Pendant de longues minutes

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Pendant de longues minutes elle s’affaira ici et là, rangeant des paniers, balayant le sol à l’aide d’un balai rustique fait de brindilles végétales. Elle ne regardait ce qui était autour, semblant profondément perdue dans ses pensées, à tel point que je me posais la question de savoir si elle n’était, précisément, qu’une pensée incarnée, une façon d’étrange feu-follet girant autour de ses propres obsessions, sans doute d’angoisses qui l’envahissaient et la clouaient au mitan de son corps sans qu’elle ne pût rien contre cet état. Je dois avouer, j’ai toujours eu un faible pour les fous, quelle que soit la nature de leur folie, hystérique, compulsionnelle, parfois choisie, une immersion en soi afin d’échapper au jugement de la société, à sa férule le plus souvent sans pitié. Mais je ne pouvais demeurer indéfiniment dans cette posture de songe-creux et il me fallait voir les choses de bien plus près.

   M’armant d’une certaine témérité, je me résolus à quitter ma demeure de roseaux, à surgir en plein jour. Je ne savais nullement ce que me réserverait « La folle ». En réalité je ne risquai plus guère qu’elle. Elle devait se trouver à cent lieues du réel ! Je révisai rapidement mes notions de Latin moderne et vins à la rencontre de celle qu’on disait « possédée ». Je m’entendis prononcer, d’une voix mal assurée, cette phrase somme toute anodine : « Buongiorno. Posso fotografare la tua casa? ». Je m’attendais à ce que l’Interpellée prît la fuite, se barricadât dans sa maison et me laissât quelque peu désemparé sur le sol de terre battue. Sa réponse ne se fit guère attendre, qui me sidéra :

« Bien sûr, vous pouvez photographier. Vous n’êtes pas le premier touriste à me poser cette question. Et je ne vois pas pour quelle raison je refuserai. De toute manière je me méfie toujours du principe de raison, préférant de beaucoup me fier à mon intuition. Or vous me paraissez honnête et doué des plus belles intentions.»

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