C’est un petit plaisir anodin qui sonna le glas de leur relation. Comme on pouvait s’y attendre, ce détail-là prit des proportions énormes. Puis s’ajoutèrent d’autres dissonances et la coupe fut pleine.

Alors tout fut bon à reproche, un mot, une attitude, une veste oubliée sur une chaise, un volet mal fermé.

Les mots se firent plus durs, les corps se tendirent, puis il y eu le silence. Et dans ce manque d’échange, cette absence d’amour, elle refaisait encore la même erreur sans savoir à quel point ça le crispait.

Sans savoir qu’il avait focalisé là-dessus et qu’il lui était impossible désormais de ne pas entrer en éruption à la voir faire.

Et pourtant, l’avait-il trouvé séduisante quand elle plongeait la cuillère dans le pot de miel pour se servir et finir par la glisser entre ses lèvres.

Maintenant, cette habitude l’exaspérait. Il redoutait le moment où elle remettrait la cuillère dans le pot parce que… Parce que ça ne se faisait pas, tout simplement !

Il finit par lui dire, rigide dans sa bonne éducation. Elle avait acquiescé sans un mot.

Le lendemain, elle avait plongé sa cuillère dans le pot de miel avant d’en faire dégouliner dans sa tasse. Puis, elle avait nettoyé le couvert de sa langue et le fixant droit dans les yeux, avait à nouveau introduit sa cuillère dans le pot.

« Tu le fais exprès ? »

Elle se leva et attrapa un autre pot dans sur l’étagère. Une étiquette vieillotte avait été collée en travers.

« Ton miel à toi. »

Elle tourna son pot lentement. Une étiquette identique l’ornait. « Mon miel à moi »

Elle le regarda.

« Tu veux aussi faire pareil pour le lit ? Ou ça ira ? »

Et sur ces mots, elle ressortit sa cuillère pour la porter à ses lèvres pleines sans le quitter des yeux une seule seconde.