Chenilles

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  Vint un jour où je me mis à regretter d’avoir envié mes voisines fleurs d’être le centre d’intérêt des insectes volants. Les papillons qui voletaient de corolle en corolle déposèrent quelques œufs sous mes feuilles. Je fus d’abord flatté d’héberger ainsi les générations futures de ces êtres à l’aspect si fragile et gracieux. Ce n’est qu’après que je réalisai mon erreur.

Des œufs à peine éclos émergèrent de petites créatures voraces qui se mirent immédiatement à dévorer mes précieuses feuilles. Elles ne tardèrent pas à doubler de volume, convertissant en énergie vitale ce qui me servait à vivre. En quelques jours, la moitié de mes feuilles fut décimée.

Je sentais chaque bouchée de ces créatures déchirer ma chair, j’assistais avec impuissance à leur inexorable avancée. Mes journées résonnaient de leurs effroyables bruits de mastication. Ce que j’avais mis des mois à construire se retrouvait broyé par leurs mâchoires trop nombreuses. Je me sentais devenir aveugle, privé de chaleur et de lumière pour voir autour de moi. J’étouffais, aussi. Ma tige continuait de grandir, le suc montait et descendait en moi, mais les rares feuilles restantes n’étaient plus assez nombreuses pour produire les nutriments qui m’étaient nécessaires.

Alors que je tentais en dernier recours de faire baisser le flot de liquide dans mes fibres, une ombre vint à planer au dessus de moi. Je commençai à trembler, était-ce l’ombre de la mort ?

Elle l’était, en effet, mais pas de la mienne. L’ombre se rapprocha en un puissant courant d’air et, avec un rapide pincement, plusieurs chenilles furent arrachées à mes feuilles. En quelques battements d’aile, l’oiseau revint picorer les autres. Je n’avais aucun moyen de remercier le volatile, mais j’exultais de joie. Mon sauveur fit d’autres passages les jour suivants, jusqu’à avoir endigué l’invasion de chenilles et comblé sa faim.

Les quelques rescapées ne firent plus de dégâts et finirent pas se changer en minuscules cocons accrochés à mes tigelles. Quand le soleil se fit plus présent que les nuages dans le ciel, les chrysalides s’ouvrirent et les papillons colorés et graciles que j’avais tant admirés s’envolèrent sans jeter un regard en arrière.

Dans les années qui suivirent, je subis plusieurs invasions similaires. Mais j’avais déjà grandi, et mes feuilles développèrent un système d’auto-défense redoutable : les tanins. Elles prirent un goût amer qui repoussa les chenilles. Je pus poursuivre ma croissance.

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