Le plus important, dit-on, c'est le regard.

Chaque jour, j'essaye. J'essaye d'attirer l'attention de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants d'un coup d’œil. J'espère qu'ils m'accorderont alors une minute de leur temps.

Mais malgré tous mes efforts, il est rare qu'une personne s'arrête pour me sourire et me donner une petite pièce.

Je gêne, alors on m'ignore en détournant la tête.

Tous les matins, assit au même endroit, je regarde la vie défiler sous mes yeux. Des hommes, des femmes et des enfants de toute tsorte vont et viennent. Je les vois s'engouffrer dans ce grand magasin près duquel je suis installé, espérant récupérer un peu de pain, quelques pièces en monnaie, ou un sourire. Un regard.

Parce qu'après tout j'existe, même si je dérange.

Beaucoup de personnes pensent qu'un sans abri est une personne qui ne travaille pas assez, ne se donne pas les moyens de réussir, vit sur le dos d'un système social généreux. Sur leur dos, le dos de leurs impôts. Pourtant, regardez les chiffres, les assistés sont en minorité. Je ne suis pas là, dehors, parce que ça me plaît. Certains le font peut-être par conviction. Pas moi. Je n'ai pas eu le choix. J'aimerais que vous me donniez l'opportunité de rattraper ce qui s'est effondré.

Mais pour cela, il faudrait d'abord que je retrouve, au fond de vos yeux, mon humanité.

N'ayez pas peur.

N'ayez ni pitié, ni compassion. Je respire, je vis, j'existe.

C'est noël. Un sourire c'est tout ce que je souhaite.

https://www.youtube.com/watch?v=1-XfFEea_yM (Pas difficile, Anne Sylvestre)