Le cauchemar

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Chanson ici : http://static.blog4ever.com/2006/01/81713/atengouffre.mp3


sortoudérons lé vagon
lé ribelle, lé vitasse
Craindrons tipon dey mangeo
Qui crevelle dans lé nasse
Foudramornille et puitou
centibrule au foutoir
chiréchaire boursafloison
candélabre au cavadre
lividésang à mouroir ondisouffre
a bourrir vent crémitoire atengouffre.
atengouffre atengouffre attengouffre.

C'est dans l'ombre qu'on les trouve, elles chuchotent et ricanent.
Elles soufflent.
Elles cherchent.
Elles accomplissent son grand dessein.

Une nuit hostile j'ouvre les yeux : elle flotte allongée, à quelques centimètres de mon corps étendu sur le dos. Elle porte sa lumière en elle, une pulsation maladive qui fait luire ses chairs. Ses yeux noirs sans prunelle, ses yeux noirs malveillants sont rivés aux miens… Je suis incapable de remuer d'un millimètre, respirer est déjà un exploit. Un hurlement prisonnier de mon larynx m'étouffe.
Elle chuchote, sa bouche répugnante contre la mienne :
« Sennifaire mon étouche, c'est pas loin qui frousse. Chhh »

Et ses dents se plantent dans la muqueuse de mes lèvres.
Elle disparaît.

Je suis tellement choqué que mon visage reste totalement contracté. Pendant longtemps je ne peux pas bouger. Les pupilles dilatées... Cette affreuse douleur au larynx. Le sang coule dans mon cou. Enfin le temps repart à nouveau et avec lui un braillement s'extrait de mon ventre, de mon plexus, de ma gorge et puis s'éteint.
Je me lève brutalement terrifié de ne pas tout voir, tout autour de moi… Terrifié de l'avoir vue.
Mon visage, ma bouche me font mal, je ne peux pas rester là ! Je m'enfuis comme un animal qui craint le feu.

Dans la rue, au milieu des gens indifférents, je m'arrête. Les bras ballants, le long du corps, je ne sais pas quoi faire. C'est un flic qui me ramasse là :
« -Hé ben ! Mon p'tit vieux, c't'une vilaine coupure sur votre visage. J'vous conduis à l'hôpital. »

Je chiale comme un gosse, d'effroi et de soulagement.
C'est en effet une vilaine plaie. Le médecin urgentiste fait ce qu'il peut. Il me demande ce qui m'a blessé mais je ne peux pas parler. Il met ça sur le compte de la douleur, et me fait conduire dans une chambre pour la nuit.
Drogué pour supporter le mal de ma bouche, je ferme les yeux résolu à oublier ce précipice dans ma vie et m'endors.
Un murmure contre mon oreille :
…. « Créville dé fouche oliférant! Souvri, souvri... »

Le cœur à bout de souffle et la gerbe dans la gorge, me le disent: « C'est pas fini ! »
Toute ma volonté se raidit pour tenir mes yeux fermés. Je sens son souffle et la férocité de ses propos que je ne comprends pas. Elle plaque ses deux mains sur mon visage déchirant les blessures sous le pansement.

Ses doigts spongieux forcent mes yeux à s'ouvrir. Cette fois je parviens à hurler, hurler à m'en péter les cordes vocales. Cette salope hurle aussi et rit et hurle encore. Elle est nue et sa peau en carton est corrompue, elle sent aussi mauvais que le Diable. Et ce trou dans sa face qui aurait dû être une bouche ; mais les incohérences de ses dents -au moins trois rangées- et cet organe bizarre contre son palais…

Haaa… Mon corps s'élève avec cette chose à califourchon sur moi. Et tandis qu'elle m'agrippe par les épaules, elle me retourne et s'enroule autour de moi. Je suis rigide, comme la première fois, incapable de bouger. Le manège m'a fait taire. Je pleure, et l'eau ruisselle le long de mon nez pour tomber sur le lit :
« Effinoche lapriva, antacrite a la souillu.»

Comme si elle était d'accord la chemise de l'hôpital se déchire en deux et les ongles de la créature se plantent dans mon dos et tracent des arabesques de feu :
« Policéran fouche oliférant, cernabile dans lé crétasse chhchhh »

Tous mes muscles se relâchent brusquement et je tombe dans mon lit. Je me remets à hurler et prends conscience du raffut contre la porte de la chambre. Une infirmière hystérique me crie de lui ouvrir. J'entends des pas dans le couloir, des gens ne vont pas tarder à entrer.
Pris par le traumatisme et le désespoir, je ne veux pas rester ici pour expliquer quoi que ce soit. Qui me croirait ? « Derlanfiche sai pour ton ».

Je sors par la fenêtre, en bas de pyjama. Le sol n'est pas très haut, je saute. Je me désintéresse du monde et je rentre chez moi.
La lumière me blesse les yeux, ma bouche est collée au pansement et mon dos est collé au lit. Je ne me rappelle pas comment je suis rentré.
Et je ne veux pas me lever. J'ai de la fièvre. Je suis trop faible pour raisonner ou anticiper quoique ce soit…

Mais quand la nuit tombe, je me fais dessus, c'est pas possible de ne pas mourir en ayant peur comme ça. Je m'arrache de mon lit, les croûtes qui couvrent mon dos restent dans les draps. Ma peau est balayée de frissons, la sueur dégouline de chaque poil de mon corps. Sur mes jambes qui me portent à peine, je chancelle jusqu'à la porte, je n'ai pas de plan, mais je ne veux pas être seul. Je réalise que je dois tenter de m'habiller un peu et d'arranger la bouillie de ma figure. La tâche n'est pas simple et mobilise beaucoup de temps… Je reste attentif aux bruits, je regarde au dessus de mon épaule à toutes les secondes qui passent.

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