Océan mer

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Je suis dans un siège naturel fabriqué par le vent et le sel, sur une falaise, les pieds au bord du vide marin et la tête pleine d’embruns. Les falaises maltaises sont sauvages, fleuries et robustes ; on y repose le corps en même temps que les yeux, on s’arme de beauté et de nature pour retourner affronter la vie-goudron-bétonnée. Qu’est-ce que je rêve ma cabane en bord d’océan, dans ces moments-là, des moments que je voudrais multiplier par toujours. Le bord de mer a ce côté indomptable qui me charme, ici. La sauvagerie des vagues sous le ciel changeant, les nuages qui strient le soleil et les rafales de vent.

Mon animal totem, c’est l’océan. Parce qu’il est contrasté et merveilleux et rassurant et flippant et doux et rude et salé et mouillé et qu’il me tue et qu’il me soigne et qu’il m’enlace sans me lâcher. Il est mouvant, rageux, dangereux et imprévisible, il est calme et il me fait sourire mais il me mord quand je suis blessée. Il est plein de surprises et de mystères et parfois aussi de choses qui font peur et je le sais, mais je rentre en lui quand même et je m’imprègne de lui et je le laisse me submerger et jouer avec mon corps abandonné et mon cœur ballotté, je laisse les vagues m’emporter et quand je me décide à braver le courant, il est souvent déjà bien trop tard et je croyais pouvoir juste goûter le sel sur ses lèvres mais je me suis fait dévorer. Engloutir par l’océan dans ses yeux, dans sa voix. Désolée, désolée il voulait pas mais maintenant je suis là, en lui et c’est beau et c’est fort et c’est triste et vraiment, j’espère qu’il restera quelque chose de moi après… Après quoi ? Après lui. Après l’océan qui a brûlé mon cœur et qui pique maintenant le tien.

Et je sens encore qu’il m’appelle. Il me tire des larmes, tant il me tend les bras.

Le mouvement lent et sensuel de l’eau au large, l’eau puissante et brillante et éblouissante – j’ai les yeux pleins d’étoiles. Il faut vraiment trouver le courage de sauver le monde aujourd’hui. Il continue de nous offrir tellement, il faudrait bien le lui rendre. Une roche jaune pâle contre le marine de l’eau sous mon genou gauche. Ça me donne faim de beauté, soif d’amour, folle envie de plonger, des dizaines de mètres plus bas, malgré le vertige qui m’étreint. Fondre dans le monde pour lui laisser mon cœur. Devenir écume de mer, comme la petite sirène, et passer à la postérité dans la bouche d’enfants du futur qui ne verront jamais la mer comme elle est aujourd’hui. Je repense à des choses tristes, des choses desquelles je sais que jamais je ne guérirai et dont jamais la plaie ne se refermera. Elle arrête de saigner mais reste ouverte, et le sel de la mer sous mes yeux la cautérise doucement, jusqu’au prochain mouvement du cœur qui la rouvrira. Ajouter à la souffrance et saler les souvenirs, ça aide parfois à avoir la rage. J’ai envie de sauter.

J’ai envie de vivre avec rage, même au fond de mon lit la nuit, au fond du cœur d’un homme, au fond de mes cartouches d’encre qui se vident l’une après l’autre, la rage, la fureur des sourires et l’envie d’en faire toujours davantage. Vivre. La mer. Le soleil couvert, ici. Être un corps dans le monde sans le maîtriser. Être, encore et suivre les vagues se laisser porter ne pas se noyer faire avec mais se débattre pour avancer merci, le monde, de m’avoir fait naître, vivre, souffrir et sourire. Vivre.

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