Rêve d'action

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Vue sur l'Océan, je ne peux me plaindre. Je regarde sans cesse cet horizon qui se dessine. J'ai la chance de m'y trouver, de pouvoir admirer ce paysage idyllique que beaucoup de mes amis rêveraient d'avoir. Toute la journée les yeux rivés sur cette étendue d'eau en mouvement. Le reflet du soleil caressant les vagues provoque en moi un besoin de chaleur, de brûlure. Mais un pin se dresse derrière moi et de toute sa splendeur protège mon teint pâle et fragile. Dans cette atmosphère la vie humaine et animale ne règnent pas.

On m'a dit que je me trouve dans un chemin de randonnée que peu de personne n'osent emprunter. Quelque fois des courageux nous cachent la vue de leurs pas énergiques et sportifs, durant quelques secondes. Parfois ils s'arrêtent et profitent eux aussi du bruit apaisant des vagues s'échouant sur le sable. J'ai déjà perdu quelques amis, étouffés par ce poids trop insistant et puissant, ne pouvant retenir leurs respirations assez longtemps. N'ayant pas assez de résistance pour supporter tous ces kilos. On les reconnait à leurs yeux fermés, leurs raideurs cadavériques, leurs usures prononcées, leurs rondeurs subies.

Moi, j'ai un corps taillé, fort ; mes os pointus sont comme un bouclier, ils piquent les pieds des marcheurs qui face à cette attaque n'osent m'approcher. Mais j'ai un cœur mou, un cœur d'or qui voudrait être cajolé, approché et aimé. J'ai un fond coloré derrière cette peau pâle et je rêve de le montrer.

Toutes ces journées face à l'océan, je rêve, je souhaite, j'imagine, je prie. Je veux rejoindre ces mammifères agitant les profondeurs de cette mer. Je veux nager, je veux parler avec les coraux, les pierres de laves. Je rêve de voyages. Je souhaite sentir l'eau sur mon corps. J'imagine ce que l'on ressent lorsque l'on flotte. Je ne peux bouger, je ne peux y aller. Je ne peux même pas savoir si cela est possible. J'ai observé l'horizon avec l'espoir de voir un confrère à la surface, bronzant. Personne n'est revenu, personne ne sait la sensation, personne ne peut me raconter alors j'imagine et je prie pouvoir essayer un jour et témoigner.

Un matin, le soleil au quart du ciel, des bruits de pas se sont fait ressentir. J'ai entendu mes voisins paniquer, prendre leurs respirations. Fatigué, j'ai levé les yeux et j'ai prié une dernière fois que cette fois-ci quelque chose se passe. Un jet vers un autre point de vue, un changement, un mouvement, la mort, mais quelque chose. Et puis j'ai fermé les yeux et attendu. Les pas se sont rapprochés tranquillement. Trois personnes, deux plus lourds que l'autre. Une qui marche plus que les autres. Trois personnes, s'ils marchent l'un à côté de l'autre, une chance sur deux pour que l'un me marche dessus, me remarque. Finalement. Peut-être lui ferais-je mal et qu'il me prendra dans sa main et par colère me jettera dans l'eau au loin, vers un autre endroit, un autre avenir.

Un pas et il sera sur moi, son poids me tuant, peut-être. Je sens son pied au-dessus de moi, toujours les yeux fermés j'attends mon destin. Il pose son pied et je ne ressens rien. Aucune douleur, n'en ayant pas la capacité ; aucune émotion. Je les entends avancer et je ne comprends pas comment cela est possible, j'ouvre alors les yeux et les vois avancer sur la plage. Ils sont bien trois, deux grands et un beaucoup plus petit. Ils s'approchent de l'eau, la jalousie m'envahit, je suis témoin de ce dont je rêve tant. Le plus petit d'entre eux court les pieds dans l'eau. Les grands sont assis et se parlent. Le petit s'assoit à côté, il joue avec le sable, un seau et une pelle arrive entre ses mains. Des tas se forment, déformant cette ligne parfaite. Soudainement le petit court de nouveau, de droite à gauche à la recherche de quelque chose, je ne sais quoi. Il s'arrête et me regarde dans les yeux. Il sourit alors et court dans ma direction. Il passe au-dessus de moi et prend un bout d'écorce de l'arbre.

Voici maintenant son cinquième aller-retour, il décore son château de sable. Au bout du troisième j'ai perdu l'espoir qu'il vienne me chercher. Les grands viennent de se lever pour partir et finir la randonnée. Seulement le petit ne veut pas et s'énerve, il n'a pas fini. Il recommence alors à courir, surement pour ramasser encore un bout de bois. Cette fois il s'arrête devant moi. Je ne vois plus l'horizon. Ma magnifique vue me manque déjà. Il se penche et ses doigts frôlent mes voisins. Il s'arrête et me ramasse doucement. Dans sa paume, je me sens bien, en sécurité mais je ne vois toujours rien, je ne sais pas où il m'emmène.

Le soleil m'agresse, il a ouvert sa main et ils me regardent tous. Puis il me pose en haut du tas de sable, sur la plus haute tour du château. Ils prennent une photo, je fais mon plus beau sourire et ils repartent, me laissant là où la chaleur me fait rougir. Je vois l'eau, plus près que je ne l'ai jamais vu. Pourtant j'ai perdu l'espoir de me retrouver dans cet océan. Les yeux fixés devant moi, je pleure, la tristesse ravage tout mon corps. Les larmes s'enfouissent dans le sable se trouvant sous moi. Petit à petit celui-ci s'enfonce et s'effondre. Je n'en ai que faire.

Je ferme à nouveau les yeux et attend, le calme, la tempête quelque chose, rien. Il fait nuit quand je remarque qu'il fait plus frais qu'avant. Ma peau sur le sable, j'observe une autre vue. L'eau noire n'est plus très loin de mon corps mais toujours pas assez pour m'emporter. Il ne se rapprochera pas plus.

Cela fait maintenant 137 soleil que je suis sur cette plage, j'ai repris l'espoir et j'attends le jour où une tempête rendra la mer furieuse ; où un iceberg fondera et fera monter le niveau de l'eau. Où même qu'une personne vienne et me donne un petit coup de pied, un petit coup de pouce pour que j'atteigne enfin mon but.

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