Chapitre 27

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La chaleur est écrasante. L’humidité suffocante. Ambre essuie la sueur acide qui lui coule dans les yeux. Elle empoigne sa longue chevelure et l’attache bien haut, décollant les mèches qui collent à sa nuque. Les oiseaux s’en donnent à cœur joie au-dessus de sa tête. Elle essaye de reprendre son souffle tout en fouillant dans son sac à dos, à la recherche de sa gourde. Faire une randonnée de deux jours dans la jungle du Yucatan était une très bonne idée. Sur le papier. Elle ne s’imaginait pas que ce soit aussi sportif. Les dénivelés n’en finissent plus. Elle à l’impression de grimper l’Himalaya, sauf qu’il fait trente degrés et que la moiteur ambiante s’infiltre partout et l’empêche de respirer. Son t-shirt lui colle à la peau. Se baigner tout habillée dans une piscine aurait eu le même effet. Ses pieds, à l’étroit dans ses chaussures de marche, lui rappellent qu’ils existent à chaque pas qu’elle fait. Et ce sac qui lui lacère les épaules et lui bloque les cervicales, ne fait rien pour arranger son humeur.

- Allez Ambre ! Si tu t’arrêtes toutes les cinq minutes, on ne sera jamais arrivés au spot avant la nuit.

- Je te promets, si Alex continue à me presser comme ça, je l’étrangle avec une liane. Je découpe son corps à la machette et je balance ses morceaux aux animaux sauvages. Pas de traces. Propre. Du travail de pro.

Lila rigole en l’aidant à remettre son sac en place. Elle aussi a le souffle court. Ses joues sont aussi rouges que les roses dessinées sur son top blanc. Elles se remettent en marche en silence. Quand elles passent devant le groupe qui les attend en haut d’une côte, le sportif interpelle Ambre.

- Tu vois, ce n’était pas si compliqué.

- Vraiment Alex, ferme là, dit la jeune femme, les dents serrées.

Le blond est à l’aise. Il est dans son élément. Les randonnées, l’effort physique, c’est toute sa vie. Il ne semble même pas souffrir de la chaleur. Les autres se débrouillent aussi très bien, chacun à son rythme. Ambre a vraiment l’impression d’être le boulet qui ralentit le groupe. Alexis, ouvre la bouche pour lui répondre, mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit, Noah s’interpose.

- Mec, si tu ne veux pas finir avec un cocard, je te conseillerais de la fermer.

- Oh, ça va le chevalier servant, je ne t’ai pas sonné. Tu es toujours obligé d’intervenir à sa place ! Elle ne peut pas se défendre toute seule ?

- Alors, de un elle a un prénom. Et de deux, elle t’emmerde bien profond Alex ! s’écrit Ambre en s’approchant de lui, collant pratiquement son visage au sien.

- Tu crois que tu me fais peur ? Qu’est-ce que tu vas faire, hein ? se moque le blond.

Alexis approche lui aussi son visage. La jeune femme fulmine. Elle a envie de lui arracher la tête et en même temps se refuse à reculer d’un pas. Son ami est trop proche, elle n’aime pas ça, mais elle veut gagner. A tout prix.

- Je vais t’arracher les yeux et te les faire manger. Puis, je vais te couper ce qui te sert de cerveau et te la fourrer dans le c…

- Respire ma belle, lui chuchote Noah à l’oreille, en la serrant par la taille et en l’éloignant quelque peu d’Alexis. Il n’en vaut pas la peine.

- Tu vois, toujours à ramper à ses pieds. Je ne sais pas comment tu peux supporter ses caprices au quotidien, sérieux ? Elle fatigue tout le monde !

- Ambre peut très bien se défendre toute seule. C’est pour toi que je disais ça ! réplique l’ébéniste.

Il fait passer sa petite-amie derrière lui et se place devant Alexis. Il le domine et envahi son espace personnel en le fixant droit dans les yeux, si bien que le sportif est obligé de lever la tête pour ne pas perdre le contact. Il l’empoigne par le haut du t-shirt en disant d’une voix sourde, pleine de menaces :

- Par contre, si tu lui manques de respect, là oui, tu vas avoir affaire à moi. Compris ?

- Ok les gars, on se calme. On est tous fatigués. Il nous tarde tous d’arriver. Ça ne sert à rien de se battre, tempère Gabriel. Il ne nous reste que deux kilomètres, donc on garde notre calme et on avance, s’il vous plait.

Ambre lance un regard noir à Alexis. Elle le fixe, longtemps. Finalement, c’est lui qui baisse les yeux en premier. Il part devant sans se retourner. La jeune femme respire profondément pour se calmer. Elle sent les larmes lui monter aux yeux. Elle est énervée, épuisée. Elle sait que sa dispute avec Alexis est ridicule et puérile, mais il a dépassé son seuil de tolérance pour la journée. Elle laisse passer le groupe devant elle et les suit de loin. Ambre a le cœur qui se serre et sent la détresse prendre le dessus. Elle chasse du revers de la main les goûtes salées qui lui brouillent la vue. Noah se retourne au même moment. Elle lui sourit, espérant que ça suffira, mais il fait demi-tour, les sourcils froncés par l’inquiétude, et vient à sa rencontre.

- Mon cœur, qu’est-ce qui se passe ? lui demande-t-il en chassant ses larmes du pouce.

- Je suis vraiment nulle…

- Pourquoi tu dis ça ?

- Je suis incapable de faire une simple randonnée sans souler tout le monde. Je m’énerve pour un rien. Alex a raison, je ne sais pas comment tu fais pour rester avec moi ?

- Parce que tu crois que lui aussi n’est pas chiant à supporter au quotidien ?

A ces mots, les larmes d’Ambre redoublent d’intensité. Elle ne sait pas pourquoi d’ailleurs, mais elle n’arrive pas à les stopper. Bon, elle a peut-être quand même une petite idée, vu la période du mois. Noah la prend dans ses bras et lui caresse tendrement les cheveux, en lui chuchotant des mots apaisants à l’oreille.

- J’ai vraiment l’impression d’être capable de rien. De servir à rien. Sauf énerver tout le monde apparemment…

- Eh, stop Ambre. Pourquoi tu te remets en question comme ça ?

- J’en sais rien…

- Alors arrête ça tout de suite. On est en vacances. Ne te prends pas la tête pour des bêtises.

Ambre acquiesce, se calme et ils reprennent leur progression, main dans la main. Malgré sa fatigue, la jeune femme ne lâche pas l’affaire. Elle puise dans ses dernières forces pour arriver. Noah ne la quitte pas, il l’encourage et l’aide à passer les obstacles les plus difficiles. Alors qu’ils sont en train de rattraper le groupe sur une partie du chemin plutôt plate, la jeune femme demande :

- Pourquoi j’ai l’impression qu’on est tous à cran pendant ces vacances. La moindre chose part en dispute.

- Parce qu’on est nombreux. S’entendre à dix, même si on est amis, vivre tout le temps ensemble, avec les forts caractères qu’il y a dans le groupe, c’est normal que par moment ça fasse des étincelles. Et puis, je pense aussi que pour la plupart d’entre nous, ça fait une éternité qu’on n’a pas coupé avec notre quotidien et notre travail. Le relâchement fait qu’on est un peu plus sensibles sur certains sujets.

Ambre le regarde, étonnée d’un tel discours. Elle le trouve tout à fait juste, ce qui la rassure. Elle se sent mieux, plus apaisée. C’est fou comme cet homme arrive à la faire redescendre sur terre.

- Tu sais que tu es vachement sexy quand tu parles comme ça ? lui dit-elle.

- Que quand je parle ? enchérit Noah, son sourire en coin typique dessiné sur le visage.

Ambre le pousse par l’épaule, avant de rejoindre les autres. Elle regarde dans la même direction qu’eux, vers le bas. Ils font face à un grand trou, entouré de végétation luxuriante. Au cœur du cratère, à environ dix mètres au-dessous d’eux, une étendue d’eau turquoise scintille sous les rayons du soleil. Par endroit, des lianes viennent toucher la surface du lac souterrain. L’endroit est idyllique. La jeune femme à l’impression que des nymphes ou des sirènes vont apparaître et venir leur dire bonjour.

- On y est ! déclare Gabriel. On a atteint le cénote.

Tout le monde cri de joie et de soulagement. Ils marchent depuis le matin, huit heures. Ils comptent bien profiter de ce lieu magique en cette fin d’après-midi. Ils l’ont tous mérité. Des marches, sécurisées par une rampe en bois précaire, leur permettent de descendre au plus près de l’eau. Une avancée de la roche fait office de plage couverte. Les garçons ne perdent pas de temps, à peine sont ils en maillot, qu’ils se lancent dans l’eau, éclaboussant tout sur leur passage. Noah ressort en s’ébouriffant les cheveux, ses boucles sombres envoyant des petites gouttelettes dans les airs. Il remonte le sentier sur quelques mètres, pieds nus, enjambe la rembarde pour se placer au bord du précipice. En le voyant ainsi en équilibre, Ambre retient sa respiration. Il est assez grand pour savoir ce qu’il fait, mais elle ne peut s’empêcher d’être inquiète. Elle le voit prendre une liane dans ses mains et tirer avec force dessus pour s’assurer de sa solidité.

- Tu peux m’expliquer pourquoi je sors avec ce type déjà ? demande-t-elle à Lila, qui est en train de retirer son short en jean.

- Parce que c’est un très bon coup ?

- Touché ! rit Ambre, ne s’attendant pas à cette réponse de la part de son amie.

Toujours perché, Noah pousse un cri et se lance dans le vide, accroché à la corde végétale. Arrivé au centre du cratère, il se lâche dans le vide. Il fait un salto dans les airs, avant d’entrer dans l’eau de manière parfaite, sans éclaboussures.

- Alors, tu as toujours envie de changer de mec, après avoir vu ça ? lui glisse Lila, avant d’aller s’assoir au bord de la piscine naturelle.

- Je ne suis plus si sûre…

***

Lila est en train de démêler ses cheveux tant bien que mal, quand la fermeture éclair de sa tente s’ouvre. Gabriel pénètre difficilement à l’intérieur. Il avance à quatre pattes dans l’espace réduit et se retourne pour fermer leur abri, ne manquant pas au passage de bousculer Lila. Il s’affale ensuite sur le tapis de sol à côté d’elle en poussant un grognement.

- Je suis épuisé. Je ne sens plus mes jambes.

- Moi non plus, avoue la jeune femme.

Pour cette nuit, ils campent dans une petite clairière, à proximité du cenote. Ils ont profité de ses eaux claires et fraiches toute la soirée. La journée a été intense pour tout le monde, et demain ils ont encore pas mal de kilomètres à faire, donc ils préfèrent se coucher tôt. La répartition dans les tentes, par contre, a été toute une histoire. Deux tentes pour deux personnes. Deux tentes pour trois personnes. Quatre couples. Une bataille sanglante qui s’est résolue par un pierre, feuille, ciseau, dans les règles. Au final, Lila s’est brillamment défendue et peut désormais dormir tranquille avec son amoureux. Et comme les deux célibataires du groupe ne voulaient pas tenir la chandelle, et que mettre Alexis et Ambre sous le même toit était une décision inconsciente, les filles dorment ensemble, les garçons de leur côté.

- Merci d’avoir gagné, dit Gabriel en se redressant pour retirer ses vêtements.

- Pourquoi ?

Lila l’observe à la dérobée alors qu’il lui tourne le dos. Elle ne se lassera jamais de voir son dos musclé, ses bras puissants, son ventre plat recouvert d’un duvet doré, ses fesses moulées dans son boxer, ses longues jambes. Un soupir lui échappe, faisant se retourner le jeune homme. Ses yeux bleus rappellent à Lila les reflets de l’eau où ils se sont baignés plus tôt. La surprise et l’amusement se lisent sur son visage. Prise la main dans le sac, Lila ne se démonte pas. Elle apprend, jour après jour, à se lâcher, à être plus sûre d’elle dans sa relation. Et elle aime ça. Sans le quitter des yeux, elle passe la langue sur ses lèvres, dans un geste provocateur. Le musher écarquille les yeux, puis penche la tête en arrière dans un éclat de rire. Il se rapproche lentement, jusqu’à être à quelques centimètres à peine de son visage. L’intensité de son regard lui donne des frissons. Gabriel se penche en avant, son poids la forçant à s’allonger. Il la domine et la regarde un long moment sans bouger. Puis, lentement, il remet en place une mèche de ses cheveux derrière son oreille, caressant sa joue au passage. Lila sent son souffle s’accélérer.

- Parce que j’ai attendu ce moment tout l’après-midi, souffle Gabriel en déposant des légers baisers le long de sa mâchoire.

- Quel moment ? fait semblant de ne pas comprendre Lila.

- Se retrouver seuls… (Gabriel fait une pause pour l’embrasser dans le cou), tous les deux.

- Ah… et pourquoi ?

- Tu n’as même pas idée… S’il n’y avait eu personne dans l’eau tout à l’heure…

- Qu’est-ce que tu aurais fait ? murmure la jeune femme, sentant son ventre se nouer de manière délicieuse.

Le musher continue sa lente progression, s’attaquant maintenant à la commissure de ses lèvres. Lila retient son souffle, entrouvre la bouche, prête à l’accueillir, mais Gabriel se recule avec un sourire malicieux, laissant la jeune femme frustrée.

- Tellement de choses. Des choses dont tu n’as même pas idée.

- Ah bon… quoi par exemple ? bafouille Lila qui a de plus en plus chaud.

L’espace sous la tente est une étuve, saturé de désir. Il empli l’air, écrasant avec force la jeune femme. Elle n’a pas le souvenir d’avoir ressenti un sentiment aussi fort avec personne d’autre. Ce besoin viscéral de se perdre dans les bras de Gabriel, cet élan sauvage, primal. En temps normal, elle l’aurait réprimé et en aurait eu peur, mais pas là, pas en ce moment alors qu’elle sent une douce chaleur se répandre lentement dans son corps jusqu’à son bas ventre, pas avec cet homme.

- Dès que je t’ai vu avec ce maillot de bain rouge…

Gabriel ne finit pas sa phrase. A la place, il laisse échapper un grognement alors que Lila a passé une main dans ses cheveux et que de l’autre elle caresse ses pectoraux musclés du bout des doigts. De la chair de poule se forme sur ses bras.

- J’étais partagé entre vouloir t’arracher ces petits bouts de tissu sur le champ. Ou alors te forcer à les garder à vie. Que ce soit ton unique et seule tenue.

Le regard voilé qu’il lui lance provoque une décharge d’énergie dans son corps. Elle se relève légèrement à l’aide de ses coudes pour s’approcher du visage de Gabriel. Pensant qu’elle s’apprête à l’embrasser, il ferme les yeux, mais au dernier moment, elle colle presque sa bouche à son oreille.

- Si je te dis que je le porte encore sur moi… murmure-t-elle, évasive.

Il réouvre les yeux et la fixe un instant. Lila adore qu’il la regarde comme ça. C’est cliché, mais en cet instant, elle a vraiment l’impression d’être la seule fille sur terre à ses yeux. Il n’y a pas meilleur sentiment que de sentir qu’elle lui fait cet effet, de savoir que c’est elle qui a le pouvoir sur les réactions de son corps. Dans l’intimité, elle a rarement été autant aux commandes qu’avec lui. Alors, sans prévenir, elle enroule ses jambes autour du bassin de Gabriel et le fait basculer sur le dos. Elle se retrouve à califourchon sur son ventre. Sa position lui permet d’éloigner tout doute persistant. Il ne joue pas la comédie et la désire vraiment. Alors, avec une lenteur délibérée, Lila entreprend de faire passer son top par-dessus sa tête, dévoilant son haut de bikini. Gabriel relâche subitement le souffle qu’il avait gardé. Lila le sent durcir encore un peu plus contre ses fesses. Sans le quitter des yeux, elle déboutonne son short. Elle le fait descendre sur ses hanches. Sa sensualité s’évapore en une seconde, lorsqu’elle comprend que ça ne va pas être si simple de l’enlever, dans cette position et dans un espace aussi réduit. En temps normal, elle se serait mise debout, mais assise, sa tête touche presque la toile de tente. Gabriel l’aide tant bien que mal, mais ils s’emmêlent les jambes et les bras et Lila finit par tomber sur son torse en riant. Quand ils arrivent enfin à calmer leur fou rire, la jeune femme entreprend de tracer des petits cercles sur la peau de Gabriel, accompagnés de baisers parfois furtifs, parfois plus prononcés. Les gémissements qu’elle entend l’encouragent à continuer. Quand elle se relève, leurs regards s’aimantent. Lila part à la rencontre de ses lèvres qu’elle aimerait ne jamais quitter. Leur baiser d’abord lent et sensuel, devient plus animé, plus avide. Leurs cœurs se mettent à battre à l’unisson, leurs corps à bouger d’un même rythme, leurs hanches à entamer des va-et-vient douloureux. Les doigts de Gabriel s’aventurent sur le tissu de son haut de bikini. Il parcourt la couture sous sa poitrine, joue avec le nœud qui retombe sur son ventre, continue sa progression en effleurant le dessus du bonnet. Par moment, sa peau rentre en contact avec celle de Lila, laissant derrière elle une trainée de frissons brûlants.

- Tes seins… tes seins moulés dans ce maillot, c’est la plus belle chose que j’ai jamais vu, souffle le blond.

Puis, il descend sa main sur son ventre, passe dans son dos, pour tracer les coutures de sa culotte.

- Et tes fesses, à peine cachées par ce petit bout de tissu rouge… grogne Gabriel en les prenant à pleine main, faisant pousser un cri de surprise et de plaisir à Lila, qu’elle essaye d’étouffer en plaçant la main sur sa bouche.

Tout à coup, une montée d’angoisse vient lui nouer l’estomac. Et si les autres les entendaient ? Lila se fige à cette pensée. Gabriel s’en aperçoit et se relève en position assise. Il se passe une main sur le visage, dégageant les mèches humides et légèrement frisées qui s’y sont collées.

- Tout va bien, d’accord. Pas de panique, la rassure-t-il en l’enlaçant.

Elle enfouille sa tête dans le creux de son épaule et respire à fond son odeur. Elle se sent en sécurité. Elle sait que rien ne peut lui arriver quand elle est avec lui. Ses angoisses ne prennent plus le dessus comme elles avaient l’habitude de le faire. Désormais, dès que Lila sent arriver une crise, elle la calme rapidement. Et Gabriel l’aide au quotidien avec ça. Il vient lui mordiller l’épaule, lui lécher le cou, l’embrasser juste sous son oreille. Toutes ses pensées négatives s’évaporent. Elle met son cerveau en sourdine et se laisse submerger par les sensations de son corps. Elle se redresse et embrasse avidement Gabriel, caressant sa langue de la sienne. Leurs mouvements se font plus saccadés, plus pressants. En quelques secondes, les choses s’accélèrent. Lila se met à genoux pour enlever ses sous-vêtements, tandis que son amoureux fait de même avec son boxer. Alors qu’elle s’apprête à dégrafer son haut, le musher la retient d’une main et lui dit d’une voix roque :

- Garde-le. Je veux voir tes seins bouger, comme s’ils étaient deux bijoux dans leur écrin…

Lila pose ses mains à plat sur son torse et le fait se rallonger. Elle passe une jambe au-dessus de lui et s’assoit sur son ventre. Elle se penche en avant pour l’embrasser.

- J’aime quand tu deviens poétique, murmure-t-elle contre ses lèvres.

Elle dépose ensuite des baisers le long de sa mâchoire, savourant le picotement de sa barbe sur sa peau ultra-sensible. Gabriel respire difficilement. Il ferme les yeux quelques secondes et elle en profite pour venir mordiller son lobe d’oreille. Il se tend et réprime un gémissement. Elle adore le voir dans cet état, vulnérable, beau.

- Mais je préfère quand tu passes à l’action… susurre-t-elle à son oreille.

En grognant, il lui attrape fermement les hanches pour la soulever au-dessus de lui. D’une main, il vient diriger sa verge contre le sexe de Lila. Elle retient son souffle. Chaque caresse, chaque effleurement de peau, est une torture. La meilleure qui soit. Gabriel titille la jeune femme en faisant glisser son gland sur sa peau humide, jusqu’à son clitoris. Lila ferme les yeux et rejette la tête en arrière. L’odeur acre de leur sueur mélangée à celle de leur désir, vient exacerber ses sens. Gabriel continue à la stimuler pendant un temps qui lui paraît infini, mais à la fois beaucoup trop court. Il se place ensuite à l’entrée de son vagin et la fait descendre. Lentement. Très lentement. Lila l’emprisonne de son corps. Centimètre par centimètres. Elle réprime un cri en plaquant vivement sa main contre sa bouche. Son cerveau affiche une alerte, la toile de tente n’est pas réellement un isolant leur permettant une intimité totale. Quand Gabriel est entièrement enfoncé en elle, Lila commence à bouger doucement les hanches, puis accélère pour ralentir. C’est elle qui mène la danse, qui imprime son rythme. Tout en continuant à bouger, elle se penche en avant et vient embrasser les tétons du musher. Il se cambre légèrement en se tendant. Elle voit ses poils se dresser sur ses bras et son torse. Elle les mordille, les lèche, les tire, encouragée par les réactions violentes du corps de Gabriel en dessous elle.

- Oh putain… je… je ne vais pas… tenir longtemps à ce rythme, halète-t-il difficilement d’une voix roque.

Lila augmente la cadence de ses mouvements, un grand sourire aux lèvres.

- Alors ne te retiens pas, lui dit-elle d’une voix qu’elle reconnaît à peine.

Après quelques va-et-vient supplémentaires, le corps de Lila se met à trembler violemment. Son clitoris en contact permanent avec la peau de Gabriel, le sentir l’emplir avec force, ses mains sur ses fesses, tout en elle est un véritable feu d’artifice de sensations puissantes.

- Lila… souffle Gabriel.

L’entendre prononcer son nom, de cette voix puissante, chaude, voilée par le désir, fait basculer Lila. Elle se penche en avant et embrasse avidement Gabriel. Il étouffe son cri de plaisir entre ses lèvres alors qu’un orgasme dévastateur vient la submerger, en même temps qu’elle sent son amoureux se tendre et se déverser en elle. Toutes ses forces la quittent et Lila s’affale sur le torse luisant de sueur du musher. Ils restent un moment enlacés, le temps pour leur respiration et leur cœur de se calmer.

Lila se relève, attrape une serviette pour s’essuyer avant de la tendre à Gabriel. Il la lui lance en pleine tête alors qu’elle est en train de boire. De l’eau coule sur son menton et elle manque d’avaler de travers sa gorgée. Le musher éclate de rire face à sa tête.

- Tu ne manques rien pour attendre, rit Lila en se réinstallant à côté de lui, non sans lui avoir tapé le bras au passage.

Gabriel s’installe sur le dos, un bras replié sous sa tête. La jeune femme se cale contre lui, une main sur son torse. La main qu’il pose contre ses reins est réconfortante, apaisante. Elle sent ses paupières devenir lourdes et sombrer peu à peu dans le sommeil.

- Tu as déjà dormi sous la tente ? la sort de sa torpeur Gabriel.

Lila prend le temps de réfléchir, de se remémorer des souvenirs lointains. Elle bouge pour se replacer plus confortablement.

- L’été de mes dix-huit ans. On est parti camper avec Ambre et Louise.

- Louise ?

- Une de mes meilleures amies. On était tout le temps fourrées ensemble avec Ambre et elle. Elle est directrice d’une start-up à Toulouse. Ça fait un bail qu’on ne s’est pas parlées.

- Et votre voyage était bien ?

Lila hoche la tête contre son épaule en étouffant un bâillement.

- Epique. Ambre venait juste d’avoir le permis, c’était la seule. Elle avait pris le monospace de ses parents, une vieille tente et nous voilà parties en périple au Pays Basque. On a trouvé un tout petit camping bien sympathique, avec une vue magnifique sur les montagnes. Le gérant par contre…

- Qu’est-ce qu’il avait ? demande Gabriel en la regardant du coin de l’œil.

- Disons qu’il était un peu particulier… Louise en avait une peur bleue. Quoi qu’on fasse, on le voyait partout, aux sanitaires, dans le village en faisant nos courses, même en étant en balade autour d’un lac on l’a croisé. Ça l’a traumatisé. Elle nous en parle encore.

- Au moins, vous vous en souviendrez longtemps.

- Ah ça ! C’est sûr ! Ça a été l’une de mes meilleures vacances. Et toi alors, Monsieur l’héritier, les joies du camping, ça t’y connais ?

Gabriel lui donne une tape sur les fesses qui la fait rire.

- Hé, j’aime pas ce surnom.

- Moi je trouve ça sexy, lui dit Lila en se redressant et en l’embrassant sur la joue.

- Mouais, je suis toujours pas totalement convaincu, même si je prends en compte tes arguments.

- Et alors ? Tu as déjà campé ?

Gabriel met un temps avant de répondre.

- Contre toute attente… non. C’est la première fois que je dors sous une vraie tente.

Lila se redresse sur un coude pour le regarder en face, en ouvrant de grands yeux.

- Sérieusement ?

- Ne fais pas cette tête, plaisante Gabriel en lui donnant un petit coup sur le nez.

- Pourtant, toi qui enfant ne voulait qu’aller en pleine nature, je pensais que tu avais déjà fait ça.

- J’ai essayé de convaincre la terre entière, mes parents, mon frère, mais personne n’a jamais voulu. Et en grandissant, je n’ai pas eu l’opportunité et je suppose que mes envies ont changé, ou alors que j’ai oublié ce rêve de gosse…

- Donc c’est ta première fois ?

Le musher acquiesce, le regard perdu dans le vide, perdu dans ses souvenirs et ses rêves avortés. Lila pose une main sur sa joue rappeuse, passant la pulpe de son pouce sur ses lèvres roses et charnues.

- Et comment tu trouves jusqu’à présent ? murmure Lila.

Gabriel entrouvre légèrement les lèvres et lui mordille le doigt, réveillant instantanément toutes les terminaisons nerveuses de la jeune femme.

- Je crois que la tente vient de se placer dans le trio de tête des meilleurs endroits pour dormir…

Gabriel la serre un peu plus contre lui. Il prend son poignet dans sa main et embrasse l’intérieur de sa paume.

- Mais seulement si je suis avec toi, conclu-t-il en posant ses lèvres sur les siennes.

***

Plus jamais, mais vraiment plus jamais on ne reprendra Ambre à partir en expédition en pleine nature avec eux. Ces deux jours devaient être incroyables. Au final, ils se sont transformés en véritable enfer. Alors qu’ils devaient être de retour à leur point de départ avant midi pour récupérer leurs voitures, il est six heures du soir passé. Le soleil va se coucher dans un peu moins d’une heure et demi et ils n’ont strictement aucune idée de l’endroit où ils se trouvent. Tout se ressemble. Tout est vert ou marron. Il n’y a que des arbres.

Tout le monde est épuisé et à faim. Pour ne pas se surcharger, ils avaient prévu le strict nécessaire. Ce qui les inquiètent maintenant, c’est qu’avec cette chaleur humide, ils n’ont presque plus d’eau. Assise sur un pierre, Ambre s’essuie le front du revers de la main. Son estomac est noué depuis le moment où ils ont compris qu’ils s’étaient perdus. Pourtant, le sentier était plutôt facile à suivre sur la carte et beaucoup moins périlleux que la veille. Elle ne sait vraiment pas ce qui s’est passé. L’idée de passer une nouvelle nuit dehors, sans vivres, sans savoir où ils se trouvent, la terrifie. Elle aimerait que quelqu’un lui dise que tout va bien se passer, qu’ils vont s’en sortir, qu’elle s’inquiète pour rien, mais elle se tait. Elle a arrêté de poser des questions quand Noah lui a répondu un peu sèchement, lui faisant clairement comprendre qu’elle l’agaçait. C’était il y a environ trois heures. Depuis, elle se contente de suivre le groupe gentiment, sans prononcer un mot. De son refuge, un peu en marge, elle observe les autres. Tous ont les traits tendus. Léo et Elma sont assis côte à côte, main dans la main. La jeune femme a posé sa tête sur l’épaule du vietnamien. Ambre les trouve très mignons. Elle est heureuse que son ami ait trouvé une fille qui lui correspond, il le mérite. En plus, elle est belle, drôle et extrêmement gentille. La jeune femme adore l’écouter raconter ses nombreuses galères de voyage. La façon dont ils se regardent ne trompent pas. Ils s’aiment vraiment. A côté d’eux, Logan et Salomé discutent avec Raphaël, la même flamme brillent dans leurs yeux quand ils se regardent. Ambre ne peut s’empêcher de tourner la tête vers Noah. Il est en pleine discussion avec Alexis et Gabriel, une grande carte étalée devant eux. Le musher est assis en tailleur, une main protectrice posée sur le genou de Lila installée à côté de lui. Son regard se reporte sur l’ébéniste. Il est en train de montrer un point sur la carte. Elle n’entend pas ce qu’il dit, mais les garçons hochent la tête. Elle se demande si, quand ils sont ensemble, ils ont le même regard que ses amis. Depuis cette nuit, elle n’arrive pas à calmer son cœur. Elle s’est réveillée en sursaut, assaillie par la peur de perdre Noah, par les doutes sur leur couple. Elle met ça sur le compte de la fatigue. Elle se trouve même ridicule de se poser autant de questions, alors que depuis quelques temps, même si ce n’est pas toujours rose entre eux, Noah fait vraiment des efforts pour lui montrer qu’il tient à elle. Alors pourquoi est-elle toujours inquiète à ce sujet ? Pourquoi est-elle tout le temps en train de se dire qu’un jour, il va rencontrer une fille plus belle, plus intelligente, plus drôle et qu’il va la laisser tomber ? Une nouvelle montée d’angoisse vient lui serrer la gorge. Elle voudrait crier, hurler sa peur au vent au-dessus de sa tête, mais en est incapable. En même temps, elle ne réussirait qu’à faire fuir tous les animaux de la forêt et à passer pour une folle, plus qu’elle ne l’est déjà, auprès de ses amis. Noah relève les yeux vers elle alors qu’elle est toujours en train de l’observer. Elle essaye d’esquisser un sourire, mais échoue lamentablement. Il secoue légèrement la tête et reporte son attention sur la carte. Ambre ressent un pincement au cœur. Elle déçoit tout le monde quoi qu’elle fasse. Ses parents. Ses amis. Son amoureux. Prenant conscience de ça, elle se redresse. Il faut qu’elle arrête de s’apitoyer sur son sort. Il faut qu’elle agisse pour montrer aux autres qu’elle se bouge. Il faut qu’elle leur prouve qu’elle est quelqu’un de bien. Quelqu’un qu’on peut respecter. Quelqu’un qui sait faire autre chose que râler, s’énerver ou pleurer. Elle n’ose pas le formuler dans sa tête, mais l’idée raisonne au plus profond d’elle. Tout ça n’est au fond qu’une excuse pour se prouver à elle-même qu’elle est forte.

Ambre se lèvre, récupère son sac à ses pieds et s’approche des autres. C’est ridicule, mais son cœur s’accélère. Elle est nerveuse. Elle a l’impression de faire le premier pas de la réconciliation après une dispute, alors qu’il ne s’est rien passé et que c’est elle qui s’est enfermée toute seule dans cet état de stress. Elle s’assoit en face Noah, de l’autre côté de la carte. Il la fixe de ses yeux troublants qui lui font toujours autant d’effet. Elle ne dit rien, mais soutient son regard, déterminée à lui montrer qu’elle est là, présente. Un sourire en coin vient illuminer le visage du métis. Le genre de sourire qui pourrait faire tomber n’importe qui à ses pieds, Ambre la première. Et elle s’en est rendu compte, le genre de sourire qu’il ne fait que très rarement, et toujours en sa présence. Toujours pour elle. Elle se sent soulagée et le nœud formé dans son ventre semble se desserrer. Elle aurait bien aimé les aider avec la carte, se sentir plus utile, mais elle n’y connaît absolument rien. Les garçons ont évalué plusieurs possibilités pour se sortir de là. Appeler les autorités. Impossible. Personne n’a de réseau. Faire demi-tour jusqu’au cénote et reprendre le chemin de la veille. Ecarté. C’est prendre le risque de se perdre encore plus et trop long avec le peu d’eau qu’ils leur restent. Ils choisissent donc de continuer leur chemin pour atteindre une petite route. Avec un peu de chance, ils vont rencontrer quelqu’un qui pourra les aider.

Le groupe se remet en marche et une demi-heure plus tard, un miracle arrive. Ils arrivent aux abords d’un village. De petites maisons colorées aux toits en taules, bordent une rue principale, seul et unique accès aux habitations. Tout autour, la végétation est luxuriante. Ils s’arrêtent à l’entrée de ce qui semble un mirage. Des cris de joie et de soulagement raisonnent. Ils se prennent dans les bras les uns les autres. Gabriel soulève Lila dans les airs avant de l’embrasser. Des rires retentissent partout. Ambre, étonnamment n’arrive pas émettre un seul son. Elle a l’impression que c’est trop beau pour être vrai. Elle vient d’avoir la peur de sa vie dans cette jungle. Des larmes de soulagement inondent ses joues. Elle n’a plus la force de les retenir. Elle s’aperçoit qu’elle n’est pas la seule, Elma et Salomé ont les yeux luisants, tandis que Lila sort un mouchoir de son sac à dos. Elle s’essuis et en tend un à Léo et à Raphaël. Elle se retourne et voit Noah accroupi derrière eux. Il a la tête baissée. Ses mèches rebelles l’empêchent de voir son visage. Elle s’approche de lui et se met à sa hauteur en lui prenant les mains. Il prend une inspiration profonde et relève les yeux. Le soulagement qu’elle y lit la renverse. Elle se rend compte que malgré les apparences, Noah n’était pas si sûr de lui dans la forêt, que malgré sa force de caractère, il a vraiment douté. Que lui aussi a eu peur. Elle se met à genou à même le gravillon et le prend dans ses bras. Il lui rend son étreinte et la serre fort à lui faire mal. Elle l’embrasse sur la joue, plusieurs fois.

- Je suis fière de toi, lui-dit-elle. Si on est sorti de là, c’est en grande partie grâce à toi.

Noah pose une main sur sa nuque et colle son front au sien, avant de l’embrasser avec ardeur.

Une fois remis de leur frayeur, le groupe d’amis part en quête d’une aide extérieure. Ils frappent à plusieurs maisons, sans succès. Ils commencent à se demander si quelqu’un vit dans ce village, lorsqu’une vieille dame vient les interpeller. Elle leur demande si tout va bien. Gabriel et Lila étant les plus à même à parler espagnol, prennent les choses en main. Ils lui expliquent leur périple et qu’ils aimeraient trouver un moyen de rentrer à la villa le plus vite possible. Après quelques minutes, Lila revient vers les autres pour leur exposer la situation.

- Bon, apparemment on est vraiment loin de là où on devrait être et le trajet de retour va être très long. Elle doute qu’un taxi va accepter de faire la route aller-retour à cette heure tardive. Vu qu’il va faire nuit incessamment sous peu, María Fernanda, c’est le prénom de cette charmante dame, nous propose de passer la nuit chez elle. Elle nous a dit qu’elle ne partait jamais du village et qu’elle n’a pas l’occasion de rencontrer beaucoup de monde, donc elle serait ravie de partager un moment avec nous. Et demain elle nous prêtera son téléphone pour appeler un taxi.

Face à ces explications et au sourire édenté mais rayonnant de María Fernanda, ils ne peuvent qu’accepter son offre. Ils la suivent le long de la route principale, jusqu’à une petite maison en retrait. La peinture jaune de la façade est écaillée, les taules rouillées, mais elle respire la bonne humeur. Des poules piaillent joyeusement dans la cour. Elle se sauvent dans un nuage de plumes quand ils passent à proximité. Des guirlandes de couleurs et des colliers de coquillages se balancent au grès du vent sous le porche. La maîtresse des lieux entre quelques secondes et ressort avec un homme d’âge moyen, la peau tannée par le soleil. Elle leur présente Arturo, l’un de ses fils, qui vit avec elle. Elle leur fait visiter la maison, qui est aussi minuscule de l’intérieur, que de l’extérieur. Elle se compose d’une pièce à vivre avec une petite cuisine attenante et de deux chambres. Elle ne fait que s’excuser pour le peu de bien qu’elle possède, mais tout le monde lui assure que c’est parfait. Elle leur propose de dormir dans une petite dépendance attenante qui sert d’atelier et de débarras. L’endroit et propre, fermé, beaucoup plus sécurisant que la forêt hostile. Les garçons aident Arturo à installer une grande table dans la cour de la maison, tandis que les filles sont priées de venir en cuisine. María leur montre toutes ses préparations et elles donnent un coup de main pour couper et éplucher les légumes tout en bavardant. Alors qu’elles sont assises toutes les cinq autour de la petite table en bois, leur hôte leur pose des questions, ce qu’elles font dans la vie, où elles habitent, que font leurs familles. Elle est fascinée d’apprendre qu’Ambre et Lila ont traversé l’Atlantique pour changer de vie. Puis, vient la question des garçons.

- María demande si on a des amoureux ? s’amuse Lila.

- Sí señora, répond Talma en essayant de faire son plus bel accent espagnol.

Lila lui confirme qu’ils font parti du groupe. La vieille dame, joueuse, leur propose d’essayer de deviner qui est avec qui. Elle commence par Salomé. Elle fixe la jeune femme comme si elle pouvait lire dans sa tête.

- Elle hésite entre je cite : le grand blondinet avec le nez tordu ou le trapu avec les cheveux de filles, traduit Lila.

- Mon dieu, s’esclaffe Salomé, j’adore cette femme, mais heureusement que les garçons ne nous entendent pas.

Au final, María se trompe en désignant Alexis. Elle continue avec Elma et sans hésiter elle propose Léo. Elle confie en rigolant qu’elle les a vu se tenir la main. Pour Lila non plus elle n’hésite pas longtemps. Elle lui dit que son aura s’accorde bien avec celle du gentil et beau jeune homme aux yeux couleur océan. Lila est touchée par cette déclaration. Puis enfin, Ma ría porte son attention sur Ambre. Elle la fixe intensément en fronçant les sourcils. Le cœur de la jeune femme tambourine dans sa poitrine. Elle ne sait pas pourquoi, mais elle à l’impression que leur hôte est en train de pénétrer son âme, de lire ce qu’elle cache au fond d’elle. Des frissons la parcourent quand la vielle femme vient lui prendre les mains. Elle les retourne et trace les lignes de ses paumes avec son doigt. Elle reporte son regard sur elle et lui dit d’une voix sourde :

- Il est mystérieux, grand, puissant. (Elle laisse passer un silence avant de lâcher ses mains). Du temps des civilisations précolombiennes, les pierres émeraudes étaient réservées aux seigneurs. Elles protégeaient les familles.

Avec la mention de la couleur qui le caractérise, Ambre n’a pas de doute, elle parle bien de Noah. Elle l’a décrit avec des mots tellement justes alors qu’elle ne le connaît pas. La jeune femme reste sans voix.

Quelques heures plus tard, le repas s’est transformé en véritable banquet. Tout le village s’est joint à eux, intrigué par ce groupe de touristes étrangers et égarés. Les plats préparés sont un délice, mélange d’épice, de poids et de maïs. Les garçons mangent tellement que Lila ne serait pas étonnée que quelqu’un tombe malade d’ici la fin. L’ambiance est détendue, les conversations animées et joyeuses. Noah se retrouve avec une petite fille sur les genoux. Il joue avec elle, la faisant rire aux éclats. Elle est fascinée par ses tatouages, qu’elle n’arrête pas de toucher. Il a l’air détendu, heureux, chose plutôt rare ses dernier temps, se fait la remarque Lila. Elle tourne la tête vers Ambre à côté d’elle qui le fixe également. Elle a une expression bizarre sur le visage. Elle paraît attendrie par la scène, plus amoureuse que jamais, mais à la fois terrifiée. Lila se penche vers elle pour que ce soit la seule à entendre :

- Est-ce que ça ne te donnerait pas des idées de voir ça ? Des envies ?

- Mon dieu non ! Rien que d’y penser ça me donne envie de vomir. Je ne suis vraiment pas prête à ça. Mais vraiment pas !

- Pourtant, Noah a l’air de très bien s’en sortir.

- Oui, ben on gardera les votre à Gabriel et toi, mais moi j’en veux pas, dit Ambre catégorique. En plus, je n’aime pas les enfants, et ils ne m’aiment pas non plus. Je crois que je leur fait peur… Oh mon Dieu ! Tu trouves que je fais peur aux gens ?

Ambre se tourne vers Lila, ses grands yeux noirs écarquillés par cette soudaine révélation. Elle explose de rire, en attirant l’attention de tout le monde. Elle reprend à voix basse une fois calmée.

- Mais non, où tu vas chercher tout ça ? Tu te poses beaucoup trop de questions en ce moment Ambre. Je vais finir par croire que tu veux me piquer mon job !

Les filles se mettent à rire et Ambre se détend. Vivement que ces vacances se terminent et qu’elles rentrent à la maison. Elles sont plus stressantes que leur quotidien.

Après le repas, les habitants du village repartent chez eux. Ils sont en train de ranger les restes quand María Fernanda leur propose une activité particulière. Elle leur explique qu’elle est chamane et qu’elle adorerait les aider en faisant un Temazcal.

- C’est un rituel ancestral qui vise à se relaxer et à se purifier. Ça se passe dans une hutte à sudation (María désigne un dôme de terre avec une petite entrée, façonné sur le côté de la maison), traduit Gabriel. Elle ne veut forcer personne à le faire. C’est ceux qui le veulent.

Raphaël, Logan et Salomé déclinent. Les garçons ne se sentent pas très bien après ce repas gargantuesque et Salomé est épuisée, donc ils préfèrent aller se coucher.

Avant de commencer le rituel, leur hôte leur demande de se mettre en maillot de bain. Une fois prêts, elle leur demande de se placer devant la hutte, en cercle autour d’un autel. Elle commence à parler rapidement, demandant aux éléments leurs accords, tout en purifiant les participants à l’aide d’encens. Elle leur fait répéter des incantations mayas. Elle leur explique qu’ils vont passer par quatre portes pour purifier d’abord le corps, ensuite le mental, les émotions et enfin l’esprit. A chaque porte, elle va augmenter la température sous le dôme. À tout moment, si l’un d’eux ne se sent pas bien, il peut sortir, son fils restera à l’extérieur si besoin.

Le groupe pénètre un après l’autre sous le dôme. La chaleur est agréable. L’espace, éclairé par des bougies, est plus spacieux qu’il n’y paraît. Chacun prend sa place autour du brasier et la cérémonie commence. Le temps semble s’être arrêté. La chamane récite des incantations, chante, fait sonner le tambour. Elle les purifie à l’aide de plantes aromatiques. Les asperge d’eau pour éliminer les mauvaises ondes qui se sont accrochées à eux. Au moment du passage de la deuxième porte symbolique, elle éteint les bougies, les plongeant dans le noir. La chaleur devient de plus en plus oppressante. La sueur coule sur leurs corps, entraînant avec elle toutes les particules néfastes. La musicalité de la voix roque de María, le bruit du tambour, les mots mayas, cette langue ancienne et chargée, plonge petit à petit le groupe dans un état de flottaison, entre la conscience et l’inconscience, entre la méditation et la transe.

Plus la cérémonie avance, plus Ambre se sent bien, portée, soulagée. Elle oublie le monde autour d’elle. Elle oublie ses soucis, ses peurs, ne se concentrant que sur la musique lente et enivrante du tambour. Elle a l’impression de s’élever dans les airs, de faire entièrement partie de l’univers, telle une goutte d’eau dans un océan. Elle se sent minuscule et gigantesque à la fois. Elle a déjà ressenti ça, mais jamais d’une manière aussi forte, aussi tangible. Elle se sent légère, aussi libre que la brume, aussi insaisissable qu’un courant d’air. Une sensation de bien-être et de plénitude totale vient l’envelopper, comme si enfin elle avait trouvé sa place, sa véritable place, au sein de ce cocon bienveillant. Elle a l’impression de flotter depuis une éternité, que le temps s’est arrêté à jamais. Puis, une sensation étrange, froide, hostile, vient troubler son calme. Elle sent quelque chose lui presser le dos douloureusement. Sa tête lui lance. Elle ne comprend pas. Elle veut retourner là où elle était. Retrouver ce sentiment de plénitude. Elle entend des voix qu’elle n’arrive pas à comprendre. Elle a l’impression que le sol sous elle est vivant, en mouvement, ce qui est extrêmement dérangeant. Elle aimerait repartit dans son monde de songe et de bien-être, mais quelque chose l’en empêche, la tire vers un ailleurs qui lui fait peur.

- Va chercher Salomé ! Vite !

Le son de cette voix, pourtant d’une mélodie incroyable, l’agresse. Il est beaucoup trop fort. Elle a l’impression qu’on lui perce les tympans à coup d’aiguilles.

- Ambre ! Ambre !

Quelqu’un semble la chercher. Plusieurs voix prononcent son nom. Toutes on l’air inquiètes. Pourquoi ? Que se passe-t-il ?

- Ambre, s’il te plaît, répond moi. Reviens avec nous, mon cœur.

Petit à petit, ses sens qui semblaient engourdis se réveillent. Elle entend des voix familières, sent des odeurs de feu et de plantes, ressent la chaleur sur sa peau.

- Ma belle, ça va ?

C’est la voix de Noah qui lui parvient. Ambre se sent mieux, elle a envie de le voir, de l’entendre, de le toucher, mais ne parvient pas à l’atteindre.

- Allez Ambre, reviens avec nous s’il te plais.

La jeune femme voudrait bien ouvrir les yeux, mais n’y arrive pas. Elle prend alors conscience qu’elle tremble de tout son corps. Sa tête la lance, ses jambes convulses avec violence sur le sol terreux. Des mains froides viennent toucher son cou, son poignet. Elle entend une voix douce, féminine tout près d’elle.

- Noah, pose sa tête sur tes genoux. Léo, est-ce que tu peux lui lever les jambes et les tenir en l’air ?

- C’est normal qu’elle soit aussi blanche et qu’elle tremble comme ça ? demande Noah tout près de son oreille.

- Oui, ne t’inquiètes pas. C’est juste un malaise passager. L’effort, la fatigue, le manque d’eau, le manque de sucre et la chaleur, ce n’est jamais un bon mélange.

Petit à petit, elle reprend conscience de son corps. Elle sent des mains puissantes lui caresser les cheveux, une plus fine prendre son pouls au poignet, ses jambes maintenues en l’air. Elle ouvre enfin les yeux et croise le regard inquiet de Noah, qui souffle de soulagement.

- Merci mon dieu, dit-il en l’embrassant sur le front. Comment tu te sens ?

- J’ai envie de vomir, j’ai mal à la tête, mais à part ça, je pourrais courir un marathon, dit Ambre d’une voix faible.

Noah rit et dépose à nouveau ses lèvres contre sa joue. Ambre essaye de se relever, mais trop rapidement. Tout tourne autour d’elle. Salomé se précipite et la force à se rallonger.

- Houlà, doucement. Si tu ne veux pas repartir, on va y aller mollo d’accord ? D’abord, laisse-moi regarder ta tête. (Ambre pousse un petit cri quand elle touche un endroit sensible). Tu as dû te cogner en tombant, tu risques d’avoir une belle bosse et mal à la tête pendant plusieurs jours, mais ce n’est rien de grave. Tiens, mange ça, c’est du chocolat, ça va te faire du bien.

Ambre s’exécute et après quelques minutes, elle tente de se relever avec l’aide de ses amis. Elle s’assoie, fébrile. Elle cherche des yeux Lila. La jeune femme est accrochée au bras de Gabriel, les lèvres pincées, plus inquiète que jamais.

- Lil ça va, je t’assure. Arrête de paniquer. Tu peux dire à María que je suis désolée d’avoir gâché sa cérémonie.

- Elle te remercie, mais elle dit que tu n’as rien gâché du tout. Tu avais simplement beaucoup de chose à évacuer, c’est pour ça que ta réaction a été violente. Elle dit que maintenant, il n’y a que du positif qui peut arriver.

Ambre la remercie encore. Noah l’aide à se relever, mais ses jambes tremblent tellement qu’elle n’arrive pas à avancer correctement. Il est obligé de la soutenir de tout son poids. Toutes ses forces l’ont quitté. Elle rassure ses amis et leur intime d’aller se coucher, qu’elle ne va pas mourir de sitôt. Elle, veut profiter encore un peu de la fraîcheur de la nuit pour se remettre de ses émotions. Noah ne la quitte pas. Il s’assoit sur une des chaises de jardin et la prend sur ses genoux. Il joue avec ses cheveux et lui masse les épaules. Elle se détend à son contact. María ressort de sa maison avec un tasse fumante dans les mains. Elle la tend à Ambre qui, avec ses connaissances plutôt correctes en espagnol, comprend que ce sont des plantes qui vont l’aider à se remettre. La jeune femme accepte l’attention avec plaisir. Leur hôte s’assois à côté d’eux et contemple la lune dans le ciel. Ils restent silencieux, mais c’est agréable. Reposant. Puis, la vieille femme se tourne vers Noah et le regarde intensément. Ambre le sent se crisper sous elle. La mexicaine qui semble fixer quelque chose au-dessus de la tête du jeune homme.

- Tu es un protecteur. Ton aura est puissante, lumineuse. Mais elle souffre. Elle est abîmée, détruite par endroit et avec le temps, elle s’effile, elle se fragilise. Je n’ai jamais vu ça chez personne… Fais attention mon garçon, elle peut être ton salut, comme devenir noire et t’engloutir dans les ténèbres.

Sur ces paroles énigmatiques, elle se lève et rentre, les laissant seuls dans la nuit.

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