Goner

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Des frissons, c'est d'abord ce qui vient. Je n'ai pas encore mal, mais je tremble déjà. Je sais ce qui arrive, je sais que je vais me noyer, même si la voix de Tyler est là, même si le rythme de Josh me tient encore debout.

Le piano semble aussi desespéré que moi, je pleure souvent déjà à ce stade; je prie pour que la version habituelle change, je n'ai pas la force, pas encore, alors que c'est moi qui l'ai mise cette chanson... Elle me fait du bien, elle permet à mon corps de hurler et aux larmes de couler.

Quand la batterie ronronne en fond, je sens les larmes redoubler, mais Tyler l'efface pour enchainer sur le couplet suivant. Je l'en remercie souvent, même si je sais que ce n'est que retarder l'inévitable.

Je me hais souvent quand j'écoute cette chanson, elle me donne une perspective violente de tout le bordel dans ma tête, et elle donne de la puissance à tout ce qui n'a pas de voix dans ma tête, tout ce qui est gris et noir rampe alors et ne noie sur mes joues. Putain, ça doit être niais à voir je me dis souvent: une pauvre adolescente qui fond en larme en chanson, et pourtant, elle met fait un effet boeuf moi, cette musique.

Je hais ceux qui ne comprennent pas, ceux qui ne cherchent pas à savoir ce qu'elle veut dire: c'est un homme qui supplie qu'on l'aide avant qu'il ne s'efface et qu'il perde contre ses démons. Il se sait condamné, et c'est dans cette chanson qu'il perd espoir. C'est ce dont j'ai besoin. J'ai besoin d'entendre sa voix, pas souvent, mais ça arrive.

Mes mains deviennent moites et mes lèvres se serrent quand la batterie s'intensifie. Je fronce les sourcils et je pense ô combien ça va être dur de se relever une nouvelle fois après la tempête.

Tyler devient plus émotif, et je pleure encore, Josh se fait entendre un peu plus.

Puis la musique se calme d'un coup, et la voix de Tyler s'assombrit. Le piano reste, et un bruit apparait dans le fond sonore; si le doute avait un son, ce serait celui-là. Un son de rouille, désagréable, déstructeur et irrégulier. Incertain.

Tyler chuchote presque désormais, et moi j'ose à peine respirer.

Don't let me be gone.

J'entend sa voix un peu éraillée trembler à la fin de sa phrase.

Il répète cette phrase quatre fois. Et à chaques nouvelles fois, sa voix est un peu plus cassée et faible. Il va bientôt lacher. C'est ce que je pense, il va sombrer, il faut l'aider, il a besoin d'aide, j'ai besoin d'aide.

Puis tout implose.

Il se met à hurler, et toute la noirceur sursaute et devient violente. Elle s'acharne sur lui, et Tyler se débat, moi aussi. Je cours pour attraper sa voix et m'y accrocher, il frappe, hurle, pleure et s'enrage pour vivre: il me réveille.

Je fais de même, je m'énerve et frappe pour faire reculer toutes mes pensées; Josh martèle sa batterie, il voit bien que le chanteur à besoin d'aide, mais il ne voit pas qu'il m'aide aussi. Sa batterie effraie le noir qui recule, comme révulsé.

Tyler se met à chanter, et sa voix ne fait plus que faire reculer la noirceur, elle illumine aussi ma tête, et il y fait moins froid: je suis serrée auprès de ce feu quand il fait trop froid dand ma tête.

Je m'y accroche de toutes mes forces, et je me retrouve debout de nouveau, le corps ruiné et l'esprit en vraque, mais avec une nouvelle force de vie, puis quand il s'aperçoit qu'il est de nouveau debout, Tyler se calme instantanément et sur une dernière note de piano, je dis au revoir à mes Lumières et tiens bon jusqu'à la prochaine fois.

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