certains d’entre eux, secoués par le vent, donnaient l’impression de lui faire une remontrance silencieuse.

Le princesse ne devait pas rester là. Si les nymphes surveillaient les arbres au village, elles apprendraient bientôt la nouvelle.

Prête à céder à la panique, elle repartit au pas de course vers l’Ouest. Elle ne voyait plus rien autour d’elle. Les arbres perdaient de leur substance tandis qu’elle courrait sans relâche dans un kaléidoscope de lumières vertes. Des larmes lui embuaient les yeux.

Passer pour une lâche qui avait fui ses responsabilités, elle aurait pu le supporter. Mais être considérée comme une traitresse qui s’était attaquée à l’une des gardiennes de son propre peuple, c’était quelque chose de totalement différent.

Prise dans ses sanglots, elle finit pas s’écrouler en percutant une racine proéminente. S’écrasant à nouveau sur le sol, elle caressa l’herbe autour d’elle, se demandant si elle aurait la force de se relever, ou si elle ferait mieux de rester allongée à terre, là où était sa place.

N’étant pas prête à miner elle-même sa détermination, elle prit appui sur un arbre pour se relever. Lorsque la paume de sa main entra en contact avec l’écorce du frêne, elle sentit les palpitations de la forêt. Le végétal lui envoyait un message. Les nymphes savaient, et elles arrivaient.

Cherya vit les images que lui envoyait la nature environnante. Sa mère, la Reine, était en première ligne dans la traque, en tête d’une demi-douzaine de nymphes guerrières. Alors qu’elle allait essayer de localiser précisément le groupe de ses poursuivantes, elle reçut une décharge dans la paume qui se répercuta jusque dans son épaule.

La Reine avait compris ce qu’elle faisait, et elle ne permettrait pas qu’on utilise sa forêt pour l’espionner.

Cherya se sentait perdue, quand elle l’entendit au loin. Le bruit des vagues qui s’écrasent contre les rochers. Elle était presque arrivée ! Sans prendre le temps de la réflexion, elle se remit à courir à toute vitesse. Plus rien ne l’arrêterait, pas même sa mère. L’océan était face à elle, plus que quelques toises à parcourir.

Lorsqu’elle le vit enfin scintiller entre les branches des arbres, une joie intense s’empara d’elle. Personne ne lui retirerait sa liberté aujourd’hui. Elle n’était plus la princesse Cherya de Nyhia, à présent elle n’était plus que Cherya.

Ses pieds foulèrent enfin le sable de la plage. À quelques pas au Sud de l’endroit où elle était sortie de la forêt, trois hommes poussaient un petit bateau de pêche dans les flots. Elle les rejoignit et reconnu Gédéon, le pêcheur avec qui elle avait passé un marché.

Les deux autres hommes ne l’avait jamais vu et furent d’abord surpris par son aspect, ils se figèrent instantanément et la fixèrent avec des yeux ronds. Les humains, si facilement impressionnables. L’un d’eux semblait horrifié par la longue queue féline et touffue qui battait derrière elle, mais regardait aussi de manière incrédule les oreilles de biche dressées sur sa tête. L’autre était moins choqué par son apparence que par sa nudité.

N’avaient-ils jamais rencontré de nymphe ?

N’aimant particulièrement pas le regard lubrique que le deuxième portait sur sa poitrine, elle cracha à la manière d’un félin en montrant ses canines anormalement longues. Le feulement sauvage eu l’effet escompté, les deux hommes blêmirent et montèrent à bord en s'emparant des avirons.

Gédéon fit signe à sa passagère de monter, puis il poussa l’embarcation sur quelques pieds avant de se hisser à son tour à l'intérieur. Les deux matelots commencèrent à ramer pour les éloigner du rivage tandis que le capitaine hissait la voile.

Cherya regarda la plage, redoutant d’y voir arriver l’équipe de recherche. N’ayant pas encore été rattrapée, elle préférait que cela reste ainsi. Mobilisant sa magie, elle envoya un courant d’air chaud dans la voile. Le bateau s’éloigna en vitesse vers le large pendant que la petite crique disparaissait derrière eux. Cherya s’installa à l’avant et regarda vers l’horizon.

Optimiste, elle sourit.

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En réponse au défi

Hors de l'œuvre

Lancé par Angelinnog

Bonjour à ceux qui passeraient par là :)

La défi que je propose aujourd'hui est assez simple quand votre univers et vos personnages vivent en vous, qu'ils parlent et agissent sans prémiditation e parfois même sans votre accord...

Je m'explique : pour ce défi, je vous propose d'écrire un scène qui se passent en dehors de la trame de l'histoire de votre roman, un petit bonus, un hors de l'œuvre...

Laissez vous portez par vos héros - qui n'en sont pas toujours - pour raconter une scène entre parenthèse, une suite ou un prequel.

Aucun genre imposé, aucune durée non plus... (Je préviens seulement que je n'irais pas lire les œuvres en contenu sensible ^^')

Faites vous plaisir,

Angel

Commentaires & Discussions

La fuite de CheryaChapitre5 messages | 3 ans

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