Une place au paradis

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Bonsoir ! J'avais envie ce soir d'écrire sur un sujet qui me tient à cœur, sur lequel ça fait un moment que j'ai pas écrit : l'homosexualité et l'homophobie. J'écoutais No Place In Heaven de Mika, et ça m'a inspiré cette petite nouvelle. Elle va mettre vos sentiments à rude épreuve, vous êtes prévenus.


UNE PLACE AU PARADIS


La porte claque à son nez. Il s'écroule contre la porte en bois, et se met à pleurer. Il avait fallu qu'il ouvre sa gueule. Tout se passait bien, tout allait pour le mieux, il avait ouvert sa gueule et maintenant il était à la rue, jeté comme un moins que rien.


« Ils méritent ce qui leur arrive ! C'est que des PD, je suis fier de ce mec ! Des ordures en moins sur notre belle planète ! » avait clamé son père devant les informations, un peu plus tôt, alors que lui, horrifié, découvrait ce qui s'était passé dans un bar gay de l'autre côté de l'Atlantique. Cinquante morts, des dizaines d'autres blessés. Il n'avait pas relevé la remarque de son géniteur, c'était devenu quotidien chez lui.


Il était concentré sur les images défilant à l'écran, silencieux, les larmes aux yeux. Pas une seule fois. Pas une seule fois ils n'avaient utilisé LE mot. « Attentat terroriste », « fou furieux », oui, peut être. Mais cette attaque visait une communauté, qui venait d'être poignardée en plein cœur alors que la situation semblait enfin commencer à s'améliorer. « Homophobe ». C'est ça le mot qu'ils refusaient de dire, qu'ils se refusaient d'avouer.


« On devrait lui ériger une statue ou quelque chose comme ça à ce gamin, c'est un héro. » avait continué son géniteur, imperturbable. Il s'était alors crispé, et s'était relevé. Les larmes avaient commencé à dévaler ses joues. Sa mère, silencieuse, était occupée à couper des légumes sur la table du salon. Le père le regarde, surpris.


« Pourquoi tu chiales ? » Pourquoi ? Il voulait vraiment le savoir ? Très bien. Il se revit, naviguant sur les réseaux sociaux, des semaines durant. Son père disait depuis toujours qu'aimer des garçons était mal, que c'était une maladie de Dieu pour punir les garçons qui n'avaient pas été assez sages. Que tous les PD allaient finir en enfer, qu'ils kidnappaient des enfants, qu'ils étaient une infection à éradiquer. Et comme un con, il l'avait cru. Parce que c'était son père qui le disait, parce qu'il était la seule figure d'autorité qu'il appréciait, qu'il respectait.


Alors pourquoi cette maladie l'avait touché ? Avait-il été méchant ? La première fois que ses lèvres avaient touchées celle d'un autre homme, il était tombé à genoux, en pleurant, en hurlant qu'il n'irait jamais au paradis, qu'il était malade, que c'était de sa faute, qu'il l'avait contaminé, qu'il avait mis le mal en lui. L'autre n'était pas parti, au contraire. Il s'était assis à côté de lui, l'avait collé contre son torse. « Ce n'est pas une maladie mec. T'as des hommes qui aime des filles. T'as des hommes qui aiment des hommes, et des femmes qui aiment des femmes. C'est normal tu sais. L'amour n'a pas de frontières. » Il avait pleuré encore longtemps, dans les bras de celui qu'il aimait.


En rentrant, il était parti se confier au curé de son église, qui lui avait conseillé de couper les ponts avec la maladie, et que peut être son âme serait sauvée. Le lendemain, alors qu'il l'attendait dans le parc, souriant, lui s'était approché, la mine sombre. Il avait sorti un couteau de sa manche. Le regard de l'autre s'était écarquillé de peur, mais ce n'est pas lui qu'il visait. C'était lui le problème. C'était lui qui était malade. S'il se tuait, l'âme de l'autre serait-elle sauvée ? Le couteau pénétra son estomac.


Deux mois à l'hôpital. On le diagnostiqua suicidaire, il se força à sourire au médecin, pour montrer que non, tout allait bien. L'autre passa le voir, plusieurs fois, en cachette, la nuit, pour ne pas croiser son père, de peur qu'il les voient. L'autre se révéla un soutien utile, il lui était même de plus en plus difficile d'envisager ses nuits sans lui. Et un soir, il lui ramena un jeune homme, plus âgé, qui faisait parti d'une association avec un nom à la Ikea. LGBT que ça s'appelait. Il écouta son speech, les yeux écarquillés par la surprise.


« Donc je ne suis pas malade ? » avait-il demandé à la fin. « Bien sûr que non » avait répondu l'inconnu. « Tu es juste un garçon à la recherche de réponses. Tu es homosexuel, et tu n'as pas à en avoir honte. Contacte-moi si ça se passe mal. » Il lui tendit une carte, il quitta la pièce. Il pleura le reste de la nuit. Son âme pourrait être sauvée, il n'était pas malade. L'autre resta près de lui toute la nuit, le cajolant, le consolant.


Quelques mois plus tard, il participait à sa première marche. Avec l'autre. Ils étaient heureux, ils s'aimaient. Ils étaient un peu bourrés aussi, et ce qui devait arriver arriva. Et ça lui plut. Terriblement. L'autre devint alors quelque chose de plus fort. Il devenait celui qu'il aimait, et il ne voulait plus le lâcher, plus jamais.


Le lendemain, l'attentat avait lieu à Orlando. Un homme armé avait tiré dans un bar homosexuel, séparant des couples comme lui et son amant, tuant des gens heureux d'être ce qu'ils étaient. Et ce fut la douche froide.


Il releva les yeux vers son père, les poings fermés, les sourcils froncés. « Qui es-tu pour parler comme ça d'eux ? Tu les connaissais ? Ils étaient humains, ils s'aimaient comme tu aimes Maman, et ils ont été séparés prématurément. » Son père s'était relevé, en colère, n'appréciant pas le ton qu'il avait employé. 


« Et toi ?! Sur quel ton tu parles à ton père petit con ! »


La main s'était levée, il avait reculé, le provoquant un peu plus.


« Je parle sur le ton d'une personne qui aime la vie ! Et les hommes ! Voilà, c'est dit ! Je suis gay papa ! Et je suis pas malade, je suis pas un violeur, un PD, un pédophile ! Je suis une personne normale, avec des sentiments pour une personne que j'aime. Tu peux comprendre ça ? »


La gifle l'avait mis à terre. Sonné, il se sentit soulevé du sol. Sa mère hurla, son père le traînait, en l'insultant, en le frappant, encore et encore. Il était persuadé qu'il allait le tuer. Mais il s'en foutait, continuant de hurler qu'il était gay, qu'il aurait une place au paradis et qu'il avait qu'à aller se faire foutre s'il n'était pas d'accord avec ça. Et il fut balancé dehors.


« Reviens et ton couteau je te l'enfoncerais tellement profondément que tous les points de suture du monde pourront pas te sauver ! PD ! »


Un rocher le frappa en pleine tête, et la porte se claqua violemment. Roulé en boule sur le sol, il s'effondra. Mais il ne savait pas s'il était triste. Il se sentait libéré d'un poids, il se sentait libre. Doucement, il se releva, tirant une grimace. La douleur était insupportable, ce con avait du lui briser une côte. Courageusement, il boita jusqu'à chez lui. Il fut surpris de le voir, couvert de sang. Il s'effondra dans ses bras, en riant, comme un fou.


« Libre, je suis libre. »


Un silence avait suivi.


« Ils t'ont jeté dehors ? »


Son sourire se perdit, il le serra contre lui, alors que les larmes coulaient de nouveau.


« Ne t'inquiète pas, tu ne seras plus jamais seul. Je suis là maintenant. »


Il ferma les yeux, laissant ses bras se refermer sur lui.


« Je suis là. »

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