Kalan dreams

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À toute chose ses limites, et Kalan, suivant le Vieux depuis des heures, commence à trouver les siennes. Ses jambes, habituées aux marelles, aux balançoires et autres toboggans, ne le sont pas aux longs voyages… Pourquoi doivent-ils ramer si longtemps sur cette mer plastifiée... Inquiète, elle craint de trop s’éloigner de la Ville-Monde, tout près pourtant. En effet, l’on aperçoit encore, sur la courbure du globe, les sombres et hautes tours de verre, qui reflètent à présent la faible lueur d’un jour finissant. Derrière leur épais rempart d’acier, ces vigies guettent son pas d’exilée, espérant la chute et le silence. Mais ni l’un ni l’autre n’adviennent. Son guide a grand besoin d’elle. Il la relève quand elle trébuche, l’encourage quand elle doute. Sur la voie, ils ruissellent tous deux comme des larmes sur un visage de crasse, traçant un sillage qui s’efface déjà.

Affligé de plus en plus par son obsolescence programmée, le Vieux n’avait cependant rien perdu de sa lucidité et, alors que son ombre s’étirait sur le champ de ruines du Progrès, il se demandait s’il n’avait pas mésestimé la fugacité du temps. Il l’avait trouvée, certes, mais ne l’avait-il pas fait trop tard ? Ce sentiment s’amplifiait à mesure qu’il avançait, mais il ne céda rien à la panique : l’échec n’était pas une option. Au-dessus de leurs têtes, les cieux semblaient vouloir durcir l’épreuve et décaper d’une pluie acide une souillure omniprésente.

Kalan cria de surprise : le silicone de ses joues se creusait sous l’averse. Ses mains sur son visage fumant, elle courut, cherchant un abri sous la veste du Vieux. Celui-ci n’avançait plus.

Devant eux, se trouvait une île menacée de toute part par la houle ordurière. Le Vieux passa un portail, Kalan sous son aile. Il s’avança péniblement vers un abri de taules, sous lequel il se posa. Pour la première fois, ils se regardèrent et d’un sourire mutuel éclipsèrent la pluie elle-même. Sur son assise de fortune, le guide éreinté glissa sa main derrière son oreille, en sortit un éclat mémoriel et le lui tendit. Kalan le prit, l’inséra et le lut, en suivant le regard déjà vitreux de celui qui s’était appelé Beneset : figé dans la béatitude des actes accomplis, il fixait pour l’éternité les dernières lueurs du jour. À Kalan, il lui avait légué tout le sens de son existence : l’ultime écrin de vie d’un monde mort.

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