19 – 3 Parce que nous avons les armes

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Elle avait retrouvé ses affaires et ses armes, et ils étaient repartis de leur communauté d’accueil après moult remerciements pour leurs bons soins. Ils étaient en chemin depuis quelques jours, le reste de convoi à allure réduite, elle accrochée à Barbe grise. Elle n’avait pas demandé où ils allaient, et elle commençait à le regretter, lui semblant reconnaître le paysage entre la communauté hospitalière et leur village de la forêt.

— Ne me dis pas qu’on rentre !

— Si ! Toute l’unité en repos.

— Comme si on avait le temps pour ça. On a des armes à trouver.

— Laisse. D’autres s’en chargent pour nous.

— Qui a décidé ça ?

— Nous tous.

— Non. Pas moi.

— Et tu vas faire quoi ? Sauter de la moto ? Toi aussi, tu as encore besoin de quelques jours pour te remettre de tout ça.

Elle grogna, rongea son frein les quelques heures suivantes, jusqu’à leur arrivée, estimant inutile de s’en prendre à lui. Le lendemain matin Mahdi la retrouva à la salle d’entraînement, déjà tellement en sueur qu’elle n’avait gardé que son short, le reste de ses vêtements trempés éparpillés dans un coin ou un autre. Et ce n’était pas le fait de la chaleur. Elle valsait inlassablement, passant d’un mannequin à un autre, puis à un sac de frappe, puis un autre, une autre silhouette, frappant sans discontinuer, assenant d’une rage noire plusieurs coups d’affilée sur ses cibles.

— Bon sang, tu es là depuis quand, à…

Elle vira brusquement, alors qu’il n’était qu’à deux pas d’elle, venant à sa rencontre. Tout alla très vite. Au premier passage, le bâton le frôla, la main qu’il avait avancée pour la poser sur son épaule devant se transformer en bouclier, mais pas au retour. Cela le fit reculer, grognant sous la douleur, mais elle revenait déjà à la charge.

— Hey, Hey ! Tout doux ! Ce n’est que moi !

— Je sais, rétorqua-t-elle d’une voix atone, le regard toujours brûlant.

Il évita de peu de se reprendre un autre coup de bâton.

— Qu’est-ce qui te prend ? Je ne suis même pas équipé.

— Moi non plus.

Il ne pouvait le nier. Elle insista, le provoqua.

— Qu’est-ce qu’il y a ? Tu as peur de perdre ?

— Tu ne m’as jamais vaincu.

— Parce que je n’ai jamais vraiment essayé.

Il s’abaissa, évitant une autre volée, réchappa à la feinte qui suivit.

— Je vois. Aujourd’hui, tu ne rigoles plus. Pas que tu le faisais les autres fois… Sauf que… Wow ! Tu es censée te reposer. Tu es à peine remise.

— Pas le temps pour ça. Tu le sais. Et toi, pourquoi es-tu venu ?

Elle s’était finalement arrêtée, mais sans quitter sa position d’attaque.

— Yahel ne t’a pas trouvée dans ton lit, ce matin. Elle s’inquiétait.

— Ne raconte pas d’histoire. Elle peut me trouver quand elle veut.

— Que crois-tu donc ? Elle n’utilise l’écran que durant les missions. Moi-même je m’attendais à ce que tu sois partie dans la forêt, ce que je lui ai dit pour la rassurer. Au lieu de ça… Que fais-tu exactement ?

— Tu le sais très bien. Si elle a bien enregistré notre dernière rencontre, tu as vu comme moi à quoi on a affaire. Pas question de rester ici à s’amuser.

— Leur temps viendra. En attendant, ne passe pas le tien dans cette salle. C’est devenu ta nouvelle grotte, ou quoi ? C’est ici que tu viens, maintenant, pour te détendre ou pour déstresser ? Je t’ai déjà dit que tu pouvais aussi venir me voir. Je ne peux pas t’y forcer, mais… ça n’est pas la solution. Tu sembles t’isoler chaque jour un peu plus. Vis donc un peu !

— Je vais très bien, ne t’en déplaise. Et vivre ? C’est quoi, vivre, quand la menace pèse ? Car je te rappelle que deux des nôtres y sont resté, et un troisième ne rentrera peut-être jamais.

— N’apprendras-tu donc jamais ? Décroche un peu de temps en temps, ou tu ne tiendras pas… Et tu veux faire quoi ? Y aller seule ? reprit-il après un temps de silence.

— Pour chercher de quoi les battre, comme on devrait tous le faire, pourquoi pas.

— Et ça, c’est quoi ?

— Un petit échauffement. Tous ces séjours à me faire soigner m’ont affaiblie. Il n’est pas question de ça. Au contraire !

— Ça t’as juste évité de… Bon. Très bien. Puisque tu y tiens… continua-t-il, voyant qu’il était inutile d’insister. Mais ne triche pas, continua-t-il en ôtant son T-shirt, ne gardant que son bermuda. Pose ton bâton, et faisons ça à armes égales. Tu gagnes uniquement si tu arrives à me mettre à terre.

Il confirma l’invitation en prenant position, et en l’invitant d’un geste. Elle accepta le défi, posa son bâton, et s’engagea dans le combat au corps à corps. Mais c’est elle qui se retrouva au sol, un bras encerclant son cou, l’autre maintenant son bras dans le dos, les jambes entremêlées aux siennes.

— Alors ? Je t’avais dit d’utiliser tout ton corps.

Il lui restait sa main droite, hélas mal positionnée, son bras bloqué par le poids de leurs deux corps. Elle lutta, engageant la lutte avec ses jambes, grognant de rage, comme si cela pouvait aider.

— Calme-toi, bon sang.

— Je ne peux pas… Je dois… Je dois les…

Elle réussit à extirper sa main, tâtonna, se demandant quoi attraper d’efficace, ne fit que glisser sur sa peau. Elle rua, se débattit, mais il bascula, la pressa sous son corps.

— Je ne te lâcherais pas tant que tu ne te calmeras pas… Allez… Chut…

Il chuchota encore contre son oreille, plusieurs fois, tout doucement, faisant durer le son chuintant. Elle faiblit avant lui, prise par la fatigue. Il testa, libérant son bras gauche, continuant à l’amadouer en passant la main sur sa cuisse, geste amical montant et descendant à un rythme régulier, caressant. Quelque chose changea, comme une atmosphère différente. Un verrou céda. Elle déglutit sans que son souffle ralentisse.

— Prends-moi… souffla-t-elle.

— Hein ?

— Je t’en prie… prends-moi, insista-t-elle en enfilant sa main sous le tissu de son short, l’abaissant en se tortillant.

— Pas là ! Pas comme ça !

Elle continua à se débattre avec le bout de tissu, le cognant des fesses, se collant volontairement à lui, se frottant, s’accrochant au bras qui entourait encore son cou.

— Caresse-moi, prends-moi, comme tu sais si bien le faire. Rappelle-moi ce qu’est la vie…

Injonction ou supplication, lui aussi dut céder. Il répondit à ses attentes, aida son corps à s’illuminer de l’intérieur. Elle fut prise d’une frénésie insatiable, s’emballant lorsqu’il pénétra en elle, l’énergie qui lui restait encore, cette rage contre ses ennemis, se transformant en désir. Mais il imposa le rythme, la freinant aussitôt, y allant lentement, très lentement, comme savourant le moment. Cette cadence dura de longues minutes, supplice suave de mille caresses, de tensions sensuelles, de plaisir vibrant, explosant à de multiples reprises, jusqu’à la sienne. Elle avait gardé les yeux fermés tout du long. Et bien que son corps se relâcha, retomba, s’abandonna entre ses bras, il ne se décidait pas à la libérer, la gardant contre lui, consolidant sa position en la rapprochant d’une main appuyée sur son ventre. Il retrouva son souffle dans ses cheveux défaits. Elle fourra son museau au creux de son bras. Les minutes s’écoulèrent, sans qu’aucun des deux ne le réalise.

Silence.

— Tara ? fit-il tout bas.

Elle ne réagit pas, immobile, paisible, la respiration régulière. Il remonta son short à sa place.

Bien plus tard, du mouvement se fit dans la pièce.

— Oh, pardon ! J’ignorais que vous étiez là.

Mathilde, gênée de les retrouver là, tous les deux, leurs deux corps allongées l’un contre l’autre, formant cette lettre sinueuse et sensuelle. Mahdi forma un chut sur ses lèvres, mais elle avait déjà compris.

— J’étais venu plus tôt, mais je vais vous laisser, chuchota-t-elle avec un clin d’œil.

— Merci… Je n’ai pas le cœur de la réveiller…

Mais elle ne partait pas.

— Dis-moi, tu la cajoles ou tu la contiens ?

— Mmh… Un peu des deux…

Elle pencha la tête quelques secondes. Un sourire tendre apparu sur ses lèvres.

— Mathilde… ça va ?

— Excuse-moi. C’est que… de vous voir comme ça, tous les deux… C’est beau…

Elle passa un doigt le long de son œil humide.

— Tu es sûre que ça va ?… Je passe te voir, après, ajouta-t-il, alors qu’elle avait hoché la tête en silence.

— Je me charge de retenir les autres, lui dit-elle avant de se décider à quitter les lieux.

Il fallut encore un long moment avant qu’un gémissement annonce son éveil.

— Eh bien… On termine sa nuit, à ce que je vois, se moqua-t-il gentiment en détendant son bras.

Elle entrouvrit les yeux, hébétée, un peu perdue, avant de s’étirer.

— Je dirais plutôt que j’ai dû me prendre pour un chat contre un radiateur…

— Belle tentative de rattrapage… Allez, zou ! Maintenant, à la douche, l’admonesta-t-il gentiment alors qu’il se relevait. Les autres doivent attendre qu’on libère la salle.

Elle ne put nier à quel point la lumière avait tourné. Mais elle traînait encore, allongée au sol.

— À la douche, hein ? Je te vois venir… se moqua-t-elle gentiment.

— Non, juste toi. Moi, je n’ai pas transpiré durant des heures. Et j’ai faim. Je vais d’abord aller manger un morceau… Tara ? reprit-il alors qu’il était presque la main sur la porte.

— Mm ?

— Je préfère te voir comme ça…

— Ah oui ? Comme quoi ? se gaussa-t-elle, retrouvant cet éclat sauvage dans le regard. Ne crois pas que j’ai abandonné. Et puis… Il faut savoir ce que tu veux. Si maintenant je dois me battre contre toi pour accomplir ma mission…

— Que je t’ai confié, je sais.

— Cesse donc de culpabiliser. Je sais ce que je fais.

— C’est juste que… Tu démarres une période… délicate. Je ferai tout pour que tu n’empruntes pas la mauvaise voie. J’ai besoin de toi.

Elle le regarda sortir sans comprendre.

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