Chapitre 15

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C’était une journée de travail atypique. Je la regardais déambuler dans les allées du magasin à la recherche d'élément de décoration pour aménager notre bureau. Nous avions pris notre après-midi pour trouver un meuble de rangement, mais aussi un grand plan de travail. Elle avait imaginé l’installer le long du mur Est, qui n’avait pas de fenêtre, à une hauteur d'un mètre vingt, pour que nous puissions y travailler debout sur de grands plans.

— Tu as conscience que tout ne rentrera pas dans ma voiture, Marion ?

— Oui oui, mais on devrait pouvoir se faire livrer.

— Oui, effectivement, c’est une idée.

— Et puis, avec le nouveau meuble de rangement, il n’y aura plus de dossier qui vont traîner sur le bord de la fenêtre. Et j’avais imaginé qu’on pourrait y mettre quelques plantes. J'en ai plusieurs chez moi, que je devrais pouvoir bouturer, dit-elle avec un petit air de chien battu, comme pour me supplier.

— On pourrait aussi aller dans la jardinerie qui est juste à côté, et en choisir quelques-unes.

— Tu es d’accord pour ajouter de la verdure ? ajouta-t-elle d’un air ravi.

— Et pourquoi ne le serai-je pas ?

— Philippe n’a jamais voulu entendre parler de ça. Il disait que c’était un lieu de travail, pas une boutique de fleuriste.

— Eh bien, je n’y connais rien et je vais oublier de les arroser, mais il n’y a pas de mal à se faire du bien... Heu à... à avoir un joli bureau.

— Cool, dit-elle simplement, faisant mine de ne pas relever mon lapsus.

Alors que nous nous dirigions vers les caisses, nous passâmes près de rayon des cadres.

— Marion, attends ! J’aimerais bien habiller un mur avec un cadre ou un poster. Histoire d’apporter ma petite note personnelle.

— Excellente idée.

Je flânais en regardant toutes les images une à une, oubliant presque que nous faisions tout ceci sur notre temps de travail. Mais j’appréciais vraiment de partager ce moment avec elle.

— Tu préférerais un paysage ou quelque chose de plus abstrait, lui demandai-je.

— Comme tu veux, si ça doit être ta touche perso, autant que je ne t’influence pas, non ?

J’avoue que je manquais un peu d’inspiration et pour l’instant aucune image ne m’avait tapé dans l’œil. Des Buildings New-yorkais, une plage sur une île lointaine, le Lac de Yellow-Stone vue du ciel, les amoureux de Robert Doisneau...

La douceur de la brume sur ce lac de montagne, ce banc solitaire attendant deux jeunes amoureux, après une nuit à regarder les étoiles, cachés sous une couette. Il était comme un souvenir de vacances et pour cause. C’était le Lac de Longemer, où j’avais passé deux semaines de colonie, adolescent. Cette même colonie et sûrement ce même banc où j'avais embrassé Frisouille, où mon cœur était resté coincé, dès lors. Ces souvenirs me submergeaient et une vague d’émotion s’empara de moi.

— Tu as trouvé ton bonheur ? me demanda Marion.

Je crois que oui, pensais-je. Elle est comme un signe venu du passé.

— Maxime ? Tu as trouvé ton bonheur ? répéta-t-elle.

— Euh oui, désolé.

— J’aime beaucoup ce lac.

— Tu y es déjà allé ?

— Oh oui, souvent avec les enfants. Ce n’est qu’à une heure et demie de route.

J'étais encore sous le coup de l’émotion, quand nous allâmes chercher quelques plantes à mettre sur les rebords de fenêtre. Marion avait les yeux qui pétillaient et semblait plus radieuse que jamais. Se faufilant au milieu des plantes, je la perdais souvent de vue pour la voir réapparaître dans un autre rayon.

— Tu m’excuseras, j’ai du mal à résister à toutes ces jolies fleurs. Mon mari râle à chaque fois que j’y fais un tour, car il faut toujours que j’en achète une nouvelle. Ou plus, ajouta-t-elle en rigolant.

— Eh bien pour l’instant, c’est un espace vide, tu peux donc en prendre quelques-unes.

— OK, merci. Je ne vais pas en prendre des trop grosses, pour avoir le plaisir de les voir grandir.

— C’est comme tu veux.

Marion avait été raisonnable et avait jeté son dévolu sur une plante aux feuilles vertes et pourpres en forme de palmier, qu’elle avait appelé Dracaena. La deuxième était multicolore avec un feuillage biscornu et la troisième était un Aloe Vera. J’avais l’impression de voir Ninon les bras chargés de friandises après un passage au magasin de bonbon de la galerie marchande.

— Tu me montreras quand même comment y faire avec ses nouvelles venues dans notre espace de travail, lui dis-je en montant dans la voiture. Que j'en prenne soin pendant tes congés.

— Oh avec plaisir. En réalité, si on prend le temps d’observer, ce n’est pas si compliqué. J’aime à dire qu’il faut penser au bonheur d'un être qui ne te rendra ton amour qu'en étant en parfaite santé.

— Une forme de générosité alors ?

— Tout à fait, dit-elle comme surprise que je comprenne immédiatement son point de vue.

Je lui rendis son sourire en prolongeant cette connexion délicieuse tant que je pus. Mais ce fut l’arrivée de notre voisin de parking qui me fit redescendre du nuage sur lequel je m’étais posé quelques secondes.

— Allez ! Retour au bureau ! lança Marion, avec, j’eus l’impression, une pointe de regret.

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