CHAPITRE 3

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Deux heures plus tard, les sardines sont plantées, les matelas gonflés et la glacière est branchée. Quand Thomas et moi revenons du village avec les cabas remplis de victuailles, mon père sommeille dans le hamac. Je tends à Raoul un Picsou géant. Il l’attrape avec dévotion puis se précipite sous l’auvent. On ne le reverra de sitôt.

Ma mère papote autour d’un café avec ses amies. Nous les rejoignons. Assise à côté de Sara, Bérénice ronchonne après les moucherons agglutinés sur ses longues jambes enduites de crème solaire. Être un moucheron, une heure seulement. Pour cette grande fille de vingt-neuf ans, je suis le fils de ma mère. Pour l’auteur de ces lignes, Bérénice est un fantasme incarné. Elle a une petite cicatrice sous l’œil droit, des taches de rousseur, les cheveux blonds-roux frisés et les plus jolies fesses que la nature ait créées depuis que l’homme a choisi la bipédie pour vagabonder dans la savane. Si vous connaissez les bandes dessinées de Manara, dites-vous que Bérénice s’est un jour échappée de l’une des cases du maestro. Je ne comprends pas qu’elle soit célibataire. Ma mère a un jour évoqué une histoire moche avec un petit ami intermittent du spectacle. Je hais les intermittents du spectacle.

Bérénice me fait un signe de bienvenue. Pour votre information, j’ai un point commun avec les homards. À ébullition, je rougis. Je vire donc à l’écarlate quand elle se lève pour me faire la bise. Thomas est pétrifié ; Purdey a trouvé une concurrente. Il bredouille un mot qui oscille entre boulgour et bayou, sans doute bonjour. Agathe surgit devant moi et le temps reprend son cours.

—Salut bonhomme !

Elle est bien la seule à m’appeler ainsi. À sa décharge, elle me connaît depuis ma naissance. Agathe est ma marraine et l’amie d’enfance de ma mère.

Un klaxon tonitruant nous fait tous sursauter. Un 4x4 vert bouteille descend trop vite l’allée et s’arrête à deux mètres de nous. Par la fenêtre baissée, Xavier Berthois exhibe un avant-bras musclé et un sourire tout en dents blanches qui me le rendent aussitôt antipathique. Thomas doit être sur la même longueur d’onde car je l’entends murmurer « C’est quoi ça ? » au-dessus de mon épaule. La portion féminine et majoritaire de notre petit groupe ne partage pas notre aversion et c’est à qui gloussera le plus fort. Ma mère y compris ! Je la fusille du regard quand elle tire sur son chemisier pour agrandir son décolleté et je blêmis en la voyant avancer en minaudant vers l’Apollon de basse-cour.

— Xavier ! Quelle bonne surprise ! 

Réveillez-moi. En quoi est-ce une surprise et quelle est cette voix étrange et sirupeuse ?

Les portières arrière du Nissan s’ouvrent alors. Je m’arrache avec difficulté au spectacle pathétique offert par ces dames pour découvrir une brunette aux yeux rieurs. Je tombe amoureux pour la cent-unième fois depuis le début de l’année. Une autre fille sort par la gauche de la voiture. Petite, cheveux châtains coupés court, plus ronde, avec des yeux pailletés de vert et de jaune. Cent deuxième fois.

— Salut Xavier, salut les filles !

La voix paternelle a retenti au bon moment. S’ensuivent une série d’embrassades et d’accolades. J’apprécie la retenue de Bérénice quand Xavier Berthois l’aperçoit et marque le temps de silence habituel de ceux qui découvrent que la perfection est de ce monde.

Mince consolation. Il se reprend vite et se tourne vers mon père, feignant l’indifférence de ceux qui en ont vu d’autres.

C’est le moment que choisissent les Mortant pour entrer en scène. La Renault Espace de Patrick et Natacha se gare derrière le 4x4. Ludovic les a accompagnés et il est le premier à s’extraire du monospace bondé de valises et de sacs.

— Nous voilà, braille-t-il avec un grand sourire. Liliane, où est le barbecue ? J’ai faim !

Il embrasse ma mère puis mon père.

— Tu as pensé aux réserves ? s’inquiète-t-il.

Mon père désigne la glacière du menton et Ludovic pousse un soupir de satisfaction. Je l’aime bien. Cent pour cent nature, enjoué, hirsute et célibataire. Les femmes doivent se méfier de cet ogre débonnaire qui exclut d’office toute consommation de produit allégé de son régime alimentaire.


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