Ce que la guerre fait à l'amour

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Il s'agit ici d'un simple squelette qui demande de la chair dessus. Pour le style, j'ai l'intention de le conserver et approfondir.


La photo a été prise il y a bien longtemps, la piscine municipale en toile de fond. Deux enfants. Un garçon et une fille bras-dessus, bras-dessous, les yeux braqués droits et la bouche rieuse, en pose au milieu des amis, les guidons emmêlés. Ils sont citadins. Tous deux habitent le même quartier de la grande ville. Elle, le côté ouvrier ; lui, celui bourgeois. Ils se sont juré amour et fidélité malgré leurs milieux ségrègues. Elle aime l’école ; il aime le sport. Ils se retrouvent sur les gymnases et rentrent ensemble par de multiples détours. Tous deux ont un vélo. Le vélo, c'est être libre d'aller vite d'un point à un autre, et tout temps gagné est du temps pour eux. Tous deux grandissent, les vélos aussi. Tout le monde est au courant. Les adultes se disent "c'est une amourette de jeunesse, cela leur passera". Les amis s'en inspirent. Et eux deux,  s’installent dans une amitié amoureuse confortable. Le vélo devient leur passion. Lui, admire Charles Pélissier, vainqueur plusieurs années successives de plusieurs étapes du Tour de France. Il s'entraîne sans trop y croire à un jour participer à ce chemin de ronde. Elle, l'encourage. Tous deux acclament les coureurs le long des routes dans la liesse générale. En 1939, il a la chance de pouvoir serrer la main de René Vietto.

Un mois après, il est appelé, il doit partir. Il est heureux, il va servir son pays. Elle est triste mais le trouve beau dans son uniforme d’officier français. Elle est triste mais la vie est comme ça. Les hommes partent faire la guerre. Il y a foule sur le quai. Tout le monde s’embrasse, certaines pleurent sur la séparation. Tout le monde est confiant en la victoire. Ou veut y croire. Elle y croit. Lui aussi. Elle attend ses lettres. Une par jour, il lui a dit. Au début. C’est plus dur que prévu. Il lui parle des difficultés, du quotidien, des endroits traversés. Jamais des horreurs vécues. Ou un peu, entre les lignes. En général, il ne parle que de leurs projets. La maison qu’ils auront avec plein d’enfants dedans. Il lui parle de bonheur à venir. De son amour toujours intact qui l’aide, lui donne de la force. Elle choisit les rideaux. Les prénoms. Les sorties au cinéma. Leur vie mondaine, aussi. Et puis le Tour qui a été annulé.

Enfin, il revient. Avec une jambe en moins. Et bien moins beau qu’au départ. Amputé de la victoire. Vaincu. Son amour est devenu exigeant. Il faut maintenant déterminer la date du mariage. La mère l’appuie. Ainsi que le père. Sa mère à elle la décourage. Elle veut dire non. Tout son corps se rebelle. Comment feront-ils pour… La chose, là. Dont on parle rarement. Concrètement ? Autour de quoi va-t-elle enrouler ses jambes ? Elle veut dire non. Elle a peur. Elle est si jeune encore, avec toute une vie devant elle. Sa mère à lui parle de charité. De reconnaissance. D’oubli de soi. D’oubli d’elle, restée planquée bien au chaud pendant qu’il souffrait, souffre et souffrira. Pendant qu’il se battait pour elle et la Patrie. Elle dit oui, je veux toujours me marier. Elle n'ose cependant pas utiliser son vélo, de peur de le confronter à son impuissance.

Son amour est sur la photo jaunie, posée bien d’aplomb sur le manteau de la cheminée, au milieu de photos de leur mariage, d'enfants et petits enfants, de famille. Pas dans son lit.


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