Chapitre 15

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CHAPITRE QUINZE

30 OCTOBRE 2017

Lorsque je franchis finalement le pas de l’entrée de cette prison pour éternels, j’appréciais un instant le souffle du vent. Les nuages cachaient le soleil et il faisait plutôt frais, mais j’aspirais un grand bol d’air de liberté.

Le capitaine pingouin avaient envoyés ses soldats sortir mes camarades de leur cage et nous nous dirigions tous vers deux hummers noirs. Je jetais un œil aux personnes autour de moi et arrivait à une conclusion purement mathématique :

— Il n’y aura pas assez de place pour nous tous, dis-je au capitaine.

— J’ai appelé une autre voiture, mais elle devrait arriver tard. Pour le moment, nous allons vous transférer à la base militaire de Nancy. Vous pourrez vous y reposer quelques jours et contacter vos familles. Puis, dès que vous vous en sentirez capable, vous pourrez rentrer chez vous. Il y a également des médecins, pour ceux qui en aurait le besoin.

Il s’était davantage expliqué au groupe qu’il n’avait répondu à ma question et mes congénères eurent l’air particulièrement heureux de cette nouvelle. Ils se précipitèrent presque dans les voitures pour être sûr d’y avoir leur place.

— Je vais attendre les autres voitures, affirmai-je.

— Moi aussi, suivi le croyant.

— Si tel est votre choix, répondit le capitaine, surpris.

Les soldats réussirent à faire rentrer tous les éternels dans les deux voitures (non sans mal) et le capitaine pingouin nous fit signe de le suivre. Il ne restait plus que nous trois et deux autres soldats, sans compter ceux qui se trouvaient probablement encore à l’intérieur du bâtiment, à faire on ne sait quoi.

— Lors de notre première rencontre, je ne me suis pas présenté. Je m’appelle Pascal Jerhen, se présenta-il en s’adossant à un mur et en sortant un paquet de cigarette de sa poche.

— Isaac Deschamps, dit le croyant, inclinant légèrement la tête pour le saluer.

— Eléa Mahonné, me présentai-je.

— Pas Emma ? demanda-t-il avec un sourire amusé.

— Non, souriais-je en retour. Vous auriez pu chercher longtemps, vous ne m’auriez pas trouvé. Et Emma faisait plus… contemporain.

— De quelle époque venez-vous ?

— Je suis désolée, mais je ne suis pas autorisée à vous en parler.

— Je me demande bien dans quel pays on accepte les femmes comme militaires, surtout à votre âge. Enfin, l’âge auquel… hé bien… l’âge que vous faites, disons. Jeune.

Je ris doucement. Avant de réaliser.

— Comment savez-vous que j’ai été dans l’armée ?

— Il y a bien des manières de le savoir, quand on sait observer. Si je n’en étais pas sûr lorsque vous êtes arrivée, je n’ai plus aucun doute maintenant.

Il y eu un blanc quelques secondes, pendant lequel il en profitait pour tirer longuement sur sa cigarette.

— Au fait, dis-je soudainement, merci.

— C’est normal. Vous n’êtes coupable de rien. De ce que j’en sais, ajouta-t-il sur un ton amusé.

— Qu'en est-il de la situation des éternels à l'heure actuelle ? Demandai-je en changeant de sujet.

— Il n'y a eu qu'une seule mesure de prise pour le moment, la première depuis que la présidente a été élue hier soir : les éternels doivent être libérés et considérés comme des humains jusqu'à ce qu'une décision soit prise les concernant.

— Ce qui risque de prendre du temps, devinai-je.

— En effet. Mais je suis certain que ça ne peut qu'aller mieux.

Je pouffais. Ça pouvait difficilement aller pire que ce que nous avions vécu. Et je n'étais restée que quelques jours. Mais je savais qu'il avait raison, tout irait mieux désormais, même s'il faudrait quelques temps d'ajustement.

Je pensais soudainement à Maxime. Était-il au courant pour l'élection ? S'était-il lui aussi fait capturer ? Savait-il que j'étais encore vivante ? Plus important encore : était-il encore vivant ? Je n'avais aucune idée d'où il avait passé les derniers jours, et je me sentis soudainement très anxieuse.

Je ne pouvais pas l'appeler, et je ne connaissais pas de moyen pour appeler ses parents. Je ne connaissais bien sûr pas leur numéro, d'autant plus que je n'avais aucune idée de s'ils étaient encore chez notre adorable infirmier ou s'ils étaient rentrés chez eux. Après réflexion, je décidais que j'irais directement à leur maison dès que j'en aurais l'occasion. C'est le meilleur moyen que je possède pour retrouver Maxime.

Un nouveau hummer noir arriva finalement après deux heures, et il nous emmena avec le capitaine Jerhen à Nancy, un centre d'accueil pour les éternels qui avaient été retenus prisonniers dans l'Est de la France.

Là-bas, je consultais un médecin (j'avais poliment refusé, mais le capitaine Jerhen avait insisté) puis je pris une bonne douche bien chaude avant de me jeter dans un lit peu confortable. Je dormis comme une marmotte pendant des heures.

Je rencontrais de nombreux éternels, probablement le plus grand rassemblement auquel j'ai participé de ma vie. Certains se portaient plutôt bien, malgré le choc. D'autres restaient dans leurs chambres, refusaient de sortir, étaient paranoïaques. J'en avais croisé quelques-uns dont on avait coupé un membre, le plus souvent un doigt ou une main. J'assistais également à une crise de folie d'une femme, qui hurlait, criait et frappais tous ceux qui s'approchaient.

On nous offrit un suivi psychologique gratuit d'un mois, à Nancy, afin de nous aider à "remonter la pente après un tel traumatisme". Personnellement, je choisis comme beaucoup de rentrer auprès de mes proches. Deux jours à me reposer ici avaient été largement suffisant pour moi, et je m'inquiétais pour Maxime.

On me paya un trajet de bus qui sembla durer une éternité, puis j'arrivais enfin à destination. Je marchais une bonne dizaine de minutes avant d'arriver devant la maison des Leroy. La boule au ventre, je traversais le jardin pour arriver devant le pas de l'entrée, et il me fallut plusieurs secondes et tout le courage du monde pour lever la main et oser sonner. J'avais tellement peur d'apprendre qu'il était arrivé quelque chose à Maxime que, quelque part, je voulais rester dans l'ignorance.

Je n'avais jamais eu aussi peur de toute ma vie.

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