XXIII

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‘’Allez viens !’’, elle répète. Là, je me sens obligée, de la suivre. Je ne sais pas pourquoi mais mon corps se met en marche. Comme s’il prenait les décisions à ma place. Mon subconscient essaye de me dire quelque chose que je refuse de faire, sociabiliser. J’ai horreur de ce mot, dans la bouche des psychologues on dirait un devoir qu’il faut absolument accomplir. Tout le monde le doit, nous sommes les moutons de la société et ça m’énerve. Pourtant, je me dirige toujours vers la fille qui m’a invité à manger. Une partie bien cachée au fond de moi a envie de participer à ce déjeuner. La petite fille trahit d’autre fois à envie de revivre ces bons moments qu’elle a passé quand elle a, une fois, eut une amie. De l’autre côté, ce n’est qu’une mauvaise heure à passer. Après, je m’éclipserais et retournerais dans ma grotte. Je la rejoins et nous revenons dans la queue qui a énormément avancé. Nous rejoignons deux autres filles. L’une est habillée de manière colorée et a des lunettes fantasy en forme de soleil tandis que l’autre est habillé tout en noir, une gothique j’imagine. La fille que je suis m’introduit dans ce groupe un peu décalé.

-Je vous présente, euh, comment tu t’appelles déjà ? Me demande-t-elle, coupée net dans sa présentation.

-Adèle.

-Oui donc Adèle, moi c’est Ninon, la timbrée avec les lunettes de soleil là, c’est Louisa et l’autre c’est Blanche.
-Comme quoi on ne choisit pas son prénom. Dis la dénommée Blanche d’un ton un peu plaisantin.

-Adèle comme LA Adèle ? Dis la métisse à lunette. Nina lui donne un coup de coude. Je restais muette. Je le savais que ça allait se finir comme ça, je le savais. Il y eu un court blanc.

-Bienvenue dans ce club de merde. Me dit Blanche en me tendant son poing dans l’espoir de faire un check. Check, que je ne fis pas d’ailleurs, trop occupée à être mal à l’aise et puis je ne m’identifies pas du tout à ce groupe.

-Check. S’exclama Ninon en la sauvant de l’énorme vent que je venais de lui mettre. La file avança, on s’approche de la borne de la cantine. Pourquoi c’est si long ? Je reste toujours silencieuse. Arrivée à la borne, chacune passe sa carte. On se sert et s’installons à une table loin des fenêtres où j’aime tant m’assoir. Les filles parlent un peu entre elles jusqu’à ce qu’on s’asseye à cette table.
-Je vais chercher le broc d’eau dit la gothique. Nous autres commençons à manger. Je ne sais toujours pas pourquoi j’ai suivi cette fille. La fille revient avec le broc, le pose sur la table avant de s’assoir définitivement.

-Alors si je résume bien, toi t’es celle qui a voulu se tuer dans l’lycée ? Demande la gothique qui vient de revenir de la fontaine avec le broc rempli. Je m’étouffe avec ma sauce. Sans filtre cette fille ! Les yeux des trois filles sont rivés sur moi. Je le savais qu’elles allaient me poser des questions, je le savais putain ! Je fais mine de ne pas entendre et esquive la question. ‘’Oh, je te parle !’’ répète-t-elle. Elle me soule ! Je la regarde droit dans les yeux de mon regard le plus froid. Elle me défie par ce même regard. Le temps semble être suspendue. Je laisse tomber en première. Flemme de me mettre vénère.

-C’est chaud quand même ! Enfonce Louisa. C’en est trop, c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase.
-Bon, qu’on mette les choses aux claires, je suis là par politesse, ok ? J’ai pas envie de parler et encore moins de ça, et surtout pas avec des inconnues. C’est bon ? J’appuie bien sur les mots envie parce que clairement, je n’en ai pas le moins du monde.

-Ok ok, excuse. Répond Louisa. Vous savez pourquoi M.Lecerf est absent ? C’est con il avait un dm à me rendre, une super note en plus ! Je ne supporte pas ce nom, me lève, prend mon plateau et part. Je n’ai plus du tout faim, je dépose mon plateau dans une des rangées pour plateau et sort de la cantine vénère. Les filles ne comprennent pas, je m’en contrebalance. Je me terre sur l’un des bancs de la cours, celui en dessous du grand chêne du lycée, celui où j’aimais me poser pour dessiner avant tout ça. Ca fait si longtemps. J’y pose mon sac et m’assois. Des images de ce qui s’est passé reviennent. Ca me terrifie toujours autant, pourtant j’avais réussi à les éloigner un petit peu de mon esprit. Elles sont vraiment connes ces filles, je le savais que ça allait mal finir putain, je le savais. J’aurais dû m’écouter, là, j’ai à peine déjeuner, rien dans le bide, sérieux quoi ?! J’essaye de respirer pour me calmer lorsque j’aperçois Vincent dans la cour. Il m’a vu et se dirige vers moi.

-Hey, ça va ? Me dit-il en s’installant sur ce même banc.

-Ouai non, j’ai eu la merveilleuse idée d’accepter de manger avec des filles. Elles ont posé les mauvaises questions c’est tout.

-Ah, mince. Du coup, j’imagine que t’es partit sans avoir finit de manger.

-Grossomerdo c’est ça.

-Tiens, j’ai mangé mais je garde toujours le pain qu’ils proposent. Me dit-il en me tendant la mini baguette. J’accepte, un peu gênée.

-Merci Vincent pour tous ce que tu fais, c’est vraiment gentil.

-T’inquiètes, c’est normal. Je n’allais quand même pas te laisser mourir de faim ! Viens on joue à un jeu?

-Hein ?
-En fait, on se donne un dessin animé, et celui qui dessine le mieux le perso en question gagne, ça te dit ? Me demande-t-il.

-Euh, ouai, ok, mais…

-Chut. Dessiner ça peut faire du bien quand on est en colère. Tiens. Me dit-il en me tendant deux feuilles blanches et un crayon. On essaye Dora ?

-Allez. Ça y est, je me prête au jeu et nous nous mettons à dessiner Dora. A la fin, lorsqu’on a fini, on se compare nos dessins, c’est si drôle. Ça faisait longtemps que je n’avais pas rigoler avec quelqu’un.
-Mais c’est quoi cette tête ? Rigole Vincent.

-J’ai jamais dit que j’étais forte en dessin, c’est toi l’artiste ! Rigolais-je. En trois manches on avait désigné le gagnant. C’est incontestablement Vincent ! Je ne m’en remets toujours pas d’avoir mis un bermuda violet à Dora. Nous rigolons beaucoup. Merci, lui glissais-je dans l’oreille, ça m’a fait du bien de rigoler. Nous passons le reste de l’heure à discuter. Le sujet : la musique.
-Je suis grave pas d’accord ! Je trouve Hoshi géniale !

-Je sais pas franchement, je trouve ça d’un plat !

-Mais pas du tout, y a tout un jeu de rythme, les rimes sont bien trouvées. Je comprends pas, t’es pas la première personne qui dit ça ! Regarde par exemple, dans deux lignes, elle va rimer cercueil et cœur, ça veut dire quelque chose quand même !

-T’es consciente que -euil et -oeur, ça rime pas !

-Oui nan mais je veux dire dans l’assonance.

-Tu as vraiment analysé sa chanson ?

-Euh, ça m’est peut-être arrivée une ou deux fois…
-Je me retrouve avec une folle dingue d’analyse, qu’est-ce que j’ai fait pour mériter ça ??? Se plaint-il en rigolant.

-Oh mais regarde le bon côté des choses, tu vas pouvoir faire l’intello en parlant par exemple, ba tiens, des rimes de Baudelaire dans les Fleurs du mal.
-Oula, ça sent le bouquin qu’on étudie en français ça ! Ça ne m’intérresse plus tout d’un coup. Dit-il, désintéressé. Je me sentais obligé de lui poser une question.

-Pourquoi ? Pourquoi ça t’intéresse pas les cours ? Demandais-je. Tu passes la plupart des heures de cours à somnoles et à rêvasser, pourquoi ?
-…. Je sais pas. Honnêtement, je crois que je ne me sens pas concerné par tout ça.
-Mais tu veux faire quoi plus tard ?

-Je sais pas trop en fait, j’aime bien l’aéronautique mais ce n’est pas avec mes notes en maths que je vais y arriver. Savoir ce que veut vraiment dire Baudelaire dans tous ces vers ne m’aidera pas tant que ça, tu vois ?

-Et ce qu’on fait en physique et svt ne t’intéresse pas ?

-Plus que les autres matières mais bon.

-Tu pourrais aller dans un lycée pro’ non ?

-Nan, je ne me ferais pas accepter. T’as pas vu mon bulletin !

-Qu’est-ce qu’il a ton bulletin ?

-J’ai la moyenne dans quelques matières et encore, c’est tout juste si on ne m’a pas proposé de redoubler !

-Mais ça se travaille ça ! Tu vas pas redoubler pour un fichu bouquin d’un poète mort il y a 200 ans quand même !

-Mouai, c’est vrai que c’est qu’un bouquin.
-Ah, oui, non, c’est pas ce que je voulais dire. Je réalisais que je m’étais piégée moi-même. Les fleurs du mal, ce n’est pas qu’un bouquin. C’est une œuvre magistrale ! Vincent me sourit histoire de dire que le sujet est clos. Têtue comme je suis, je m’apprête à déployer mes arguments.

-Non, non, non. M’interrompt-t-il en mettant sa main sur ma bouche. Un flash-back déboula devant mes yeux. Lui, qui me met un tissu pour éviter que je cri. Je me dégage de sa main le plus vite possible. Vincent ne fait pas attention à mon geste, tant mieux, ça aurait un peu gâché l’ambiance. Avant que la cloche sonne, je voudrais lui demander quelque chose.

-Dis, j’aimerais savoir, qu’est-ce que disent les rumeurs ? il me regard l’air de dire ‘’tu veux vraiment savoir ?’’, je lui quémande des yeux.

-Bon, souffle-t-il, certaines disent que tu t’es faites harcelée, d’autres que tu es une enfant battue, d’autres encore que t’es à la rue, que tu te drogue ou que tu t’es faites agresser. Je l’écoute, toutes ces rumeurs à mon sujet et seule une parait la plus proche de la réalité.

-Et, et personne n’a vu pour…

-Pour ta grossesse ? Je baisse les yeux, réponse affirmative de ma part. Et bien pas vraiment, il n’y a que les profs et moi qui sont au courant mais j’ai entendu des gens parler de toi avec ça, après je ne sais pas si la mayonnaise a pris !

-D’accord, et… tu, enfin….

-Je ne l’ai dis a personne, je te le jure !

-Ok, merci.

-Tu vas rien dire ?

-Non, je ne pense pas.

-Mais tu te fais insulter déjà, si tu disais ce qu’il s’est réellement passé, ils te ficheraient la paix !

-Non, au contraire. Les lycéens ici sont comme des puces, ca te pique et ca te suce jusque tu n’en peuvent plus. Ce serait pire encore, ca reste entre les profs, toi et moi, c’est tout.

-Ok. La cloche sonne, l’heure du gong a sonné. Il faut retourner en cours. En deux’ deux’, Vincent est déjà debout, il me tend la main. Je la saisis et il m’aide à me lever. Je lui sourit en le remerciant et nous marchons vers notre salle. Devant celle-ci, nous attendons la prof, mme.lavale. Ca fait longtemps ! C’est le silence entre nous, le calme revient lorsque soudain, je vois arriver les filles de la cantine. Et merde ! Je change tout de suite de regard. Elle s’arrête devant moi, Vincent est juste à côté.

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